Les débats et les idées concernant l'organisation de l'économie mondiale ne semblent pas intéresser l'Académie des sciences en Suède qui attribue le Prix Nobel d'économie. Après son expérience avec Joseph Stiglitz, un anti-mondialiste qui a remporté le Prix Nobel de 2001, l'Académie suédoise a préféré de se tenir loin des débats houleux relatifs à l'évolution de l'économie mondiale. Le prix Nobel 2003 a été attribué conjointement le 8 octobre dernier à l'Américain Robert. F. Engel et au Britannique Clive. J. Granger, deux statisticiens qui ont développé les méthodes d'analyse de série temporelle de données qui ont permis d'améliorer la fiabilité des prévisions économiques et financières. «Nous avons la mondialisation, nous avons une plus grande intégration. Mais, si nous voulons que cela marche pour tous les Etats et que nous croyons à la démocratie, nous ne pouvons pas continuer à avoir l'unilatéralisme américain, nous ne pouvons pas avoir un pays qui dicte ses règles au monde entier. Ce n'est pas dans l'intérêt des Etats-Unis d'avoir une politique basée sur son intérêt égoïste. La mondialisation impose d'avoir la confiance des autres pays. Ce n'est pas possible, si l'un des protagonistes garde un projet trop étroit ». Ces mots ont été prononcés pas Joseph Stiglitz, Prix Nobel d'économie 2001. Cet économiste, qui dénonce la main-mise des Etats-Unis sur le FMI, et par conséquent sur les économies de nombreux pays, a fait la Une des journaux pour avoir été consacré par l'Académie des sciences en Suède comme étant l'économiste de l'année 2001. Ces propos dans la presse économique internationale ont mis dans l'embarras l'Académie qui depuis 2002 a décidé de s'éloigner de ce genre de débats. Les anglo-saxons confirment leur domination Depuis sa création en 1969 à l'initiative de la Banque de Suède, le prix de sciences économiques à la mémoire d'Alfred Nobel a récompensé 53 lauréats, dont 35 Américains et 8 Britanniques. Pour l'année 2003, ce sont l'Américain Robert Engel et le Britannique Clive Granger qui se partageront 1,11 million d'euros accompagnant la distinction du Prix Nobel. Selon un communiqué de l'Académie des sciences, « les lauréats de cette année ont développé au cours des années 1980 de nouvelles méthodes-statistiques qui portent sur deux propriétés caractéristiques de beaucoup de séries temporelles : la volatilité saisonnière et le non-stationnarité ». C'est la « volatilité saisonnière qui a valu son prix à Robert Engel pour désigner des fluctuations elles-mêmes susceptibles de varier fortement dans le temps. Cet Américain de 60 ans, professeur de gestion financière à l'Université de New York, a découvert le concept d'ARCH (Auto Régressif à Hétéroscédasticité Conditionnelle), particulièrement adapté à l'étude de la volatilité des cours sur les marchés financiers avec des périodes calmes et des variations de faible amplitude suivi par des épisodes agités et d'importantes fluctuations. Selon des responsables de l'Académie des sciences, « la modélisation ARCH est devenue un outil indispensable non seulement pour les chercheurs, mais aussi pour les analystes financiers dans l'estimation du risque de gestion de portefeuille ». Quant au Britannique Clive Granger, 69 ans, installé aux Etats-Unis et professeur à l'Université de San Diego en Californie, il a développé des travaux sur les méthodes d'analyses temporelles économiques avec une tendance commune. De fait, la plupart des phénomènes économiques ne se reproduisent pas de façon identique dans le temps : ils sont dits non stationnaires. Granger a montré que l'étude de données non stationnaires avec des méthodes-statistiques d'analyse des séries temporelles stationnaires peut donner des conclusions erronées. « Son grand mérite fut de découvrir que des combinaisons spécifiques de série temporelles non stationnaires peuvent se comporter stationnairement et donc permettent de produire des résultats statistiquement corrects », souligne un communiqué de l'Académie. Granger a donc élaboré des méthodes pour modéliser les effets de perturbations ou de chocs à court terme sur les relations stables dans le long terme entre les grands agrégats économiques, comme celle par exemple qui lient l'évolution de la richesse à la consommation ou à l'investissement, ou encore les taux d'intérêt à court et à long terme.