Création d'un label appelé «Produit et Saveur du Maroc» octroyé aux entreprises qui répondent aux cahiers des charges, avec un audit à l'appui. La faiblesse des marges a poussé les industriels à changer de stratégie. Explications de Abdelhak Bennani, Directeur de la Ficopam (Fédération des Industries de conserve des Produits Agricoles du Maroc). - Finances News Hebdo : Quel est le rôle de la Ficopam ??? - Abdelhak Bennani : C'est une fédération qui regroupe une dizaine d'associations par produit (Association des producteurs d'olives, Association des producteurs d'huile d'olive, Association des producteurs de jus, confiture et fruits, conserves de légumes, épices, produits aromatiques, produits déshydratés, produits surgelés) . Chaque association, chaque produit ou groupe de produit pour une technologie donnée donne lieu à une association, il y en a une dizaine ; le nombre n'est pas fixe du fait des regroupements qui se font, et parfois des conflits en interne peuvent impliquer la dissolution d'une association, et ainsi de suite ; cela bouge beaucoup et dans tous les sens. En résumé, toutes les associations adhèrent à la fédération et fonctionnent comme une seule et même association. Car vous pouvez trouver une entreprise qui fait partie de plusieurs associations, ce qui permettra de minimiser les allées et venues afin d'assister aux réunions avec les autres. Finalement, tout le monde est présent dans la fédération, ce qui permet de traiter les problèmes de toutes les associations l'une après l'autre. La fédération a deux rôles classiques : le loobing et la défense des intérêts communs ; et puis elle a une activité qui se fait en commun afin de développer le secteur. A titre d'exemple, la création d'un label appelé «Produit et Saveur du Maroc» octroyé aux entreprises qui répondent aux cahiers des charges avec un audit à l'appui. La création d'un observatoire des matières premières a une double base de données : la première recense les producteurs agricoles qui fournissent les matières premières avec leurs caractéristiques techniques. Cette information est accessible aux industriels qui peuvent choisir le fournisseur adéquat. Inversement, les producteurs peuvent utiliser l'autre partie de la base de données pour démarcher les industriels afin de leur proposer de nouveaux produits. L'autre volet concerne les prix de vente et la quantité vendue, sans indications ni du vendeur ni de l'acheteur, mais avec toutes les caractéristiques du produit. Le but de ces informations est de permettre aux industriels ainsi qu'aux producteurs de suivre au jour le jour les prix des matières premières. Il y a aussi le souk virtuel qui a été mis en place récemment : un producteur agricole qui a une production à vendre va l'introduire sur le net, il inscrit ainsi la nature du produit, la quantité disponible. L'industriel qui est intéressé par le produit pourra se manifester directement au producteur sans passer par un intermédiaire afin d'éviter le payement d'une commission à ce dernier. C'est un site qui est opérationnel depuis deux semaines, l'accès est soumis à une cotisation payable à l'avance. - F.N.H : Le label «Produit et Saveur du Maroc» est-il destiné à la consommation nationale ou à l'export ? - A.B : L'année dernière, quand on a décidé de créer le label «Produit et Saveur du Maroc» à l'échelle nationale, nous l'avons fait pour tout le monde. Certes, il n'est pas assez connu faute de médiatisation puisque nous n'avons pas pu investir énormément dans la communication autour de ce label par manque de moyens. D'autre part, nous visons aussi le consommateur final afin qu'il soit certain que s'il achète un produit portant notre label, il saura que c'est un produit de qualité. Je vous confirme que nous avons eu des promesses d'aide pour faire connaître notre label. De plus, l'entreprise qui sera primée par le label verra ses produits reconnus de qualité par le consommateur qui préférera des produits labélisés. - F.N.H : Quels sont les critères pour obtenir le label ? - A.B : Ils sont nombreux et pour n'en citer que quelques uns l'entreprise doit avoir un système de gestion de la qualité, HACCP ou ISO22000, et quand l'entreprise demandera l'utilisation du label nous effectuerons un audit pour la vérification de ce critère en plus d'autres normes et règlements. De plus, l'entreprise doit s'engager à respecter tous les critères pendant toute l'année vu qu'elle doit se soumettre à trois audits la première année, deux pendant la deuxième année, et un seul pendant la troisième année. Par contre, l'année d'après on redémarrera à nouveau. Nous avons aussi mis en place un guide de traçabilité qui a été édité et distribué à tout le monde, aux agriculteurs, transporteurs des matières premières, entreprises elles-mêmes ; c'est la distribution du produit fini jusqu'au consommateur. - F.N.H : L'industrie marocaine des fruits et légumes transformés est spécialisée dans les produits intermédiaires à faible valeur ajoutée. Quelles sont les actions mises en place afin de remédier à cette situation? - A.B : Il faudrait remonter à une belle histoire, l'industrie des fruits et légumes n'est pas très ancienne, elle date du début des années soixante ; à cette époque, les colons avaient mis en place des unités de transformation des produits pour les exporter vers la France. En 1972 la loi de la marocanisation a obligé un certain nombre d'industriels européens à vendre ou à céder leurs affaires aux Marocains et à cette époque il y avait beaucoup de surplus, ce qui permettait des bénéfices non négligeables. Aujourd'hui, on joue sur de petites marges et tout le monde bataille pour avoir un tout petit morceau, ce qui a poussé les gens à changer de stratégie vu que l'exportation des produits semi-finis ne rapporte plus grand-chose. On exporte 50% en vrac et 50 % en conditionné. Le taux est très différent d'un produit à un autre. Pour augmenter la quantité des exportations, soit les entreprises se regroupent, soit une entreprise en rachète une autre. Rester avec de petites quantités n'arrange personne, ni l'industriel, ni l'Etat. La quantité des exportations des produits transformés en conserves tourne autour de 250.000 tonnes en moyenne. Sur ce volume, 110.000 ou 120.000 sont en vrac et le reste en conditionné. Pour chaque produit, il y a un petit nombre d'entreprises qui fait plus de la moitié de la production et un grand nombre l'autre petite moitié. Pour l'olive par exemple, 3 entreprises font plus que 50% des exportations, 20 font à peine ce que font les 3. Somia fait 25.000 tonnes, Framaco fait à peu près 12.000 tonnes, Cartier fait 10.000 à 12.000 tonnes. À trois, elles font les deux tiers des exportations, l'autre tiers est fait par les 20 autres entreprises. - F.N.H : Que fait-on aujourd'hui pour dynamiser l'industrie de conserve, notamment celle destinée à l'export ? - A.B : Il y a 5 ans, on a exporté 60% en vrac et 40% en conditionné. Aujourd'hui, c'est l'inverse. L'évolution est là mais elle reste très lente. L'Etat a mis en place certaines actions pour encourager, mais elles ne sont pas orientées spécifiquement vers les conserves de fruits ou autres, elles sont dirigées vers toutes les PME, qu'elles soient industrielles ou agricoles. - F.N.H : Comment le secteur peut-il tirer profit des accords de libre-échange, notamment l'accord agricole Maroc-UE ? - A.B : Ce n'est pas systématique, l'export peut favoriser et dynamiser le secteur comme il peut le casser ; tout dépend du contenu de l'accord. Avec l'UE l'accord est certes bénéfique puisqu'on exporte tout sans droits de douane, ce qui nous rend plus compétitifs. Et concernant le prochain accord, s'il est adopté, on pourra exporter tous les produits sans quotas sur les quantités, ce qui va aider à dynamiser le marché. Ceci va pousser les entreprises à évoluer au niveau du produit et donc à exporter des produits de qualité meilleure et en adéquation avec les standards internationaux. L'évolution des accords de libre-échange qui était à la base un simple accord commercial va pousser nos règlements intérieurs à évoluer et à se mettre à niveau avec les règlements intérieurs, notamment la loi 28-07. D'ailleurs, la profession a devancé l'Etat en la matière. Puisqu'en 2004 déjà on avait rédigé des demandes qui comportent la loi 28-07, plus un certain nombre de choses. Et on est arrivé à faire accepter ce projet de loi par le ministère de l'Agriculture, le ministère de l'Industrie et qui a abouti finalement au secrétariat général du gouvernement. Mais les choses ne sont pas allées comme on le souhaitait puisqu'ils ont fait marche arrière en 2006 et que la proposition de loi a été prise mais partagée en quatre. Une loi sur le Bio, une loi sur les labels géographiques (les appellations d'origine contrôlée), la loi 28-07 qui a suivi mais il reste une quatrième partie qui va obliger l'Etat à instituer un contrôle et à mettre en place un service qui va anticiper les fraudes qui pourront avoir lieu et imaginer d'autres règlements pour éviter de contourner ces règles. L'enjeu actuellement n'est pas dans l'adoption de la loi, mais bel et bien dans son application. Dossier réalisé par W. M. & L. B.