Ecrit Imane Bouhrara I La récente hausse de l'inflation, supérieure à la cible fixée, donne du fil à retordre aux banques centrales. Le wali de Bank Al-Maghrib estime, selon les projections dévoilées ce 22 juin, que cette hausse est temporaire. Mais quel scénario face à une hausse durable de l'inflation et son impact sur la relance économique ? La réponse d'e Abdellatif Jouahri. Après le risque déflationniste, voilà que le monde fait face au risque inflationniste. Résolument, l'effet yoyo en raison de la pandémie mais également des chocs d'offre et de demande, donnent du fil à retordre aux dirigeants des banques centrales. Bien que des dirigeants d'institutions monétaires telles que BAM et la FED estiment que la hausse de l'inflation est temporaire, elles maintiennent le taux directeur inchangé et poursuivent une politique monétaire accommodante. Par contre, certaines banques centrales de pays émergents ont relevé leurs taux directeurs, comme c'est le cas en particulier au Brésil, en Turquie et en Russie. Rappelons d'abord les faits et les données tels que communiqués par Bank Al-Maghrib à l'issue de son deuxième conseil pour 2021. L'inflation s'est inscrite dans un mouvement haussier au cours des derniers mois, aussi bien dans les principaux pays avancés qu'émergents, mais serait de nature temporaire. Aux Etats-Unis, au regard de la vigueur du redémarrage de la demande favorisée par la reprise des embauches et les aides directes aux ménages, elle s'accélérerait de 1,2% à 3,7% en 2021 et s'établirait à 3,5% en 2022. Dans la zone euro, après un taux de 0,3% en 2020, elle s'établirait à 1,8% sur l'ensemble de l'année avant de revenir à 1,2% en 2022. Hausse temporaire ou durable ? Au Maroc, après des taux de 0,7% en 2020 et de 0,1% au premier trimestre de 2021, l'inflation a atteint 1,7% en moyenne au cours des mois d'avril et mai. Se pose la question de savoir si cette hausse est appelée à durer ou à disparaître. Interpellé sur la question lors de la conférence de presse tenue après la tenue du 2e conseil de BAM pour 2021, Abdellatif Jouahri, le gouverneur de la banque centrale estime que cette hausse de l'inflation est plutôt temporaire. « Evidemment, il y a eu une accélération en avril mai, mais essentiellement en raison des prix de lubrifiants. Cet effet va certainement s'effriter au cours du temps et nous allons nous retrouver avec des taux de 1% en 2021 et 1,2 % en 2022 », affirme Jouahri. Tout en nuançant « Il peut y avoir des zones d'incertitudes, comme à titre d'exemple la flambée du pétrole le 15 juin 2021″. Est-ce une situation durable ou est-ce une situation temporaire ? Cela reflète-il une reprise qui se confirme au niveau international avec les accords de l'OPEP et la Russie sur l'offre ? Tous ces éléments sont entourés d'incertitudes. Mais la plus importante est la gestion sanitaire du Covid-19. S'il n'y a pas de solution finale à la crise sanitaire, tout ce qu'on peut avancer reste entouré de points d'interrogations et d'incertitudes », estime Abdellatif Jouahri. Le wali souligne l'impact décisif de la gestion de la crise sur et l'inflation et la croissance au niveau mondial ce qui justifie que G7 promette un milliard de vaccins au reste du monde. « Ce n'est pas par philanthropie. Non. Plus vite l'immunité collective est atteinte, plus vide la demande reprendra vers les pays du G7... En toute honnêteté intellectuelle, cette incertitude s'applique également à nous et à nos prévisions. C'est pour cela qu'il est utile de les actualiser tous les trimestres. Mais pour le moment et d'après les éléments dont nous disposons, nous disons qu'il y a parfois des chocs d'offre ou des chocs de demande soit sur les produits agricoles à prix volatiles soit sur les prix de lubrifiants qui font des poussées au niveau de l'inflation, mais qui restent temporaires », soutient A. Jouahri. Toujours est-il que même avec cette poussée, le Maroc reste en deçà des 2% d'inflation. Une question en appelle une autre Cet objectif du maintien de l'inflation à 2%, est-il un sacrosaint de la Banque centrale au Maroc ? Un point que nombre d'économistes reprochent à BAM. « Pas de dogme d'un côté comme d'un autre », martèle d'emblée le Wali de BAM à condition bien évidement qu'on lui explique. Il souligne que « Quand j'entends qu'il faut laisser l'inflation à 4 ou à 5%, je rappelle juste que ce qui détermine l'inflation, c'est d'abord l'activité économique. Dans les pays qui ont eu une flambée d'inflation à deux chiffres, les banques centrales ont relevé le taux directeur... Quand l'inflation monte, elle appelle l'effet de second tour qui est la réclamation d'augmentation des salaires. Quand vous faites cette augmentation des salaires, cela appelle une plus forte inflation. Si vous y ajoutez une crise de change, cela appelle une augmentation des prix... ». Le haut responsable réfute l'argument des détracteurs du seuil de 2% d'inflation : « Je ne suis pas collé à 2% mais je ne me suis pas pour laisser filer l'inflation non plus, puisqu'il s'agit des équilibres macroéconomiques à maintenir. Ce qui m'étonne c'est qu'on n'apprend pas les leçons du passé. Le Maroc il y a presque 40 ans a vécu une crise énorme de rééchelonnement de la dette, de PAS, de coupes budgétaires, notamment dans les budgets sociaux avec un cout social énorme. Je le dis et redis soyons vigilants ». Ainsi, pas de dogme de la part du wali de BAM qui dit privilégier l'argumentaire pour étudier les conséquences d'une augmentation au-delà de 2% d'inflation. Lire également : Mandat dual de la Banque Centrale : Jouahri attend le face-à face avec la CSMD