La question du Sahara marocain est entrée cette année 2018 dans une nouvelle dynamique, imprimée par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. A commencer par la résolution 2414 et la réduction de la mission de la minurso à six mois. L'Union africaine a également pris conscience que ce différend prend l'avenir du continent en otage. En effet, dans un contexte géostratégique actuel fragilisé par une insécurité croissante notamment en Afrique, le polisario outil créé de toutes pièces pour service les ambitions de l'Algérie, est devenue une véritable menace pour toute la région qui fait face à l'éclosion de groupuscules d'une extrême violence. Cherkaoui Roudani, expert en études géostratégiques et sécuritaire, appelle tout de même à la vigilance sur une scène internationale où les dossiers sont enchevêtrés. Ecoactu.ma : D'abord quelle analyse faites-vous des échos qui ont suivi les consultations organisées à huis clos au Conseil de sécurité sur demande de l'Envoyé Personnel du Secrétaire Général de l'ONU pour le Sahara marocain ? Cherkaoui Roudani : Vous savez dans la politique internationale il n'y a guère place aux déclarations et les annonces. Ce sont les actes qui comptent et qui sont capables de débloquer les situations et faire bouger les lignes. Horst Köhler, l'ancien président de la république de l'Allemagne sait bien que le traitement du dossier nécessite une dynamique pragmatique et réaliste en mettant le curseur sur les vrais problèmes qui ont laissés ce dossier traîner il y a des lustres. D'ailleurs, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres avait l'audace de faire une corrélation pertinente entre la paix et la sécurité dans la région et la sous région notamment en Afrique subsaharien et la résolution du problème artificiel du Sahara marocain. Outre d'appeler à l'implication directe de l'Algérie dans le processus, Guterres a apostrophé les milices armées du polisario sur les tentatives de déstabilisation de la région à travers des incursions dans la zone tampon. Il est à noter que plusieurs membres du Conseil de sécurité ont insisté sur la nécessité d'avancer avec précaution. Dans ce sens, plusieurs pays du CS et même de la communauté internationale ont insisté sur l'impérative consultation du Maroc, dans le cadre de la relance du processus, sur toutes les idées et propositions. Nul ne peut douter de l'instrumentalisation du dossier par l'Algérie, et la pseudo « Rasd » n'est qu'un outil entre les mains des militaires pour asseoir d'un côté une politique intérieure spécifique en Algérie et de l'autre côté, ce problème artificiel du Sahara sert à imposer par l'Algérie une logique géopolitique et militaire dans l'espace de l'Afrique du Nord et aussi dans l'espace subsaharien. Tout le monde sait que les maux de l'Afrique résident dans l'éparpillement des vides géopolitiques dans plusieurs régions entraînant et provoquant dans leur sillage une insécurité croissante et des éclosions sans cesse des groupuscules terroristes d'une extrême violence. Plusieurs cas montrent l'impossibilité de la création d'un Etat fantôme dans une région pleine de zones de turbulences. Le cas du Nord du Mali ou bien le mouvement du M23 dans Nord du Kivu illustre la volonté de la communauté internationale de faire face aux tentatives d'irrédentismes dans le continent. Ceci dit, ce n'est pas tant la solution de ce différend artificiel qui est l'enjeu comme l'a fait savoir un des diplomates du conseil de sécurité de l'ONU mais ce qui importe tant c'est la voie qui doit être empruntée pour y parvenir. C'est ça la vraie équation dont les paramètres visibles et invisibles qui interpellent l'Algérie. Peter Van Walsum l'ancien envoyé spécial du Secrétaire général de l'ONU l'a bien souligné lorsque, après moult réflexions et études du dossier que un micro état dans la région aura des conséquences catastrophiques sur la sécurité et la paix dans la région et celles limitrophes. Qui ce qui s'est passé ? L'Algérie a fait les mains et les pieds pour l'écarter et le persifler. Aujourd'hui le défi est de ramener toutes les parties prenantes sur la table des négociations, particulièrement l'Algérie. Faut-il y voir un changement d'approche du conseil de sécurité insufflé par Antonio Guterres et palpable dans la résolution 2414 ? Ce ne sont pas plus les négociations qui priment à l'ordre du jour si il n'y a pas des vrais interlocuteurs et des décideurs qui auront la possibilité de trancher. Le polisario ne peut bouger un centime et même faire une déclaration sans revenir à ses mentors en Alger. Ce n'est plus un secret polichinelle, l'Algérie doit cesser de se déresponsabiliser en rejetant la faute de ses échecs sur les autres et en attendant du Maroc de faire des concessions pour résoudre ses problèmes. L'Algérie en créant de A à Z cette faction séparatiste, elle est la seule à devoir porter son fardeau. La pérennisation de ce problème artificiel par l'Algérie est une tentation de masquer ses mauvaises ambitions géopolitiques. Sauf qu'aujourd'hui la donne a changé vu que le monde a d'autres préoccupations majeures qui sont liées à la sécurité et la stabilité. La situation dans l'Est de l'Asie et au proche-orient intéressent plus l'économie mondiale qu'un groupe de personnes bien manipulées par des narcotrafiquants et des mouvances terroristes pour une sanctuarisation d'un espace à des fins mercantiles. N'est pas par hasard que les groupes chiites alliés de l'Iran s'intéressent à la sous région notamment via une implication militaire et financière dans le but de peser sur les équilibres géopolitiques dans l'Afrique du Nord. Ce sont des vraies questions qui s'imposent et qui sont capables de créer un environnement favorable à la déstabilisation générale dans toute la région. D'ailleurs la manœuvre de Téhéran de s'infiltrer dans la région surtout en Libye à travers son bras armé le Hezbollah a été dénoncée par plusieurs pays en Afrique et dans le monde. D'où l'importance de parler existentiellement du problème polisario et non plus problème artificiel du Sahara. L'implication des éléments de ces milices armées dans des attaques terroristes meurtrières à Ouagadougou et au nord du Mali montrent la connivence existante entre les milices du polisario et les groupes terroristes dans la bande sahélo-saharienne. Ceci dit, le Polisario deviendra tôt ou tard un outil de provocation de tensions entre les chiites et les sunnites vu que l'Iran travaille depuis plusieurs années à susciter un bouleversement global dans le continent africain et notamment dans cette région du Maghreb. Il n'y a pas cent solutions à ce problème. Le Maroc a courageusement proposé une issue qui respecte toutes les normes démocratiques. La proposition d'autonomie des provinces du sud sous la souveraineté marocaine est réaliste et praticable et s'inscrit dans une logique de développement humain et économique que connaît le pays. D'ailleurs les résolutions du conseil de sécurité depuis 2007 (1813) n'ont pas hésité à évoquer la prééminence de l'approche marocaine. C'est une réalité qui s'est traduite par le nombre de pays qui clament à haute voix la marocanité des provinces du sud. Le modèle du sud soudan qui a été le fer de lance de la diplomatie algérienne au sein de l'UA n'est plus valable et d'ailleurs Salvakiir président actuel de ce pays a bien distingué les choses en déclarant officiellement que la question du Sahara est différente dans sa genèse, juridiquement et politiquement de celle du sud soudan tout en saluant les efforts sérieux et crédibles du Maroc pour un règlement politique de ce problème. Quid de la réduction du mandant de la Minurso à six mois seulement ? Cette réduction élucide une préoccupation majeure de la communauté internationale quant à la montée en puissance des tentatives de déstabilisation de la région après les provocations incessantes des milices de Polisario dans la zone tampon et notamment à Guerguarate. Maintenir la pression sur l'Algérie et le Polisario ne peut passer qu'à travers un agenda onusien qui devrait les inciter à ne pas tomber dans des aventures qui pourraient faciliter l'éclosion des groupes terroristes dans la région. Un autre point important c'est la situation chaotique en Libye et le fleurissement des commerces des armes légers et des missiles qui peuvent faire anéantir le travail qui se fait en Afrique subsahariens. Il est à noter que la contagion est une réalité sur le terrain. Les groupes terroristes comme le GSIM et EIGS de Ayad Ag Ghaly Abou Walid Sahraoui sont très présents dans le Nord du Mali et ne cessent de menacer la Minurso et le Maroc. Un éventuel rapprochement avec l'agenda iranien dans la région est une question de temps. Ceci dit, il est impératif de trouver une issue politique le plutôt possible sinon la désintégration sécuritaire dans la région pourra être une aubaine pour les terroristes et séparatistes pour semer la terreur et la discorde. Parallèlement au processus onusien, l'Union africaine par l'entremise du président de la commission africaine, Moussa Faki Muhamat, a appelé dans son rapport à la mise en place d'une Troïka. Finalement quelle en serait la valeur ajoutée ? Il est à noter que les conclusions dudit rapport ont montré le danger qu'encourent les pays de la région et la sous région. La mise en place de Troïka est dans un but consultatif. L'Union africain ne peut s'immiscer dans une affaire qui est gérée par l'ONU c'est une réalité qui s'est traduite par la mise en place d'un mécanisme informel qui suivra les développements de ce dossier a l'échelle africain. Dés lors, la troïka a pour objectif de suivre et être informée par le président de la commission de l'Union africaine et en aucun cas intervenir dans le dossier qui reste une exclusivité onusienne. De fait, il n'y pas une valeur ajoutée à espérer ou à chercher. L'Union africaine dans l'état où elle est actuellement avec le déchirement et le morcellement que l'on connaît, est dans l'impossibilité de solutionner les maux du continent. Elle est le résidu des déchirements idéologiques et politiques post guerre froide. Sans une véritable réforme de l'Union et l'audace de se repositionner à l'échelle internationale, elle ne pourra pas être un acteur dans la scène mondiale. D'ailleurs, plusieurs problèmes que connaît le continent n'ont pas pu trouver d'issues. Le prochain rendez-vous sur dossier est octobre prochain avec l'échéance des six mois de la mission de la Minurso tel qu'annoncé en avril. Comment le Maroc doit-il s'y préparer ? Il semble très fort que la situation exige une veille stratégique afin que les principes et les fondamentaux de la position marocaine soient respectés comme l'a bien souligné Sa Majesté le Roi lors du discours de 6 novembre ainsi que le récent discours royale du 20 août. Les tentatives de porter atteinte aux droits légitimes du Maroc et ses intérêts supérieurs par les ennemis de l'intégrité territoriale du Maroc ne cesseront guère et leurs manigances vont continuer. Ces pays qui complotent contre le Maroc sont en fait utilisent ce problème artificiel pour essayer de nous freiner dans notre politique régionale et continentale. L'histoire n'oubliera jamais lorsqu'Ils ont mis les mains et les pieds pour contrecarrer notre réintégration institutionnelle à l'UA. Ils savent pertinemment que ce problème est mal posé et que les provinces du sud sont historiquement politiquement et juridiquement marocain.Malheureusement, certains qui ont cherché d'aller à l'encontre de cette vérité historique continuent de manœuvrer contre toutes les résolutions du CS. Ils pratiquent le chantage pour nuire à l'élan fort du Maroc dans son multilatéralisme régional et africain. Sinon Comment un observateur avisé peut expliquer que l'ancien président de l'Afrique du Sud Zouma atteste que son pays ignore la genèse de ce dossier et demande une relecture de ce différend et après son successeur, Cyril Ramapho, vient et va à l'opposé. Pire encore, l'actuel président a demandé un soutien aux milices armées du Polisario lors d'une réunion régionale en Namibie. Récemment, ils se sont intéressés aux fake news pour imposer des conceptions caduques. Le travail que fait Sa Majesté le Roi Mohammed VI à l'échelle internationale a repositionné le Maroc dans le continent africain en tant que pays leader dans la paix et la sécurité ainsi que dans les relations sud-sud. C'est un travail qui doit être accompagné par toutes les autres institutions du pays notamment le gouvernement et le Parlement. De ce fait, Il est primordial de mettre en place des approches d'anticipation au lieu parfois de rester sur la défensive et dans la réaction. Une chose est sûre, notre région du Maghreb évolue dans espace qui connu un enchevêtrement des intérêts qui s'accentuent et qui s'internationalisent. Une appréhension stratégique des défis et des enjeux qui entourent ce différend, reste substantielle pour faire face aux menaces qui guettent la stabilité et la sécurité de notre pays. Ces équations constituantes de la matrice agissante sur l'environnement du problème sont en constante évolution ; il est donc nécessaire de pouvoir évaluer les impacts et les tendances de la politique internationale sur plusieurs dossiers qui sont en lien direct ou indirect avec ce différend artificiel et ce dans l'objectif d'anticiper et de rester vigilant.