La décision prise par le GPBM relative à la remise des chèques barrés et non endossables aux clients patentés, s'inscrit dans le droit-fil d'un certain nombre de dispositions fiscales. Malgré les mesures de facilitation que prévoit le GPBM pour l'amélioration du taux de bancarisation, l'application de cette disposition ne sera pas une mince affaire. Une disposition qui n'a pas force de loi. Il y a à peine un mois, le Groupement Professionnel des Banques du Maroc avait diffusé un communiqué dans lequel il prévoyait qu'à partir du 1er février 2011, seules les formules de chèques barrés d'avance et non endossables seraient remises aux clients assujettis à la taxe professionnelle. Les banques ont invité les clients «patentés» à leur restituer au plus tard le 31 mars 2011, les formules de chèques non barrés en leur possession et de récupérer en échange des chéquiers barrés et non endossables. L'objectif de cette nouvelle disposition est de développer la bancarisation de la société marocaine, renforcer la sécurité des transactions et permettre au plus grand nombre de citoyens d'accéder aux services bancaires dans toutes les régions. Bien qu'elle paraisse judicieuse pour la transparence et le bon déroulement des transactions commerciales, cette nouvelle disposition n'a pas été appréciée par l'ensemble des opérateurs. D'aucuns considèrent qu'elle a été faite dans la précipitation et sans aucune concertation. «Dans un premier temps, elle risque de nous poser des problèmes parce que nos fournisseurs ne sont pas tous bancarisés», annonce avec amertume un chef d'entreprise. «Cette décision s'inscrit dans le droit-fil d'un certain nombre de dispositions entreprises par le législateur, notamment sur le plan fiscal quant aux paiements et encaissements effectués en espèces», explique un expert-comptable. Il s'empresse d'ajouter que pour le renforcement de la transparence des transactions, le législateur limite la déduction fiscale des dépenses dépassant le seuil de 10.000 DH lorsqu'elles sont effectuées en espèces. Il inflige par ailleurs une pénalité de 6% sur les encaissements effectués en espèces qui dépassent le seuil de 20.000 DH. Bien avant, le législateur imposait aux établissements publics d'effectuer par virement l'ensemble des paiements qui dépassent le seuil de 1.500 DH. Toutes ces mesures fiscales ont pour dessein la limitation des transactions effectuées en espèces et, partant, une meilleure transparence. Le paiement par chèque laisse une trace et facilite donc les recoupements. Autre atout : il est plus facile à faire prévaloir devant les tribunaux que les effets de commerce. En effet, la sanction pour le signataire du chèque est la contrainte par corps. Comme la vente est souvent exécutée durant le mois et le paiement par chèque effectué à 60 jours fin de mois. Il faut avouer qu'entre les deux dates, c'est l'aléa complet. Le paiement par chèque est donc salvateur. Quid du code de commerce ? Aussi, la disposition prise par le GPBM va réduire la circulation de la monnaie scripturale et augmenter celle de la monnaie fiduciaire à travers une hausse du nombre des bancarisés. Mais, cela n'empêche pas de dire que l'application de cette mesure ne sera pas une mince affaire eu égard au taux de bancarisation dans notre pays qui reste trop faible. On dit qu'il frôle les 50%, mais il s'agit d'un taux qu'il faut prendre avec des pincettes parce que son calcul repose plus sur le nombre de comptes ouverts que sur celui de personnes ayant effectivement un compte. Et comme il y a des personnes qui ont parfois plus d'un compte bancaire, le calcul ne pourrait être qu'erroné. A travers son communiqué, le GPBM rassure qu'il va faciliter l'ouverture des comptes, mais ce n'est pas suffisant. Autre question qui se pose avec acuité : est-ce que le communiqué du GPBM a force de loi pour exiger ou imposer une telle décision sachant que c'est le code du commerce qui fait obligation du paiement par chèque barré ? Un juriste nous rappelle que l'article 306 du code de commerce marocain exige que tout paiement d'une valeur supérieure à 20.000 DH doit se faire par chèque barré ou par virement. Selon lui, cette nouvelle mesure n'a aucune force probante sur les commerçants ou les personnes patentées. Dans l'Hexagone, un pays qui nous inspire beaucoup, le code de commerce exige des banques qu'elles délivrent des chèques barrés et non endossables sans aucune distinction entre commerçant et non commerçant. Ce même code stipule que chaque commerçant est tenu de disposer d'un compte bancaire. Aussi, le client a la possibilité de demander à sa banque de lui délivrer des chèques non barrés à condition de payer une taxe pour chaque chèque non barré émis. Donc, chez eux, c'est le code de commerce qui fait la loi. Même son de cloche chez notre expert-comptable qui considère que cette mesure aurait pu prendre une autre forme, telle la reformulation de l'article relatif aux chèques barrés dans le code de commerce. Selon lui, dans ce cas de figure, il ne s'agit que d'une décision administrative qui n'engage que le GPBM et à laquelle l'entreprise n'est pas obligée de se plier. Pour y voir plus clair, nous avons contacté l'Association de protection des consommateurs afin de voir quelle est la procédure à suivre dans un cas pareil, quelles sont les voies de recours pour l'entreprise patentée ? Mais l'Association est restée, malheureusement, comme d'habitude, injoignable. Dossier réalisé par S. Es-Siari & I. Bouhrara