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Entretien : «Gavés de discours et d'intentions, nous avons besoin
Publié dans Finances news le 05 - 11 - 2010

Avec un score de 3,5, on est sur l'indice de Perception de la Corruption; le Maroc souffre d'une corruption endémique et enregistre une stabilité extraordinaire.
Le plan de lutte non concerté souffre de grandes faiblesses dont le manque de ressources humaines, d'investigation et de ressources financières pour être indépendant.
Sur les huit documents budgétaires, prévus par l'OCDE, le Maroc n'en publie que trois !
Un projet de budget citoyen a été préparé par Transparency Maroc avec 15 pays pilotes.
Azeddine Akesbi, membre du bureau de Transparency Maroc, revient en détail sur les faiblesses de la stratégie marocaine de lutte contre la corruption.
- Finances News Hebdo : Le Maroc obtient la note 3,4 sur 10, ce qui le place au 85ème rang sur l'Indice de Perception de la Corruption. Quel commentaire faites-vous de ce score ?
- Azeddine Akesbi : L'Indice de Perception de la Corruption est élaboré avec une dizaine d'agences internationales indépendantes et se fait à la base de la perception de la corruption par des panels constitués d'experts, d'hommes d'affaires nationaux et étrangers, par des ressources humaines issues des milieux universitaires et des diplomates qui sont au courant de la situation du pays en question. L'idée est de noter les pays sur une échelle de 1 à 10 points. 1 étant le niveau le plus élevé de corruption et de manque de transparence, 10 étant le maximum de transparence.
Le Maroc est classé dans cet indice depuis 1999. Et globalement on peut dire qu'à la fin des années 90 et au début de la décennie 2000, la situation était relativement meilleure, le Maroc avait une note de 4,1et était classé en 45ème position sur une centaine de pays en 1999.
Il a même obtenu un score meilleur en 2000 avec 4,7. Le contexte de l'époque était marqué par la mise en place d'une Commission nationale d'élaboration de la stratégie de lutte contre la corruption, transformée en Commission de moralisation et oubliée ensuite.
Malheureusement, tout cela a tourné court et le Maroc, depuis 2002-2003, est dans une phase baissière. Actuellement, le Royaume a un score de 3,4 et une position de 85 sur
178 pays. Ce qui est intéressant c'est qu'il a gagné 0,1 par rapport à 2009 mais si on compare avec 2007, Le score était de 3,5 et le Maroc se trouvait à la 72ème position.
Il est important de souligner que, globalement, avec des scores qui tournent autour de 3,5 on est dans ce qu'on appelle une corruption endémique et une stabilité extraordinaire, dans le pire !
On n'est pas dans une situation de corruption systémique qui signifie que la corruption existe dans tous les secteurs du pays et qu'elle est généralisée.
C'est à partir de là qu'on peut comprendre la réaction de Transparency Maroc et des gens qui suivent la question depuis des années.
En 2000, le Maroc avait lancé l'idée de mettre en place une stratégie nationale de lutte contre la corruption. Malheureusement, rien n'a été fait. Il y a eu certes avec l'ancien Premier ministre, Driss Jettou, un plan de lutte contre ce phénomène en 2007 qui comprenait une soixantaine de mesures, mais où il y a eu paradoxalement un minimum de concertation. Il y a eu un échange mais notre avis n'a pas été pris en compte.
Cette fois-ci, on peut dire que l'actuel plan du gouvernement de lutte contre la corruption a été fait dans une opacité totale ; en plus, on peut dire qu'il y a eu une régression par rapport à la situation de 2007 qui n'était pas la meilleure.
Il n'y a pas eu de concertation avec la société civile alors que le Maroc a ratifié la Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption et qui stipule la nécessité de se concerter, pas uniquement avec la société civile, mais avec toutes les parties notamment les représentants du secteur privé.
Le gouvernement, dans l'élaboration du dernier plan en date de lutte contre la corruption, ne s'est même pas concerté avec les associations professionnelles comme la CGEM ou les acteurs économiques concernés par les marchés publics. Il y a donc une faille majeure au niveau de la démarche. Comment voulez-vous mobiliser ceux qui n'ont pas été associés ?
Maintenant, quand on consulte le document de ce plan qui comporte
43 mesures, on se rend compte qu'il n'y a pas de diagnostic.
Deuxièmement, le langage utilisé, (notamment avec des verbes comme encourager, favoriser, développer, mettre en œuvre..) est sincèrement peu pertinent et rappelle le registre des vœux…
Des questions fondamentales sont posées mais ne sont pas traitées. À titre d'exemple : avant la création de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption, le gouvernement précédent nous avez consultés, et nous lui avions dit que pour réussir en matière de lutte contre la corruption en situation endémique, il faut une agence de lutte contre la corruption indépendante, disposant de moyens et d'attributions d'investigation et également de ressources humaines compétentes et de ressources financières importantes. Il y a d'ailleurs des exemples reconnus dans le monde comme celui de Hong Kong qui connaissait dans les années 70 et 80 une corruption très élevée et qui se retrouve aujourd'hui dans le top 10 de la transparence grâce à une entité qui était dotée d'importants moyens et d'une volonté politique traduite dans les faits.
L'agence de Hong Kong est indépendante et dispose de ressources d'investigation très importantes sur le plan humain et financier et elle rapporte gros. En effet, chaque dollar investi dans cette lutte en rapporte 8.
- F. N. H. : Donc, il y a un retour sur investissement important ?
- A. A. : Exactement ! Mais pas uniquement sur le plan monétaire. Le Maroc a un budget d'investissement de plus de 160 milliards de DH et nos études antérieures avaient estimé le niveau de corruption entre 5 et 15% en ce qui concerne les marchés publics. Si vous appliquez ce taux au volume d'investissement, vous pouvez mesurer ce qu'on peut gagner en terme de lutte contre la corruption.
Mais au-delà, c'est toute la vie publique qui est affectée. Des effets sociaux bénéfiques considérables mais chiffrables.
- F. N. H. : Le communiqué de Transparency était particulièrement critique concernant la création de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption. Ne croyez-vous pas qu'en deux ans, depuis sa mise en place, des avancées ont été réalisées, comme la plate-forme de protection de témoins ?
- A. A. : Dans le baromètre que nous avons réalisé en 2006 et l'année dernière, il a été démontré que des secteurs fondamentaux pour le fonctionnement de la société sont extrêmement affectés par la corruption avec une note de 4/5 (5 étant le maximum de corruption). Ces secteurs-là sont la Justice, (peut-on d'ailleurs attirer des investissements étrangers avec une Justice affectée par cette pandémie ?), la santé, la police et les services de l'administration de base. Donc, il est vrai que la lutte contre la corruption constitue un gain économique, mais pas uniquement, car il s'agit d'ordre plus général, d'environnement et de relation du citoyen avec l'Administration.
Ces remarques ont donc été formulées au gouvernement précédent concernant la mise en place d'une pareille entité. Le premier rapport de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption, publié en juillet dernier, soulève un certain nombre de problèmes, dont l'un est justement le manque d'attributions suffisantes pour remplir son rôle (cela soulève la question de l'indépendance, de l'investigation et des moyens). Quelque part, ce rapport reconnaît la pertinence des remarques formulées par Transparency Maroc. Le rapport de l'ICPC est adressé en premier lieu au Premier ministre, d'où la question légitime : qu'est-ce qu'il en a fait ?
Quelle suite sera donnée aux dizaines de recommandations de l'ICPC ? Le plan du gouvernement ne semble pas prendre en compte les conclusions de ce rapport, d'une institution ayant pour mission de conseiller le gouvernement.
Le pire est qu'aucun budget n'a été prévu pour mettre en œuvre ce plan ! Aucune indication n'a été fournie sur les ressources qui seront allouées à ce plan de lutte contre la corruption, aucune indication sur le chef d'orchestre ni sur le planning et la mise en œuvre de ce plan.
J'ai donné, dans une conférence de presse organisée par TM pour présenter l'IPC, l'exemple du code de la route. À mon avis, il y a une réelle volonté de l'appliquer malgré toutes les difficultés rencontrées. Il est vrai qu'on aurait dû commencer par lutter contre la corruption, mais l'important est uniquement le code de la route qui a reçu, pour accompagner sa mise en œuvre, 385 millions de DH cette année. Alors qu'on a un « plan de lutte contre la corruption » qui comporte
43 mesures sans aucun budget.
Une question de fond se pose aussi, c'est celle de l'impunité ! C'est vous dire que le ton du communiqué Transparency n'est en fait qu'une analyse lucide de la situation actuelle puisque nous suivons cela de manière continue. Et à mon avis personnel, ce plan n'est que de la poudre aux yeux.
- F. N. H. : Pourquoi, à votre avis ?
- A. A. : Il y a un contexte qui conforte mon avis. Je citerais deux éléments majeurs. Le premier est que le Maroc a été retenu, dans le cadre de la convention des Nations Unies de lutte contre la corruption, pour passer un examen de suivi de la mise en œuvre de cette convention qu'il a ratifiée, et deux experts internationaux vont effectivement venir assurer cet examen.
De même, ce plan pourrait servir dans le cadre de la tenue en octobre 2011, au Maroc, de la Conférence des Etats partie qui examine aussi la mise en place de cette convention des Nations Unies.
Si l'objectif de ce plan est de répondre à des signaux internationaux, c'est leur problème ! Pour nous, Marocains, ce plan n'est tout simplement pas sérieux ! Il y a eu, certes, des discours très forts au sommet de l'Etat, mais il n'y a rien de concret au niveau du terrain.
On n'a qu'à citer l'exemple du consensus actuel qui souligne la priorité de réformer la Justice, mais à ce jour rien de concret n'a été réalisé. Beaucoup de militants anticorruption et de citoyens qui sont gavés de discours et d'intentions, ont besoin de résultats palpables, observables au quotidien (tribunaux, hôpitaux, routes…) ; tous les acteurs sont tenus à une obligation de résultat.
- F. N. H. : Transparency Maroc vient de publier les résultats de l'étude Budget Ouvert (Open Budget 2010), qui inclut le Maroc dans son classement. Quelle est la finalité de cette étude dans la perspective d'instaurer un système national d'intégrité ?
- A. A. : Il y a deux points à souligner dans la question que vous abordez. D'abord, l'étude du système d'intégrité qui a été réalisée par Transparency Maroc avec d'autres pays arabes. On est d'ailleurs pionniers. Cette étude est l'analyse précise de ce qu'on appelle les piliers d'intégrité à savoir l'analyse de l'exécutif, du législatif, du judiciaire, de la société civile, des medias…Dans le sens de voir dans quelles mesures ces différents pilliers et institutions contribuent à avoir un système d'intégrité ou si ils l'entravent. Donc, cette analyse a été faite et le rapport a été rendu public avec l'idée de déceler les problèmes. Le travail est à la disposition de tout le monde et a été présenté à maintes reprises pour engager un débat.
L'autre volet que vous évoquez est celui de l'Open Budget, ou le budget ouvert. C'est en fait un projet que nous avons mené depuis 2006. C'est un exercice qui est piloté par l'International Budget Partnership et auquel 94 pays ont participé cette année. Sur toute une année, il est donc procédé à l'examen de tous les documents budgétaires publiés ou non pour mesurer le degré d'accessibilité des citoyens à une information pertinente ( et à temps). Il s'agit de comparer ces documents avec les standards internationaux.
Il y a huit documents budgétaires qui doivent être publiés et qu'il faut analyser, s'ils sont publiés ; dans quelle mesure ils sont accessibles, sont-ils publiés à temps, et donnent-ils une information pertinente aux citoyens ?
- F. N. H. : Qu'en est-il pour le Maroc et quels sont les résultats obtenus ces dernières années ?
- A. A. : Cet exercice a déjà été réalisé en 2006 et le Maroc a obtenu une note de 19/100, figurant ainsi parmi les pays qui donnent le minimum d'informations budgétaires pertinentes à leurs citoyens. On a refait l'exercice en 2008, et là le Maroc avait obtenu 28. Idem en 2010 (sur la base des document de 2009).
Dans les trois exercices successifs, le Maroc a été classé 53ème, 59ème et 69ème sur 94 pays ayant participé cette année.
- F. N. H. : Concernant la publication des huit documents budgétaires, le Maroc est-il en conformité ?
- A. A. : Selon les standards de l'OCDE, huit documents budgétaires doivent être publiés, à savoir la déclaration préalable au budget, le projet de la Loi de Finances, la Loi de Finances adoptée, le budget citoyen, le rapport en cours d'année, le rapport en milieu d'année qui donne lieu à l'exécution du budget, le rapport de fin d'année qui clôture le budget et le rapport d'audit qui doit être réalisé par un organisme indépendant.
Sur les différents documents, il y a cinq qui ne sont pas publiés au Maroc, à savoir le rapport préalable, le budget citoyen, le rapport en milieu d'année, le rapport en fin d'année et l'audit !
- F. N. H. : Mais sur les trois publiés, pensez-vous que les critères de simplification et de pertinence sont remplis ? Pensez-vous qu'il est simple pour un citoyen lambda de comprendre le Loi de Finances ?
- A. A. : Justement. L'idée du Budget citoyen est que, en dehors des experts et des parlementaires, le citoyen puisse recevoir un budget synthétique, simplifié, accessible et compréhensible et qui peut servir dans le débat public.
Pour cela, (le Maroc avec 15 pays pilotes), nous avons préparé un projet sur la nature d'un budget citoyen et c'est disponible sur notre site de Transparency Maroc.
Ce que je voudrais également ajouter, en dehors de l'information, c'est que globalement, une fois le projet de Loi de Finances adopté, les citoyens sont en droit de savoir comment cette loi est exécutée et si ses objectifs sont atteints. Aujourd'hui, il n'y a pas au Maroc un rapport d'audit qui permette de mesurer cela. Il est vrai que le Maroc dispose d'une Loi de Règlement mais qui n'est publiée que 4 ou 5 ans plus tard (ces dernières années le retard a été réduit) et elle ne sert pratiquement à rien puisqu'elle devient un document d'archives. Le projet d'Open Budget est notre contribution dans le cadre d'une méthodologie internationale en vue d'attirer l'attention sur le fait que les citoyens ont le droit d'accéder à l'information budgétaire et financière. Ainsi, comme nous sommes concernés par les impôts et les projets du pays, nous avons voix au chapitre ! Ce doit être garanti par l'adoption d'une loi - mise en œuvre de manière effective - qui assure l'accès à l'information aux citoyens.
Propos recueillis par Imane Bouhrara


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