■ Les mouvements sociaux, qui ont affecté le port de Tanger Med, ont entraîné une perte de volume de 15% comparativement à 2011. ■ Selon Hartmut Goeritz, Directeur général d'APM Terminals Tangier, tout retour de perturbation au sein du port de Tanger Med pourrait avoir des conséquences fatales sur la productivité. ✔ Finances News Hebdo : L'année 2011 a été une année très mouvementée. Le Maroc n'a pas été épargné par les événements qui ont bouleversé le monde, notamment les grèves qui ont paralysé différentes entreprises, entre autres, le port de Tanger-Med. Tout d'abord, quel regard portez-vous sur les différents mouvements sociaux et leur impact sur l'entreprise ? ✔ Hartmut Goeritz : Selon nous, les évènements qui ont bouleversé le monde, et certains pays arabes notamment, n'ont pas eu d'effet négatif majeur sur l'économie marocaine. Le transport maritime de marchandises, par exemple, a globalement augmenté au Maroc de 6% en 2011. En revanche, ces évènements ont créé un contexte général propice à des mouvements sociaux dans un certain nombre de secteurs d'activité. Pour ce qui est notamment du port Tanger Med, et comme vous le savez, les mouvements de grève qui l'ont affecté durant le 2ème semestre 2011 n'ont pas manqué de nuire à son image et de provoquer un ralentissement sensible de son activité. Au final, ces mouvements n'ont servi ni l'intérêt de l'entreprise ni celui des employés, car il est clair que le développement de l'activité de transbordement reste fortement tributaire d'une compétitivité élevée et d'une productivité durable, conditions sine qua non pour attirer et fidéliser les compagnies maritimes internationales. Des mesures sont absolument nécessaires pour garantir la stabilité des conditions liées à l'emploi, de même que pour développer les infrastructures sociales de base autour de la zone portuaire pour pouvoir accueillir et retenir les ressources humaines appropriées. ✔ F. N. H. : Le Maroc a fait beaucoup efforts en vue d'améliorer le climat des affaires et attirer de plus en plus d'investisseurs étrangers. Croyez-vous que les revendications syndicales que le Maroc a connues pourraient décourager les investisseurs potentiels ? ✔ H. G. : Nous sommes plutôt confiants dans la capacité du Maroc à continuer à attirer ces investisseurs potentiels. En effet, le Maroc jouit de nombreux atouts qui le confortent en tant que destination privilégiée pour les investisseurs dans différents secteurs grâce, entre autres, à son ouverture sur les marchés internationaux avec la signature de nombreux accords de libre-échange, aux politiques sectorielles mises en place, à la poursuite de la réalisation de projets d'infrastructures de grande envergure, au démarrage de la production de l'usine Renault de Tanger… A Tanger Med en particulier, plusieurs activités sont appelées à être davantage développées grâce aux terminaux roulier, passagers, ferroviaire et pétrolier et également aux zones franches logistiques, commerciales et industrielles organisées autour de cette plate-forme. ✔ F. N. H. : Vous avez été également touchés par les mouvements sociaux ; ont-ils eu une incidence sur le rendement de votre activité ? ✔ H. G. : Il est vrai que faute de pouvoir honorer nos prestations conformément aux standards requis, nous avons vu les armateurs rediriger certains navires vers d'autres ports dans l'Ouest de la Méditerranée tel que celui d'Algésiras notamment, ou renoncer tout simplement à Tanger Med comme ce fut le cas pour Safmarine. Le ralentissement de l'activité d'APM Terminals Tangier se reflète clairement dans le niveau du volume que nous avons réalisé, qui est passé de 1.376.600 EVP (équivalent conteneur vingt pieds) en 2010 à 1.174.000 EVP en 2011, correspondant à une baisse globale annuelle de près de 15%. ✔ F. N. H. : Qu'est-ce qui a provoqué les derniers mécontentements sociaux qu'APM Terminals Tangier a connus fin 2011, sachant que vous avez signé un protocole d'accord en mars 2011 et qui garantissait la paix sociale jusqu'à fin 2012 ? ✔ H. G. : La signature du protocole d'accord de mars 2011 a introduit plusieurs dispositions favorables à nos employés, qui devaient en retour s'engager à observer une paix sociale jusqu'à fin 2012. Bien qu'APM Terminals Tangier ait honoré l'ensemble de ses engagements, nous avons fait l'objet d'une grève de «zèle» dont il nous a été difficile de comprendre le réel bien-fondé, et qui a eu comme conséquence directe le transfert d'une part importante de nos activités vers d'autres ports de la région, à notre grand préjudice et à celui de nos employés eux-mêmes. Ce conflit social a pu finalement être résolu suite à plusieurs réunions avec les représentants syndicaux, et avec l'appui des autorités locales et de l'autorité portuaire. Nous estimons être aujourd'hui sur la bonne voie pour mettre fin aux difficultés pouvant subsister à ce niveau. ✔ F. N. H. : Quelle est la situation actuelle et comment avez-vous franchi cette crise ? ✔ H. G. : Nous opérons dans un environnement extrêmement concurrentiel. Pour pouvoir d'abord récupérer les volumes «perdus», et ensuite accroître notre niveau global d'activité, nous n'avons pas d'autre choix que de continuer à améliorer notre «business model», en ce qui concerne notamment l'excellence opérationnelle, la qualité et la fiabilité des services offerts, ainsi que les aspects liés à la sécurité et à l'environnement. Pour cela, nous mettons à profit nos différents atouts, à commencer par notre position stratégique sur le Détroit de Gibraltar, notre capacité à accueillir les plus grands navires de la flotte mondiale, ainsi que nos moyens opérationnels répondant aux meilleurs standards internationaux qui nous permettent d'assurer un traitement rapide des escales de navires. Nous espérons, cependant, que les enseignements tirés de la situation sociale que nous avons vécue au 2ème semestre 2011, seront mis à profit pour bâtir, dans un climat de confiance et de sérénité, des relations stables et durables avec les syndicats dans le but de garantir la pérennité de nos activités et de consolider notre compétitivité face aux ports concurrents. Car, toute nouvelle perturbation du rythme et des performances de notre terminal, si elle se reproduisait, serait irrémédiablement fatale aux efforts que nous déployons actuellement en vue de regagner, à terme, la confiance de nos lignes maritimes clientes. ■ Propos recueillis par L.Boumahrou