■ De nombreux pays, développés et en émergence, ont institué des entités pour réguler le marché foncier, un secteur des plus stratégiques. ■ Le Maroc a besoin annuellement de près de 4.000 ha pour la mise en œuvre de son plan Emergence à des prix compétitifs. ■ Le coût du foncier reste exhorbitant. D'après de nombreuses études, la charge foncière dans le coût global de la production d'un logement représenterait 30-50% du coût du logement, notamment dans les villes de Rabat et Casablanca, pour 10-20% selon les normes internationales. Cette hausse résulte de comportements spéculatifs. Elle s'explique en particulier par le fait que le foncier au Maroc est devenu le meilleur placement présentant un double avantage : faible risque et rendement élevé. De l'avis des analystes du Centre Marocain de Conjoncture, si la politique du logement social et la lutte contre l'habitat insalubre, qui mobilisent annuellement près de 1.500 ha, rencontrent aujourd'hui des difficultés, c'est bien à cause du foncier : l'absence du stock foncier adéquat à des prix qui assurent la faisabilité de ces projets. Le secteur du logement qui mobilise chaque année près de 3.500 ha, est en phase de stagnation en raison de l'envolée des prix. Les zones industrielles mobilisent annuellement une moyenne de 500 ha, un chiffre qui reste relativement faible. D'après les conjoncturistes, le Maroc a besoin annuellement de près de 4.000 ha pour la mise en œuvre de son plan Emergence à des prix compétitifs. La charge foncière ne doit pas représenter plus de 10% du coût global de l'investissement industriel, afin que l'offre foncière industrielle soit aussi compétitive que celles des pays de la région méditerranéenne. Le reste des équipements et des infrastructures publics mobilisent près de 1.200 ha par an. D'où la nécessité de limiter le foncier à des prix permettant la maîtrise des coûts des investissements publics à long terme. Compris autrement, de tels dérapages dans le prix du foncier seraient donc de nature à contrarier fortement la mise en œuvre des différentes politiques liées au foncier. Ces dérapages s'expliquent largement par l'inefficacité du système de régulation actuellement en vigueur au Maroc. Les conjoncturistes pointent du doigt le fait que la gestion de la réserve foncière publique est entre les mains de plusieurs intervenants, sans feuille de route claire en phase avec les mutations rapides que connaît actuellement l'économie marocaine : les ministères des Finances (foncier domanial de l'Etat), de l'Intérieur (foncier collectif et celui des collectivités locales), les Habous et le Haut-Commissariat aux eaux et forêts (réserves forestières et domaine maritime) qui gèrent une composante importante de la réserve foncière publique. Concernant le foncier privé, il n'y a pas d'entité juridique spécifique qui se charge du suivi et de la gestion ainsi que de l'identification des dysfonctionnements du secteur au Maroc. Le rôle de l'Agence Nationale de la Conservation Foncière et de la Cartographie se limite à la protection de la propriété des biens immobiliers et à la surveillance de toutes les données d'intérêt pour ce secteur. De leur côté, les outils de contrôle et de planification- constitués de plans d'aménagement ou du levier fiscal- sont en décalage par rapport à la dynamique du marché. Le foncier : comment le rendre accessible ? En effet, le Maroc a besoin d'un outil pour harmoniser ses diverses stratégies centrales dans le domaine foncier afin de rendre l'accès à cette matière stratégique plus facile à des prix plus abordables au profit de la collectivité. Le foncier doit être mis à la disposition des différentes politiques sectorielles et au profit des investisseurs nationaux et internationaux qui cherchent à être plus compétitifs. La Chine, à titre d'exemple, qui attire chaque année près de 100 milliards de dollars d'IDE, met à la disposition des investisseurs près de 35.000 hectares chaque année sous forme de zones industrielles à des prix très attractifs. Un outil qui doit répondre aux besoins actuels et futurs pour accompagner la croissance économique du pays. «Le volume de la consommation annuelle en foncier par tous les secteurs justifie la nécessité de la mise en place d'un organe qui prend en charge la régulation du secteur», confirment les analystes du CMC. De nombreux pays, développés et en émergence, ont institué des entités pour réguler le marché foncier, un secteur des plus stratégiques. Les mécanismes du marché à eux seuls ne peuvent assurer une meilleure régulation. L'Etat ne peut renoncer à ce secteur vital et stratégique au profit d'un rôle prépondérant du marché et des individus. Cette structure, ou agence foncière, peut jouer des rôles multiples aux niveaux national, régional et local. Elle peut identifier les dysfonctionnements actuels et proposer les solutions appropriées «multiplicité de statuts, faiblesse de titrisation,…». L'agence aurait également un rôle indispensable dans l'accompagnement du développement des villes et des communes, en tirant profit de divers documents de planification urbaine, notamment les plans d'urbanisme, pour se positionner mieux sur le foncier au profit de l'Etat et des collectivités. ■