Le démantèlement d'un réseau terroriste impliquant l'AQMI ne fait que confirmer qu'elle est un danger réel pour le Maroc. L'AQMI surfe sur la vague du séparatisme prôné par le Polisario dans l'espoir de créer une deuxième Somalie. La lutte contre cette nébuleuse ne peut passer que par une stratégie de lutte globale impliquant tous les pays de la région. Une nouvelle qui a fait froid dans le dos ! Les services de sécurité marocains ont démantelé un vaste réseau terroriste impliquant Al-Qaida dans le Sahara marocain. A Amgala, la découverte est plutôt inquiétante : 33 kalachnikovs, 4 lance-roquettes, 3 pistolets-mitrailleurs et une importante quantité de munitions ont été saisis… Le petit village perdu dans le désert marocain était donc tout désigné pour devenir une base arrière de l'AQMI au Maroc. En effet, quelque vingt-sept personnes ont été arrêtées. Parmi elles, figurerait un membre d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique de nationalité marocaine. Certains pourraient croire que toute cette histoire n'est que le fruit de l'imagination du Maroc, un fantasme sur Al-Qaïda et que ce groupe n'est ni plus ni moins qu'une bande de trafiquants d'armes dans le Sud du Maroc et dans le Sahel de manière générale. Mais ça serait dangereux de fermer les yeux face à ce danger au Sud du Maroc et qui est bien réel et n'existe pas uniquement dans l'imagination de nos services de sécurité. Et ce depuis le 25 janvier 2007 ! À cette date-là, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat, d'origine algérienne, avait changé de nom pour devenir Al-Qaida au Maghreb Islamique ou AQMI. Le groupe aurait d'ailleurs obtenu l'approbation d'Oussama Ben Laden, qui n'est plus à présenter. L'AQMI ne se limitera pas au teritoire algérien, puisqu'elle va rallier tous les groupuscules de la région désertique du Sahel qui s'étend des régions semi-arides du Sénégal, jusqu'à certaines parties de la Mauritanie, du Mali et du Niger. Et depuis, les opérations se poursuivent … Et les pays concernés se mobilisent, mais les actions militaires menées ont vite montré leurs limites face à un groupuscule qui s'adapte rapidement et qui se niche dans une zone difficile d'accès. Même le soutien de l'armée française apporté à certains pays n'a pas donné de résultats. Notre voisin algérien s'est également lancé dans cette approche militaire en lançant des raids permanents sur les camps d'entraînement sur son territoire. Et malgré plusieurs centaines de morts dans les rangs de ses combattants, l'AQMI a su se remodeler et maintenir sa force de frappe. Pour le Maroc, l'approche est totalement différente. La lutte contre Al-Qaïda au Maghreb Islamique se fait de manière plus discrète, se basant sur l'efficacité du renseignement plutôt que sur une guerre frontale. Les bruits de bottes s'approchent du Maroc Au Maroc, le démantèlement de ce réseau terroriste impliquant Al-Qaida dans le Sahara marocain, nous pousse à être vigilants. Et ce, d'autant plus que la connexion entre l'AQMI et le Polisario n'est pas à exclure. Différents experts le confirment d'ailleurs, dont le Directeur de l'Observatoire d'Etudes Géopolitiques, le Pr Charles Saint-Prot, dans une interview donnée à Atlasinfo. Le conflit du Sahara marocain est donc un facteur aggravant du danger que peut représenter l'AQMI pour le Maroc. Ce conflit qu'impose l'Algérie au Maroc fragilise toute la région, puisque de facto le terrorisme se nourrit des conflits. Le contact entre les deux entités que sont l'AQMI et le Polisario est quasi-inévitable car les deux se retrouvent dans ce carrefour où cohabitent tous les cartels, de la drogue au trafic humain, en passant par celui des armes. D'ailleurs, certains membres du Polisario ont été directement impliqués et condamnés dans le cadre de démantèlement de réseaux de drogue. Mais le plus inquiétant est que le Maroc doit prendre très au sérieux que l'AQMI et le Polisario sont partenaires dans certaines activités communes de trafic, partagent le même objectif : celui de fragiliser le Royaume. Il est vrai que AQMI a un objectif idéologique, tandis que celui du Polisario est politique, mais les deux visent le Maroc. En effet, l'AQMI surfe sur la vague du séparatisme prôné par le Polisario dans l'espoir d'avoir un espace, si l'entreprise réussit, qui lui ouvre une porte sur l'océan, d'où le rêve de créer une nouvelle Somalie sur l'Atlantique. De plus, les camps de Tindouf sont une réelle manne de recrutement de combattants pour l'AQMI. En effet, la population des camps est essentiellement composée de jeunes désespérés et excédés par l'enrichissement scandaleux des leaders du Polisario qui mènent une vie luxueuse dans les capitales européennes ou en Amérique Latine. Que faire ? Evidemment, l'approche sécuritaire pour assurer la sauvegarde du Maroc, à elle seule, ne serait pas plus efficace que l'initiative militaire menée par l'Algérie. Dans ce sens, il faut rappeler que le sujet à été l'objet de la deuxième édition du «Marrakech Security Forum» tenu du 20 au 22 janvier 2011 et ayant réuni d'éminentes personnalités politiques, militaires et scientifiques venues d'un peu partout. Ce Forum, initié par la Fédération Africaine des Etudes Stratégiques, en collaboration avec le Centre Marocain d'Etudes Stratégiques, a abordé la problématique du terrorisme en général et le cas d'AQMI, en particulier. Le débat a mis en évidence la situation sociopolitique de la bande sahélo-saharienne, le caractère dynamique d'AQMI, la diversité de ses activités et de ses objectifs stratégiques, de ses alliances et connexions avec d'autres mouvements du crime transnational et les approches de lutte aux niveaux national, régional et mondial contre le phénomène. Et l'une des recommandations de ce forum est l'appel à un appui logistique, financier et en expertise des Etats et des organisations régionaux de l'espace sahélo-saharien pour une lutte efficace. Les participants se sont également accordés sur la nécessité d'une approche globale de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée par l'AQMI et ses alliés au regard de leur capacité de mutation, de leurs activités et de leurs objectifs stratégiques qui menacent la paix et la sécurité en Afrique, en Europe et dans le monde. Bien évidemment, les pays du Sahel ne sont pas les seuls concernés, en témoignent les nombreuses prises d'otages d'étrangers dans la région et parfois, malheureusement, leur exécution. Du coup, une recommandation a été émise à l'endroit de l'Union européenne et des Etats-Unis d'Amérique. À savoir le renforcement du partenariat stratégique pour la lutte contre le terrorisme dans l'espace sahélo-saharien dans le cadre de la coopération Europe-Afrique, y compris à travers l'accompagnement de la mise en œuvre des accords de partenariat économique (APE). Soulignons aussi que le forum privilégie une approche globale dépassant l'aspect militaire et sécuritaire en mettant le point sur le développement économique et la lutte contre l'exclusion.