Tout en rassurant sur le niveau de la dette du Trésor, Abdellatif Jouahri plaide pour la gestion active de la dette qui peut permettre à l'Etat d'essayer d'amoindrir sa charge en intérêts qui coûte chaque année un bras à l'Etat. La rencontre en ligne avec Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib à l'occasion du dernier Conseil au titre de l'année 2020 était un moment propice pour le questionner sur l'enjeu du dernier emprunt obligataire de 3 Mds de dollars, son impact sur les finances publiques et sur la politique monétaire notamment la pression continue sur les liquidités bancaires ayant atteint des seuils importants. Abdellatif Jouahri a tenu à rappeler qu'au départ, le Maroc avait prévu qu'en 2020, le Trésor effectuerait deux sorties sur le marché international. La première opération de 1 Md d'euros (deux maturités) en septembre s'est passée dans des conditions de marché qui n'étaient pas très favorables. Partant de là, la Banque Centrale a jugé qu'il est opportun de reporter la sortie à 2021. Entre temps de l'eau a coulé sous les ponts et les marchés se sont bien améliorés peut être avec l'annonce des vaccins anti-covid et les pronostics rassurants sur la fin de la pandémie. D'où la surliquidité sur le marché international. « Je pense que le Maroc a très bien joué l'angle de tir pour sortir à ce moment précis parce qu'il a pu bénéficier de conditions très favorables sur le marché international », annonce le wali de BAM. Et de poursuivre : « Nous pouvons citer le volume des souscriptions qui était de l'ordre de 13 Mds sachant que le Maroc pouvait facilement aller au-delà des 3 Mds de dollars ». A cela, il faut ajouter que malgré le fait que l'agence Fitch ait dégradé la notation du Maroc, le marché a répondu positivement en ce qui concerne l'emprunt international. Une dégradation ayant intervenu à la veille de la sortie du Maroc sur le marché international et que le wali de BAM juge inapproprié. Sachant que la formulation de l'appréciation par d'autres agences de notation s'est par la suite améliorée progressivement. Pour ce qui est des retombées, sur le plan de la politique monétaire, contrairement à la ligne de précaution de de liquidité, la contrepartie en dirhams de l'emprunt sur le marché international que ce soit celle de septembre où celle de décembre bénéficie au Trésor. Ce qui n'est pas le cas de la LPL dont la contrepartie en devises est déposée à la Banque Centrale. Cet emprunt va donc répondre aux besoins d'abord des finances publiques et permettre par la suite de soulager les besoins des banques en cette période à travers des placements sur le marché monétaire. Il peut même couvrir une partie des besoins exprimés en 2021 aussi bien de l'Etat que des Banques « En tant que Banque Centrale pour ce qui est du financement banques, je dirai que jusqu'à présent sur le marché monétaire, nous avons répondu intégralement à toutes les demandes formulées par les banques », tient à rappeler Jouahri. En matière de finances publiques, l'emprunt va amoindrir le recours aux adjudications sur le marché interne et donc favoriser une baisse des taux des adjudications du Trésor qui se sont inscrits sur un trend haussier à cause de la pression sur le marché obligataire. Il faut actionner la gestion active de la dette Le wali rassure par ailleurs sur la soutenabilité de la dette publique. Il plaide pour la gestion active de la dette qui peut permettre à l'Etat d'essayer d'amoindrir sa charge en remplaçant une dette par une autre. Il est ainsi recommandé au Trésor ainsi qu'aux banques et aux organismes de prévoyance voire tous ceux qui font de l'épargne à long terme de jouer le jeu et d'aider à la gestion active de la dette. Le but étant d'alléger la charge de l'endettement en intérêts. A noter que dans le PLF 2021, le service de la dette s'élève à 78 Mds de DH. Dans la loi de finances pour 2020, ce service atteignait 97 Mds de DH dont près de 75 mds de DH revenaient aux seuls créanciers intérieurs, soit presque autant que la totalité des investissements programmés dans le Budget de l'Etat la même année... C'est dire le poids qu'une telle charge représente dans le budget de l'Etat. Tout en étant conscient que l'endettement public ne doit pas aller au-delà de certaines limites au vu des capacités de remboursement de l'Etat, il est primordial qu'il soit alloué essentiellement à l'investissement pour créer la richesse et partant rembourser la dette sans grandes difficultés. C'est d'ailleurs ce qui est stipulé dans la Loi Organique des Finances. En guise de rappel, dans le cadre de la poursuite des actions de gestion active de la dette extérieure visant la réduction du coût d'endettement et l'atténuation des risques financiers liés au portefeuille de la dette extérieure du Trésor, l'année 2019 a été caractérisée par le traitement d'un montant de l'ordre de 5,8 millions DH. « Le cumul des montants traités via ces opérations initiées en 1996, avoisine les 85 milliards DH », apprend-on dans le rapport relatif à la dette accompagnant le PLF 2021. Les principales activités de l'année 2019 ont porté sur la poursuite de la réalisation des projets financés à travers les accords de conversion de dettes en investissements publics conclus avec l'Italie. Un total de 5,8 millions DH a été converti en 2019 dans le cadre de l'accord du 9 avril 2013 conclu avec l'Italie réparti comme suit : ‐ 5,1 millions DH dépensés au titre des projets relevant de l'Initiative Nationale pour le Développement Humain ; et ‐ 0,7 millions DH dépensés dans le cadre d'un projet de préservation du patrimoine archéologique national. C'est pour dire que la gestion active de la dette ou sa reconversion en investissements revêt un caractère important essentiellement dans un contexte marqué par la raréfaction des ressources, un contexte où le Maroc est appelé à relever plusieurs défis aussi bien économiques que sociaux. L'heure est à la rationalisation de la dépense. Le Maroc ne peut continuer à s'endetter à tour de bras au risque d'hypothéquer l'avenir des générations futures. Lire également : DETTE PUBLIQUE : LA CROISSANCE À CREDIT EST-ELLE POSSIBLE ?