La baisse du taux de l'IS à 15% en faveur des TPE est une mesure intéressante, et ce malgré les divergences sur le chiffre d'affaires. Sur le plan du droit fiscal, cette mesure suscite des interrogations en ce qui concerne l'équité fiscale. Elle ne pourrait avoir l'effet escompté, à savoir l'élargissement de l'assiette fiscale, que si l'Administration fournit les garanties nécessaires. Ramener le taux de l'IS de 30 à 15% au profit des TPE n'ayant pas atteint un chiffre d'affaires de 2MDH, et ce pour un meilleur élargissement de l'assiette fiscale, se veut une mesure intéressante en soi. Elle permet d'alléger la charge fiscale que subit ce type d'entreprises, voire les encourager à produire et à déclarer en toute transparence leurs réalisations. Le thème d'une fiscalité différenciée revient souvent dans les débats et les PME plaident depuis longtemps pour une taxation adaptée à la taille de leurs structures et à leurs bénéfices. Reste que sur le plan du droit fiscal, cette mesure paraît discriminatoire. Elle ne respecte pas le principe de l'équité fiscale tel qu'il est décrit par les principes de ce droit. En effet, le concept d'équité fiscale est toujours le centre d'un débat qui suscite des opinions divergentes. Il se situe au cœur d'une fiscalité qui, de surcroît, ne saurait se permettre d'écarter l'équité de ses préoccupations sans risques, à terme, de développer l'inefficacité aussi bien sur le plan économique que social. La fiscalité ne saurait s'imposer durablement sans équité. Ce qui explique que le principe d'équité fiscale s'érige en principe constitutionnel dans de nombreux pays. L'égalité devant l'impôt conduit à dire que les citoyens sont égaux devant la loi fiscale. C'est-à-dire que l'impôt est universel. Aucun individu ne peut donc bénéficier d'une exemption ou d'un privilège fiscal qui ne soit accessible aux personnes se trouvant dans une situation similaire. «Au Maroc, le fait de baisser le taux de l'IS à 15% en faveur des TPE peut être assimilé à une reconnaissance de la part de l'Administration qu'il existe une pression fiscale sur cette frange du tissu économique, et c'est ce qui justifie l'évasion fiscale», explique un fiscaliste. D'aucuns iront même jusqu'à considérer cette baisse de l'impôt sur les sociétés comme une mesure «appât» pour pousser les entreprises à déclarer la réalité de leur chiffre d'affaires et, par la suite, revenir au taux imposé par le droit commun à savoir 30%. Une entreprise ne pourrait être déficitaire du jour au lendemain si l'Administration revient au taux de 30%. Dans ce cas de figure, c'est la relation de confiance entre l'Administration et le contribuable qui est remise en cause. Mais cela n'est pas le vif du sujet. Equité vs Justice Le principe de l'équité consiste à ce que chaque contribuable soit appelé à contribuer aux finances publiques à hauteur de sa capacité contributive et non en fonction de sa consommation effective en services publics. Selon ce principe, les fonds nécessaires au financement de l'Etat doivent être prélevés d'une manière qui répartit équitablement la charge fiscale entre les citoyens ou les agents économiques. Selon un fiscaliste, le caractère équitable de la perception comprend deux approches qu'il convient de distinguer : • l'équité horizontale est le principe voulant que les personnes égales soient traitées de la même manière. Ainsi, les contribuables qui vivent la même situation paient des montants égaux d'impôts. Donc, pour le cas de cette mesure fiscale et si on raisonne en terme d'IS, les TPE sont appelées à payer le même taux que les autres catégories d'entreprises ; • l'équité verticale, par contre, exige que les personnes qui se trouvent dans des situations différentes soient traitées d'une manière judicieusement différente. Ici, ce critère est étroitement lié au principe d'imposition qui repose sur la capacité contributive. Ainsi, les contribuables qui ont une capacité différente s'acquittent d'un impôt plus ou moins élevé sans toutefois que ces différences soient arbitraires. Cependant, aucun critère scientifique ne permet de définir le degré approprié d'inégalité. On est donc porté à se fonder sur des jugements de valeur. Ici, c'est l'effet de taille qui fait le distinguo. L'établissement de l'impôt progressif vient justement dans un souci de justice et d'équité. Il permet d'imposer plus lourdement les tranches relativement élevées du revenu ou du capital. C'est le cas, par exemple, de l'Impôt sur le revenu où la progressivité par tranches paraît plus juste. «A travers cette mesure différenciée de l'IS, on est passé de l'égalité devant l'impôt à celui de l'égalité par l'impôt», précise un professionnel. Hormis le montant du chiffre d'affaires qui continue de faire l'objet de vives controverses, sachant que le parti du PJD plaide pour un chiffre d'affaires inférieur à 5 MDH, cette mesure ne pourrait avoir l'effet escompté, à savoir la lutte contre la fraude fiscale, que si l'Administration apporte les garanties nécessaires qu'elle n'est pas un appât. Revenir au taux normal pourrait être une éventualité, mais pas dans l'immédiat. Peut-être après l'élargissement de l'assiette fiscale.