Ecrit par Lamiae Boumahrou | Contrairement au discours officiel, le programme Intelaka n'a pas redémarré sur des chapeaux de roue. Plusieurs obstacles du secteur bancaire entraveraient la mise en œuvre effective du programme. La Confédération des TPME dénonce des pratiques qui pourraient entrainer l'échec du programme. S'il y a un segment du tissu économique qui a souffert, et continue de souffrir, plus que d'autres en raison de la pandémie c'est bien celui des TPE et PME. Un segment qui traîne des tas de difficultés et de freins bien avant cette crise sanitaire qui n'a fait qu'aggraver la santé d'un corps déjà malade et affaibli. Beaucoup n'ont pas survécu à la première vague et ont été contraints de fermer boutique. Le Wali de Bank Al-Maghrib a même précisé lors de sa dernière sortie médiatique, qu'il a fallu faire des choix en priorisant le soutien des entreprises qui ont eu des difficultés à cause de la crise et de laisser mourir celles qui avaient des difficultés structurelles bien avant la crise. Sauf que même les TPME qui ont été fragilisées par la crise, n'arrivent pas aujourd'hui à sortir la tête de l'eau. Les contraintes sont nombreuses et l'accompagnement de l'Etat reste infime se limitant à une indemnité forfaitaire pour les employés déclarés et des produits de crédit qui ne font qu'enfoncer davantage l'entreprise pâtissant du manque de bons de commande. Plusieurs secteurs directement impactés par la crise ou par les mesures de restriction adoptées par le gouvernement sont aujourd'hui au bord du gouffre notamment celles qui n'avaient pas de difficultés structurelles avant la pandémie. C'est le cas des entreprises opérant dans le secteur touristique, dans la restauration, la location de voitures... Pour beaucoup d'observateurs, ce n'est qu'une question de temps pour que l'effet domino opère et que le segment des TPME s'effondre. Le Prédisent de la Confédération marocaine de TPE-PME, Abdellah El Fergui, ne cesse de tirer la sonnette d'alarme sur les risques qui planent sur ce segment qui constituent 95% du tissu économique. « L'Institut national des statistiques italien a récemment révélé que 45% des TPME italiennes risquent de disparaitre à cause de la crise sanitaire malgré les mesures de soutien financiers accordées par l'Italie et l'UE. Au Maroc, la situation est beaucoup plus grave et catastrophique. Et pourtant malgré les moults cris d'alerte que nous ne cessons d'émettre, l'Etat ne réagit pas », déplore A. El Fergui. Une réunion s'est tenue d'ailleurs ce lundi 4 avril entre la Confédération des TPME et d'autres Fédérations représentatives des secteurs notamment du tourisme, des cafés & restaurants, des transporteurs touristiques..., pour établir un état des lieux de la situation des TPME et d'interpeller le gouvernement. Lire également : Programme Intelaka : un taux de rejet de 25%, assez élevé selon le Wali de BAM Il faut dire aussi que les mesures restrictives adoptées durant le mois de Ramadan n'arrangent pas les choses. Ces décisions sont tombées comme un couperet notamment sur les secteurs qui, après des mois d'arrêt d'activité, avaient espéré une reprise, bien que timide, de l'activité. Un semi-confinement que décrient tous ceux qui sont impactés directement ou indirectement par ce couvre-feu imposé de 20H à 6H du matin. Les pertes risquent d'être plus lourdes et l'impact sur l'économie plus coûteux. Quid du programme Intelaka pour stimuler l'économie ? A entendre le discours politique, on croirait que le programme a redémarré sur des chapeaux de roue. Ce qui n'est pas de l'avis du président de la Confédération des TPME qui décrie une situation sur le terrain plus qu'inquiétante. Il dénonce un blocage dans la mise en œuvre du programme Intelaka sensé donné un nouveau souffle à l'économie marocaine. Il soulève plusieurs freins et abus notamment du secteur bancaire qui entraverait la réussite de ce chantier lancé par SM le Roi et qui vise à donner une forte impulsion au financement bancaire des auto-entrepreneurs, TPE et petites entreprises exportatrices. Certes l'élan a été freiné par la pandémie, mais la reprise n'a pas été non plus au rendez-vous. Abdellah El Fergui dénonce le modus operandi des banques dans le traitement des dossiers Intelaka. « Nous avons relevé des retards conséquents du déblocage des fonds notamment pour les dossiers approuvés par la banque (contrat signé) qui dépassent, des fois, plus de 4 mois. Ce qui n'est pas sans conséquence sur la pérennité du projet », a précisé A. El Fergui. Les entrepreneurs démarrent leur projet avec un handicap et un déficit de trésorerie. En effet, en attendant le déblocage des fonds après la signature du contrat, les entrepreneurs s'engagent dans des charges notamment le loyer, l'électricité, les fournisseurs de matériel… Ce qui fait qu'ils commencent à payer des charges avant même de recevoir les fonds et de débuter l'activité. Autre frein et pas des moindres relevé par le président de la Confédération, celui des exigences demandées par les banques et qui ne figurent pas dans la configuration du programme notamment les garanties, les assurances (incendies et de vol)... « Nous avons relevé plusieurs cas de dossiers dont les contrats ont été signés par la banque mais n'ont pas été adressés à la CCG pour traitement et déblocage de fonds. Nous dénonçons les agissements des banques qui outrepassent leur champ d'intervention défini clairement par le programme Intelaka », a-t-il dénoncé. Ceci expliquerait quelques informations qui circulent dans le milieu bancaire faisant allusion à un début de faillite d'entreprises bénéficiaires du programme Intelaka. L'information n'a pas été confirmée auprès des instances concernées. Toutefois, tout laisse à croire que ces freins conjugués à la crise sanitaire qui persiste, font que les porteurs de projets auront plus de mal à concrétiser leur rêve. « Les banques participeront à l'échec du programme si cette procrastination continue », martèle A. El Fergui. Il dénonce également le silence de la Banque Centrale face à de tels agissements. « Les victimes de ces agissements saisissent aussi bien Bank Al-Maghrib que la CCG pour dénoncer les faits. Sauf que seule la CCG réagit aux réclamations pour tenter de débloquer la situation », précise Abdellah El Fergui. Cela dit, sans une évaluation d'étape approfondie du programme Intelaka, ô combien importante, on ne saurait dire avec certitude si le programme remplit l'objectif pour lequel il a été conçu au préalable.