Le marché financier bruit, depuis quelques semaines, de faits pour le moins intéressants. Outre l'introduction en Bourse de la compagnie d'assurance CNIA Saada et celle annoncée de Stroc Industrie (voir notre précédente édition), une autre opération financière pourrait être dénouée très prochainement, après notamment le rachat par Label' Vie de Métro. En orbite actuellement, Crédit Agricole du Maroc et Diac Salaf… Au moment où nous mettions sous presse, la rumeur du marché laissait entendre que la banque verte était sur le point de finaliser le rachat de la société de crédit à la consommation. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs, depuis le 23 novembre dernier, le titre a été suspendu de la cote. En attendant d'y voir plus clair. Pour peu qu'elle soit conclue, cette opération constituera pour un Diac Salaf très mal inspiré sur le marché du crédit à la consommation et présentant des résultats en berne, la clef d'une survie certaine. Et pour CAM, des prétentions encore plus soutenues dans ce secteur très concurrentiel où une certaine hiérarchie est quasi établie. C'est dire que la finalité n'est pas de racheter Diac Salaf, mais de pouvoir surtout la positionner comme acteur de référence du crédit à la consommation. Un pari qui n'est pas encore gagné. Mais l'ambition est là. L'ambition d'assurer non seulement le financement de l'agriculture et des activités concernant le développement économique, mais également l'ambition de développer des activités de banque universelle (banque de détail, banque de financement et d'investissement) en diversifiant la gamme de produits proposés. Il faut donc voir en cette transaction le désir nourri par CAM de grandir et de pouvoir valablement concurrencer les autres acteurs du secteur bancaire. Sur ce registre d'ailleurs, les ex-ofs (organismes financiers spécialisés) ont, manifestement, des vues convergentes. Car, tout comme CAM, le CIH veut devenir une véritable banque universelle. C'est sous cet angle qu'il faut d'ailleurs apprécier les opérations de rachat (qui devaient être bouclées fin novembre) des participations de la CDG dans Maroc Leasing et Sofac Crédit. Histoire de rattraper le gap qui les sépare des autres banques de la place en ayant leurs propres filiales spécialisées. L'autre opération d'importance est le rachat, par le Groupe Saham, du Groupe Colina (voir page 8), opérateur dans l'assurance et la réassurance présent dans 11 pays africains. C'est dire que Moulay Hafid Elalamy, comme beaucoup d'autres hommes d'affaires marocains, n'a pas résisté à l'envie d'aller brouter dans les prés africains. Ironie du sort, c'est dans ces prés que se rencontrent deux hommes qui ont en commun un sens aigu des affaires : Elalamy himself et Othman Benjelloun. Car, si le premier est désormais l'actionnaire majoritaire du Groupe Colina, le second, à travers le Groupe Bank Of Africa (où le Groupe FinanceCom est majoritaire), en détient 8% du capital. Voilà donc deux groupes concurrents sur le marché marocain des assurances et, par la force des choses, partenaires en Afrique. Le monde est petit. L'Afrique encore plus. Reste à savoir si ce partenariat résistera à l'usure du temps. En tout cas, Elalamy gagnerait à s'inspirer de l'expérience de Benjelloun en Afrique subsaharienne. Un continent qui a ses réalités. Et qui ne sont pas toujours évidentes. D'ailleurs, en puisant dans nos mémoires, l'on est tenté de se demander si, effectivement, Benjelloun n'inspire pas Elalamy. Car, toutes choses étant égales par ailleurs, les trajectoires des deux hommes dans les affaires sont pratiquement similaires. Assureur averti à l'origine, Benjelloun s'est révélé comme un banquier redoutable dès lors qu'il a acquis, en 1995, BMCE Bank. Malgré les réserves avancées à l'époque par les observateurs, il a pu, en peu de temps, faire de cet établissement une référence dans le secteur bancaire marocain, tout en construisant un empire financier dont les tentacules ont dépassé les frontières nationales pour s'implanter solidement en Afrique. Non sans connaître, au passage, des revers. Des intrigues et diatribes, il en a aussi subi. Mais il a la carapace dure. Ses détracteurs ont pu s'en rendre compte. Son don dans les affaires, Elalamy, lui, l'a étalé, en premier, dans les… assurances. Il a racheté le cabinet de courtage Agma, l'a développé, valorisé, s'offrant au passage Lahlou Tazi, avant de l'introduire en Bourse et de le céder. Le surnom de «commerçant» que lui attribuent ses détracteurs est venu de là. Lui, en rit. Il s'en glorifie même. Car, il a réussi un coup de maître. Son premier. Avant de récidiver, quelques années plus tard, avec le rachat de CNIA, puis de Es-Saada, et l'introduction du nouvel ensemble en Bourse. Le tout soutenu par un Groupe (Saham) multimétier (télécommunications, logistique, distribution, le télé-service, l'offshoring, médias, assurance) qui s'affirme de plus en plus comme incontournable dans le monde des affaires. A l'évidence, Elalamy a un don : celui de transformer tout ce qu'il touche en or. Et vu le cours du métal jaune actuellement… En clair, Benjelloun et Elalamy ont en commun l'audace, le sens du risque et la persévérance… qui leur ont permis de brillamment réussir. Et, manifestement, le Maroc peut s'enorgueillir d'avoir, à côté de très grosses structures comme Attijariwafa bank et Maroc Telecom, d'autres opérateurs qui participent au rayonnement du Royaume à l'international.