L'UE a adopté une approche «Plus d'appui européen pour plus de réformes» dans le cadre de sa politique européenne de voisinage. Les pays partenaires sont souverains d'accepter ou non cet appui. La stimulation de la démocratie dans un Etat n'est pas le résultat d'aides financières ; néanmoins, si elle est bien ciblée, elle peut y contribuer efficacement. La nouvelle approche est dotée d'un budget suppélementaire de 1,242 milliard d'euros de dons. Selon Eneko Landaburu, ambassadeur de l'Union européenne à Rabat, l'Union a décidé d'accorder plus d'aides financières aux Etats qui auront fait le choix de progresser dans leur processus démocratique. -Finances News Hebdo : L'UE a lancé, il y a quelques semaines, le nouveau package de Voisinage à la lumière des évènements récents dans le Monde arabe, mais également suite à des concertations avec les pays partenaires de l'UE. Quel accueil à reçu cette nouvelle offre ? Et quel a été l'écho constaté auprès des pays concernés, y compris le Maroc ? -Eneko Landaburu : Cette communication conjointe du Service européen d'action extérieure et de la Commission européenne aux Etats membres et au Parlement européen, marque la volonté de l'UE d'adopter une approche «plus d'appui européen pour plus de réformes». Cette communication a été en effet le fruit de larges consultations d'acteurs européens et de partenaires du voisinage. Elle prévoit une différenciation accrue entre pays et une traduction effective des valeurs universelles des droits de l'homme, de la démocratie, de l'Etat de droit, et de l'économie solidaire dans les programmes des réformes des pays voisins. Le Maroc, en tant que pays pilote dans la région, bénéficiant d'un Statut avancé avec l'Union européenne, est idéalement placé pour saisir les opportunités offertes par la nouvelle politique européenne de voisinage, pourvu qu'il relève les défis de l'enracinement d'une démocratie durable et d'une économie solidaire. En ce qui concerne l'ensemble des pays du Sud de la Méditerranée, ils restent souverains quant à leurs choix d'accepter ou non cet appui de l'Union européenne aux réformes qu'ils souhaitent mettre en place. -F. N. H. : Vous avez assisté en mai dernier au Forum organisé par l'IMRI sous le thème : «Le partenariat euro-méditerranéen à la lumière du printemps arabe». Et l'une des recommandations émises suggère que l'UE doit renforcer son aide financière aux pays partenaires. Pensez-vous que la stimulation de la démocratie d'un Etat passe inéluctablement par l'aide financière ? -E. L. : Il est évident que la stimulation de la démocratie dans un Etat n'est pas le résultat d'aides financières, néanmoins si elle est bien ciblée, elle peut y contribuer efficacement. Pour l'ensemble des pays concernés, la politique européenne de voisinage sera dotée d'un budget supplémentaire de plus d'un 1,242 milliard d'euros de dons en complément aux 5,7 milliards d'euros déjà alloués pour 2011-2013, auxquels s'ajouteront 1 milliard d'euros de prêts additionnels de la Banque européenne d'investissement. Par ailleurs, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) verra ses activités étendues à la Méditerranée avec un volume de prêts potentiel de 2,5 milliards d'euros par an. La politique européenne de voisinage privilégiera ainsi les partenaires qui s'emploient à approfondir une démocratie durable, dotée d'institutions solides à même de garantir la liberté de vote, la justice, la liberté d'expression, la sécurité des citoyens et un accès à une fonction publique compétente et intègre. Elle appuiera une société civile dynamique. Elle entend soutenir le développement d'une économie solidaire où les petites et moyennes entreprises, en particulier, peuvent exploiter pleinement leur potentiel commercial, investir et se développer de manière durable, contribuant à réduire les inégalités sociales et régionales, à créer des emplois et améliorer le niveau de vie de tous. Elle offre la perspective d'un partenariat pour la mobilité (en particulier pour la Tunisie, le Maroc et l'Egypte) et un appui renforcé au programme d'échange d'étudiants et de chercheurs. La progression de la démocratie dépend du choix souverain des pays eux-mêmes; l'Union européenne propose une aide conséquente à ceux qui désirent aller dans ce sens. -F. N. H. : Le chômage des jeunes reste une grande problématique dans le Monde arabe. Dans ce sens, quelles sont les solutions susceptibles de réduire ce phénomène dont souffre l'Europe également ? -E. L. : L'importance de l'emploi informel et le chômage élevé des jeunes diplômés constituent deux caractéristiques que partagent la plupart des marchés du travail des pays de la région. Les causes des difficultés d'insertion des jeunes diplômés sur les marchés du travail sont dues à la progression rapide des niveaux d'éducation qui se sont traduits par un accroissement de l'offre de compétences qui, comme en témoigne le taux de chômage élevé des jeunes diplômés, n'a pas rencontré une demande aussi dynamique. Il faut analyser l'inadéquation entre offre et demande de travail pour résoudre une partie de ce problème. Cela doit s'accompagner par un enseignement qui réponde à des critères spécifiques de besoins du marché; d'autre part, la modernisation et le développement économique des pays doivent progresser rapidement pour absorber cette demande. -F. N. H. : Certains pays comme l‘Egypte ou la Tunisie bénéficiaient d'une aide européenne, notamment pour le renforcement de la démocratie et pourtant, ces pays ont connu un renversement de régime. Cela pourrait-il conduire à une révision du partenariat euro-méditerranéen avec, par exemples, des recommandations plus strictes dans l'utilisation des fonds octroyés ? -E. L. : Le renforcement de la démocratie et des droits de l'homme ont toujours été au cœur des préoccupations de l'Union européenne dans ses relations avec ses voisins. En effet, l'aide financière de l'UE a toujours prévu des soutiens à des projets dans ce domaine, mais c'était aux Etats de décider de leur ambition à aller encore plus loin. L'Union européenne n'impose pas de démocratie, mais souhaite en faire une des pierres angulaires de ses actions extérieures. Avec la nouvelle politique de voisinage, nous prévoyons à présent d'accorder plus d'aides financières aux Etats qui auront fait le choix de progresser dans la démocratisation, la bonne gouvernance et l'Etat de droit. -F. N. H. : L'IMRI a également appelé à accroître l'investissement européen dans la rive Sud. Le climat économique européen se prête-t-il à une pareille initiative ? -E. L.: Il est vrai qu'en Europe nous vivons une crise financière très sérieuse. Mais nos investisseurs cherchent toujours de nouveaux marchés dans des pays en voie de développement. La dernière étude de l'OCDE montre que le Maroc se rapproche progressivement des meilleures pratiques des pays de l'OCDE dans certains domaines, notamment en matière de politique commerciale, d'attractivité des investissements et de privatisations. Bien entendu la réforme de la Justice est indispensable pour créer des conditions de confiance pour les agents économiques, afin de provoquer plus de flux d'investissements. Ces investissements sont absolument nécessaires pour que les pays concernés, dont le Maroc, aient les moyens de croissance et donc les moyens budgétaires de leurs réformes sociales. -F. N. H. : Il a été procédé récemment au lancement du projet de jumelage avec l'OMPIC. Quel bilan pouvez-vous nous faire de l'état d'avancement de la convergence vers l'acquis communautaire dans la perspective d'un Statut avancé avec le Maroc ? -E. L. : L'instrument de jumelage qui a existé pour les pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne, est un outil très important dans le processus de convergence réglementaire. Il s'agit de jumelages entre administrations européennes et marocaines, avec un transfert de bonnes pratiques et avec l'objectif d'élaborer des projets de loi nécessaires à un rapprochement effectif entre le Maroc et l'Union européenne. Mais si ce processus est très important, il reste indispensable que les autorités marocaines élaborent une stratégie claire pour le rapprochement systématique du cadre législatif marocain avec celui de l'Union européenne. C'est une priorité si le Maroc veut réaliser son ambition d'une intégration progressive dans le marché unique de l'UE. Dosier réalisé par S. Es-Siari & I. Bouhrara