La réforme financière au Maroc n'arrive pas encore à avoir un impact réel sur le financement de l'économie. La dernière sortie médiatique du ministre des Finances et de la Privatisation et celle du gouverneur de la BAM confirme cet état de fait : les banques commerciales sont encore timides en matière de financement des PME-PMI. Sans leur demander de devenir de véritables banques de « développement », les autorités monétaires semblent inquiètes quant à la volonté réelle des banques de financer l'économie. « La Banque Centrale a, à maintes reprises, sensibilisé le système bancaire quant à la nécessité de poursuivre les efforts tendant à relever le niveau de bancarisation et à améliorer les conditions de financement de l'économie, en général, et des PME-PMI en particulier... Il nous revient, cependant, de souligner que la politique de baisse des taux d'intérêt, menée ces dernières années par l'Institut d'Emission, a profité davantage aux grandes entreprises qu'aux PME-PMI, dont une frange importante continue à supporter des taux d'intérêt relativement élevés ». Ce constat, du gouverneur de Bank-Al-Maghrib, signifie que ce sont, toujours, les mêmes personnes morales qui bénéficient du soutien bancaire. Le « prétexte » avancé, incessamment par les banquiers, s'appuie sur le fait que les des PME-PMI, en majorité, ne communiquent pas, souvent, des résultats fiables. De ce fait, les risques de crédit demeurent évidemment importants, en l'absence d'outils de vérification. En outre, moins la taille de l'entreprise est grande, plus le degré du risque augmente. Il faut remarquer que le Maroc s'apparentait initialement à une économie dite « d'endettement » caractérisé par le recours des entreprises au crédit bancaire. L'atout majeur de ce type d'économie, dite « économie réelle », réside dans le fait que la finance est, constamment, à son service. Autrement dit, la banque financerait toute demande de crédit émanant des entreprises « poids lourd ». C'est ainsi que le crédit bancaire est le mode de financement dominant du secteur moderne dans l'économie nationale. Il est clair que la contribution bancaire devrait toujours rester au-dessus de celle du marché financier ou des organismes spécialisés. Du moment que les besoins d'investissement des PME-PMI sont couverts, majoritairement, par les banques, le rôle des banques de dépôts devient crucial. Or, les reproches adressés par Abdellatif Jouahri aux banques sont les mêmes, depuis 1993. Déjà à l'époque, ce sont les groupes industriels géants qui ont été privilégiés au détriment des PME-PMI qui, lorsqu'elles parviennent à emprunter, se voient appliquer des taux bien plus élevés que ceux consentis aux grosses firmes. De ce fait, le maximum de rentabilité que les banques tirent de leur financement de l'économie provient de leurs affinités avec les grandes entreprises dites « modernes » ou « réelles » qui demeurent les principales concernées par l'accès au financement bancaire. Abdellatif Jouahri admet, en effet, que « si une telle situation est sans doute liée au manque de visibilité sur le segment PME et au poids du risque de crédit par les établissements bancaires du fait de l'importance croissante des créances en souffrance, ces facteurs ne sauraient justifier les taux parfois élevés appliqués à ces entreprises ». Toutefois, on est en droit de se poser la question suivante : la transparence des PME-PMI, conditionnerait-elle, à elle seule, leur accès au crédit ? Certes, l'instauration d'une « Centrale des Bilans » ou le projet de « Centrale Information Clients » sont des outils essentiels pour la connaissance suffisante des entreprises, mais la volonté des pouvoirs publics n'est pas suffisante. L'adhésion réelle des acteurs bancaires est une condition fondamentale au succès de cette démarche initiée par le gouverneur de la BAM. Dans une économie dualiste comme l'économie marocaine, les « exclus » du marché du crédit bancaire, (souvent gérés de manière dite « traditionnelle »), ont du mal à activer le processus de mise à niveau malgré leur bonne volonté. Il faut dire que la transition est coûteuse au même titre que la bancarisation. C'est-à-dire que cette problématique de financement ou d'accès au crédit ne peut, en aucun cas, être imputée aux seules banques. L'épargne, qu'elle soit publique ou privée, reste très faible chez nous. Les textes institués pour l'encourager semblent rencontrer encore une certaine réserve quant à leur application effective. Que ce soit du côté des banques, qui ne jouent pas, parfaitement, leur rôle pour stimuler les PME-PMI, ou du côté des grandes entreprises familiales qui répugnent à ouvrir leur capital, la résistance aux demandes de A. Jouahri paraît d'autant plus effective, vu l'existence d'un écart assez vaste entre le système théorique de référence et le système bancaire marocain. Les « innovations » bancaires, censées voir le jour pour encourager les PME-PMI risquent, par conséquent, de se heurter à la problématique des délais que nécessiterait, indubitablement, la vérification du degré de transparence des petits et moyens entrepreneurs. Le gouverneur de Bank-Al-Maghrib paraît lui même « prisonnier », en quelque sorte, de cette contrainte puisqu'il a demandé « d'inclure ces points dans le cadre du programme de travail pour 2004, lequel devra arrêter les priorités et dégager les propositions à soumettre aux autorités monétaires dans les plus brefs délais possibles ». Mais, ceci serait-il pour autant synonyme d'une volonté réelle des banques de changer considérablement leur politique de crédit ? Seuls les prochains exercices peurront nous fournir une réponse à cet égard.