Il existerait près de 10.000 agréments de transport public de voyageurs rien qu'à Casablanca. Mais ce ne sont pas forcément ceux qui en ont besoin qui en sont les détenteurs. Comment peut-on espérer évoluer et se développer alors que l'économie est truffée de pratiques archaïques et malsaines ? Aujourd'hui, l'économie de rente constitue l'un des blocages majeurs auquel l'économie marocaine doit faire face. Née sous le protectorat, alors que le Maroc était en lutte pour l'indépendance, cette pratique a mené tout naturellement à des situations de monopole et d'absence de concurrence dans un grand nombre de secteurs. Aujourd'hui, nous nous éloignons de plus en plus de cette situation, mais elle perdure par bien des aspects, et à plusieurs niveaux. L'exemple des agréments pour le transport (taxis et bus) reste assez révélateur de cette situation. En effet, le secteur du transport routier est l'un des domaines économiques les plus touchés par ces pratiques. Il existerait ainsi environ 10.000 agréments de transport public de voyageurs à Casablanca, qui profitent à des commis de l'Etat et à certaines catégories sociales dites privilégiées. Au début, les agréments étaient destinés aux militants ou à leurs familles, mais certaines personnes ont pu y accéder et en bénéficier grâce notamment à leur connexion avec les cercles proches du pouvoir, ou encore leur appartenance à des institutions de l'Etat. Cette catégorie de population, appelée communément les intouchables, bénéficient de ces rentes de situation en toute discrétion, mettant le plus souvent en avant certains de leurs proches. Souvent, dans les agréments de transport, l'exploitation effective est confiée à des professionnels en contrepartie d'un loyer. Dans ce cas, nous sommes dans une situation où il existerait effectivement deux rentiers : le détenteur de l'agrément et le propriétaire de la voiture. Professionnellement, les gérants qui exploitent ces agréments sont dans l'obligation de constituer un dossier et d'être en règle avec l'administration, et en particulier avec le Fisc. Pour autant, entre la rente versée au bénéficiaire et tout l'argent qui transite par le circuit informel, il y a un véritable manque à gagner pour le Fisc. En pratique, il existerait même des stations spécialisées dans la location d'agréments et de voitures. Et certaines personnes détiendraient jusqu'à 30 agréments, ne vivant que de leur rente. Pourtant, selon la loi, l'agrément ne doit être ni loué, ni vendu. C'est dire qu'actuellement, la question des agréments pose un sérieux problème. Prévus pour résoudre un problème social, les agréments créent une grande anarchie dans le secteur. Et ce problème existe parce qu'en amont, il y a une nébuleuse qui ne dit pas son nom. En cela, à l'heure où un vent de changement souffle sur le Maroc, il serait peut-être bien de penser à supprimer ce système. Et, pourquoi pas, créer un fonds d'aide destiné aux personnes éligibles. Ou encore déléguer la gestion du secteur à une entreprise privée. Les alternatives ne manquent pas. Dossier réalisé par W.M. et C.J.