■ Le Maroc pourra capitaliser sur l'expérience des autres pays et éviter tous les facteurs de risques qui pourraient hypothéquer la réussite d'un tel système. ■ Le pays doit se préparer en adaptant notamment sa réglementation aux spécificités qui caractérisent l'assurance islamique. ■ Le préalable pour Azeddine Benali, chef de service assurance vie à la DAPS (ministère des Finances), serait d'adapter la réglementation pour permettre le cantonnement de l'activité relative aux opérations d'assurance conventionnelle, d'un côté, et celle afférente à l'assurance islamique, de l'autre. ✔ Finances News Hebdo : Pensez-vous que le Maroc est prêt à accueillir les produits d'assurance islamique alors que les services bancaires ne connaissent pas l'engouement escompté malgré leur mise en place il y a quelques années? Quel potentiel voyez-vous dans le pays? ✔ Azeddine Benali : L'assurance islamique est née il y a environ une trentaine d'années; elle s'est peu à peu étendue à travers le Monde musulman pour ensuite intéresser des pays non musulmans qui accueillent des communautés musulmanes importantes tels que la Grande Bretagne. Sur le plan régional, de nombreux pays voisins ont accueilli des programmes takaful à des degrés plus ou moins importants; il s'agit notamment de l'Egypte, de l'Algérie et de la Mauritanie, pour ne citer que ceux-là. Il s'agit là d'une opportunité que le Maroc devrait saisir pour drainer une épargne importante qui échappe encore au circuit financier formel, d'autant plus que notre pays est ouvert à toutes les cultures et que la demande existe bel et bien aujourd'hui. Cette demande n'a probablement pas encore été quantifiée pour qu'on puisse déterminer quel en est le potentiel, mais je pense que les opérateurs ne tarderont pas à se pencher sur la question. Sur un autre plan, le Maroc doit se préparer pour accueillir de tels programmes, en adaptant notamment sa réglementation aux spécificités qui caractérisent l'assurance islamique. ✔ F.N.H : Quels sont les risques de mise en place des produits d'assurance islamique au Maroc? ✔ A.B : D'aucuns pourraient reprocher au Maroc d'être en retard sur la question. Je pense que c'est un avantage par rapport aux marchés qui se sont lancés trop tôt dans l'assurance islamique et qui ont dû procéder à plusieurs réglages avant d'atteindre la maturité en la matière. Le Maroc, en réalisant des benchmarks et en procédant à des analyses détaillées de ce qui s'est passé ailleurs durant ces trois dernières décennies, pourra capitaliser sur cette expérience et essayer d'éviter autant que faire se peut tous les facteurs de risques qui pourraient hypothéquer la réussite d'un tel système. ✔ F.N.H : A terme, quel scénario prévoyez-vous ? Une distribution des produits islamiques d'assurance par les compagnies d'assurance existantes, à l'instar des produits bancaires distribués par les banques de la place, ou une création d'une compagnie d'assurance islamique ? ✔ A.B : L'autorité de contrôle du secteur des assurances reste ouverte à tous les scénarios pour autant que la réglementation le permette. J'imagine toutefois qu'il faut être prudent au démarrage et agir progressivement. Commencer peut-être par les entreprises d'assurance existantes qui ont développé une certaine expertise en matière de gestion des produits d'assurance, de telle manière qu'il sera plus facile d'intégrer cette nouvelle activité dans le processus. Le préalable serait d'adapter la réglementation pour permettre le cantonnement de l'activité relative aux opérations d'assurance conventionnelle, d'un côté, et celle afférente à l'assurance islamique, de l'autre ; autrement dit, il s'agit d'établir une frontière étanche entre les deux activités. ✔ F.N.H : Quels placements seront faits des dons des contributeurs? ✔ A.B : Encore une fois, tout dépend de la réglementation qui serait mise en place tant en ce qui concerne les règles prudentielles relatives aux placements et qui ont pour objet de protéger les fonds constitués par les dons des contributeurs, qu'en ce qui concerne le contrôle de la conformité de ces placements avec la Charia. Par exemple, qui sera habilité à certifier que tel support ou telle valeur sont conformes à la Charia ? Il faut donc attendre pour voir ce qu'en décidera le législateur. D'un autre côté, cela peut aussi dépendre de la disponibilité de moyens de placements conformes en particulier sur le marché des capitaux. ✔ F.N.H : Où en sont les discussions avec les autorités de tutelle? ✔ A.B : A date d'aujourd'hui, la Direction des assurances et de la prévoyance sociale n'a pas été sollicitée à ce sujet, il n'y a donc pas de discussions en cours. Néanmoins, une première réflexion peut être lancée pour préparer le terrain à d'éventuels opérateurs qui souhaiteraient lancer les produits d'assurance islamique au Maroc. ■