La Loi de Finances 2007 (une année d'élections législatives), avait déjà évoqué la traque par le Fisc des signes extérieurs de richesse. Cet impôt devrait alimenter un Fonds de solidarité sociale en vue d'équilibrer le manque à gagner budgétaire engendré par la Caisse de compensation. Mais des questions se posent sur les méthodes à utiliser pour déterminer les signes extérieurs de richesse et leur éventuelle fiabilité. L'impôt sur les signes extérieurs de richesse est, pour l'instant, la plus grande nouvelle du projet de Loi de Finances 2012. Rien n'est encore officiel puisque Salahedine Mezouar n'a pas encore publié le texte à présenter au Parlement. Il faut attendre jusqu'au mois d'octobre, comme le stipule la nouvelle Constitution. Mais cette info a été confirmée par des officiels et aussi des hommes politiques. La lettre de cadrage du Premier ministre sur le projet de Loi de Finances 2012 exprime des insinuations sans faire de déclaration formelle : «Le gouvernement s'engage à renforcer les mécanismes de solidarité au profit des couches nécessiteuses via la création d'un Fonds de solidarité. Ces mesures sont susceptibles d'améliorer l'exécution des programmes de la deuxième étape de l'INDH», souligne-t-on dans le texte. Plusieurs interrogations se posent actuellement : pourquoi a-t-on choisi ce moment précis où le pays traverse des bouleversements, notamment sur le plan politique et social ? Est-ce une manœuvre politicienne du gouvernement pour séduire les électeurs à l'approche des échéances législatives, vu que la masse électorale est composée essentiellement d'une population à revenu moyen ou faible ? En tout cas, la disposition répond aussi, sur le plan fiscal, à une demande maintes fois exprimée par certains partis politiques comme l'Istiqlal ou l'USFP favorables à l'application du principe : «Min ayna laka Hada?» (D'où as-tu obtenu cela ?). Une demande également sollicitée par la société civile et un axe principal du «Mouvement du 20 février» pour instaurer la bonne gouvernance. Comment va fonctionner le nouveau fonds alors qu'il y a déjà le Fonds Hassan II pour la solidarité sociale ? Il faut souligner que la traque menée par le Fisc des signes extérieurs de richesse a déjà été évoquée dans la Loi de Finances 2007. Curieusement, une année où ont eu lieu les élections législatives. A l'époque de Fathallah Oualalou, ministre socialiste de l'Economie et des Finances, c'était plus une disposition de contrôle à travers une circulaire d'application qu'un impôt proprement dit. A titre d'exemple, «si vous dépensez plus de 120.000 DH par an et que votre train de vie ne correspond pas à vos revenus, le Fisc peut, à tout moment, jeter un coup d'œil sur vos avoirs». Le lancement de cet impôt s'explique aussi par le désir de l'Etat d'atténuer la grogne sociale créée par le Mouvement du 20 février et qui a enclenché de vastes actions de contestation et de manifestation appelant à une justice sociale. Il faut dire que l'impôt a aussi un rôle social en matière de bonne répartition des richesses. Techniquement, les initiateurs de cet impôt veulent, à travers les recettes engrangées, alimenter un fonds dit de Solidarité sociale pour équilibrer un petit peu le manque à gagner engendré par la Caisse de compensation dont le budget risque d'atteindre cette année les 50 Mds de DH. Le dialogue social a nécessité un effort budgétaire de 13 Mds de DH. Malgré les mesures d'économie lancées par le gouvernement et qui ont permis d'épargner 16 Mds de DH, une croissance des recettes fiscales de 6% dégageant un surplus de 9 Mds de DH, le déficit risque de déraper pour atteindre 5% du PIB, sinon 6%. Les projets de réforme de la Caisse de compensation laquelle profite aussi bien aux riches qu'aux pauvres, visant une orientation vers la population ciblée, n'ont pas vu le jour. C'était l'une des grandes cartes électorales de l'actuel gouvernement et en tête le parti de l'Istiqlal qui s'est engagé en 2007 à lancer une subvention mensuelle de 500 DH pour les familles les plus démunies à condition qu'elles s'engagent à continuer la scolarisation de leurs enfants. Mais plusieurs problèmes ont surgi, notamment la question de l'identification de la population concernée et aussi l'autorité compétente qui devra distribuer ces fonds. L'idée de l'impôt sur les signes extérieurs de richesse consiste donc à récupérer une partie des fonds dont profite la population la plus riche à travers la Caisse de compensation. Mais comment peut-on définir les signes extérieurs de richesse et comment peut-on appliquer dans les faits cet impôt ? Est-ce qu'il sera forfaitaire ou déclaratif ? A quel seuil peut-on définir la richesse d'un contribuable ? En général, ces fameux signes extérieurs sont déterminés à partir d'éléments précis comme la résidence principale, la résidence secondaire, la voiture, le bateau de plaisance, l'avion ainsi que les différents frais (remboursement des emprunts) engagés. Mais pour le cas marocain, plusieurs difficultés peuvent influer sur la mise en application de cet impôt, comme l'existence d'une forte prévalence de l'informel et un comportement parfois non responsable des contribuables. Si pour la voiture ou la résidence secondaire il est plus facile de déterminer ces signes, pour d'autres aspects l'évaluation reste difficile comme le cas de la joaillerie, bijouterie ou autres produits de luxe. Dans les pays qui ont adopté cet impôt, comme la France, on note de fortes critiques et les méthodes adoptées par le Fisc font toujours l'objet de controverse, car la relation entre le revenu et les signes extérieurs de richesse n'est pas toujours équitable.