La consommation d'électricité n'est pas qu'une grandeur physique mesurable. Au Maroc, sa forte corrélation à la croissance économique en fait un moyen d'estimer l'évolution du PIB que nous utilisons régulièrement. Ce qu'indique la demande d'électricité de notre pays, c'est que l'inversion de signe de la croissance se serait produite entre mars et avril 2021, que le PIB en Dh constants de 2007 devrait pouvoir atteindre 1'035 milliards de Dh c'est-à-dire qu'à la fin de l'année, la croissance de PIB en Dh constants de 2007 pourrait même se situer entre 6.5 et 8.5% ! L'électricité nette appelée annuellement ne représente pas la meilleure approximation de la consommation finale d'énergie électrique car elle dépend trop de l'évolution des rendements de transport et de distribution[1]. Par contre, les livraisons d'électricité assurées annuellement par l'ONEE-BE sont un meilleur Proxy de cette consommation finale d'énergie électrique puisque la surestimation n'est faite qu'aux pertes dans les réseaux des autres distributeurs d'électricité (eux-mêmes globalement supérieurs à 92% et leurs ventes inférieures à la moitié du marché). Donc, ces « livraisons de l'ONEE-BE » incluent les ventes directes à ses propres clients ainsi qu'aux autres distributeurs d'électricité mais aussi les livraisons effectuées pour le compte des opérateurs agissant dans le cadre de la loi 13/09. Le PIB en valeurs constante est réputé dépendre de l'énergie finale consommée dans un pays et les points et la courbe bleue de la Figure 1 montrent comment le PIB annuel des quarante dernières années (en Dh constants de 2007) est à 99.5% corrélé par un polynôme aux livraisons annuelles d'électricité de l'ONEE-BE avec une erreur ponctuelle ne dépassant pas 5%. Figure 1 Corrélation entre l'électricité livrée et le PIB en Dh constants Du point de vue structurel, la forme en « U » de la courbe rouge de la Figure 1 (qui se réfère à l'échelle de droite) montre qu'à l'égard de la consommation d'électricité, on peut départager le comportement de l'économie marocaine en deux phases : * durant la première phase, avant que les livraisons de l'ONEE-BE n'atteignent 19'000 GWh/an (soit avant 2006), le revenu augmentait plus lentement que la consommation d'électricité, * durant la première phase, quand les livraisons de l'ONEE-BE ont dépassé 19'000 GWh/an (soit après 2006), le revenu s'est mis à croître plus rapidement que la consommation d'électricité. Du point de vue conjoncturel, on peut voir que les données de 2020, année somme toute atypique, ne s'écartent pas du comportement global de la corrélation polynomiale représentée par la courbe en bleu. Pour 12 mois glissants durant les 11 dernières années, la Figure 2 montre l'évolution de l'électricité livrée par l'ONEE-BE (courbe noire la plus basse) ainsi que l'électricité nette appelée par le réseau électrique pour satisfaire la demande en aval (courbe noire la plus haute de la Figure 2). La courbe de cette dernière enveloppe la somme des moyens (production et imports) qu'il a fallu mettre en œuvre pour satisfaire ladite demande : * production nette locale (P.N.L.) d'électricité à partir de sources non renouvelables (charbon, gaz naturel, pétrole, chaleur industrielle ainsi que la STEP, Station de Transfert d'Energie par Pompage), * production locale d'électricité par les sources renouvelables (hydraulique, éolien et solaire), * complément de solde positif qu'il a fallu importer pour satisfaire la demande (le cercle en pointillé montre la période où la production nette a dépassé l'électricité appelée et où le Maroc a exporté). Figure 2 Evolution de l'électricité produite, échangée, injectée et livrée (12 mois glissants) La quasi-totalité des données sont réelles jusqu'au mois de juin 2021[2], [3], [4], [5] mais la production des six derniers mois est estimée en tenant compte des variations saisonnières de consommation et des différents postes de production. Ainsi, à fin 2021 : * la production nette locale devrait pouvoir terminer à 39'932 GWh en 2021 (+4.7% par rapport à 2020 mais seulement 0.7% par rapport à 2019), * de cette hausse devrait résulter un léger solde exportateur des échanges d'électricité de 113 GWh (au lieu d'un solde importateur de 232 GWh en 2020 mais exportateur de 928 GWh en 2019), * l'électricité injectée atteindrait 39'819 GWh (+3.8% par rapport à 2020 mais seulement 2.9% par rapport à 2019), * alors que les livraisons de l'ONEE grimperaient à 34'604 GWh (+5.7% par rapport à 2020 et seulement 3.9% par rapport à 2019). Pour 12 mois glissants durant les 11 dernières années, la Figure 3 montre l'évolution du PIB (MDh constants de 2007) des 12 mois précédents (carrés noirs) calculée avec la corrélation établie dans la Figure 1 mais sur la base des livraisons d'électricité de l'ONEE-BE durant les 12 mois précédents (et non l'année civile). Calculé pour chaque 12 mois précédents, le rythme de la croissance annuelle glissante du PIB est représenté par les cercles rouges sur cette même Figure 3 et se réfère à l'échelle de droite. Figure 3 Evolution du PIB calculé par corrélation des 12 derniers mois et sa croissance A cause de la méthode utilisée mais aussi de l'incertitude sur les données extrapolées, la croissance calculée est certes très variable en fin d'année 2021 mais on peut tout de même dire que l'analyse de la demande d'électricité du Maroc indique : * que l'inversion de signe de la croissance se serait produite de mars à avril 2021, * que le PIB en Dh constants de 2007 devrait pouvoir atteindre 1'035 milliards de Dh, * qu'à fin 2021, la croissance de PIB en Dh constants de 2007 se situerait entre 6,5 et 8.5%. Exagéré diront certains, méthode trop indirecte diront d'autres et surtout trop opportun après le vote de confiance au parlement diront les plus médisants mais ce n'est qu'un simple constat... non partisan ! N'a-t-on pas déjà révisé à la hausse par deux fois les prévisions de croissance pour 2021 ? Par Amin BENNOUNA ([email protected]) [1] Amin BENNOUNA, « Les 'pertes non-techniques' dans le réseau électrique de l'ONEE engloutissent plus que l'électricité solaire produite à Ouarzazate !« , Webmagazine EcoActu, 28 février 2020, https://DOI.ORG/10.13140/RG.2.2.34602.98248 [2] Royaume du Maroc, Ministère de l'Energie, des Mines et de l'Environnement, Portail des statistiques de l'Observatoire Marocain de l'Energie (OME), https://www.observatoirenergie.ma/data/ [3] Royaume du Maroc, Ministère de l'Economie, des Finances, et de la Réforme de l'Administration, Direction des Etudes et des Prévisions Financières (DEPF), Notes de Conjoncture, http://depf.finances.gov.ma/etudes-et-publications/note-de-conjoncture/ [4] Royaume du Maroc, Ministère de l'Economie, des Finances, et de la Réforme de l'Administration, Direction du Trésor et des Finances Extérieures (DTFE), Notes de Conjoncture, https://www.finances.gov.ma/fr/Nos-metiers/Pages/notes-conjoncture.aspx [5] Royaume du Maroc, Bank Almaghrib, Revue de la Conjoncture Economique, http://www.bkam.ma/Publications-statistiques-et-recherche/Documents-d-analyse-et-de-reference/Revue-de-la-conjoncture-economique