Où en est la recherche biomédicale au Maroc ? Quels sont les défis à relever ? Les contraintes à surmonter ? Le potentiel à tirer ? Les garde-fous à mettre en place pour protéger les citoyens ? Autant de questions auxquelles répond Pr Farid Hakkou, Président du comité d'éthique pour la recherche biomédicale Faculté de médecine et de pharmacie de Casablanca. EcoActu.ma : Face aux défis à relever dans le domaine de la santé, la recherche biomédicale constitue un réel levier de développement de l'offre de santé. Concrètement quelles réponses la RB peut-elle apporter au système de santé marocain ? Et quelles sont les retombées sur les Marocains ? Farid Hakkou : Il est connu d'une manière générale qu'un des leviers importants pour renforcer l'économie d'un pays est la Recherche & Développement (R&D). C'est elle qui distingue les pays purement consommateurs des pays producteurs du savoir et de ses applications et qui les positionnent dans l'échiquier géopolitique dans une position influente et respectable. La R&D appliquée à la recherche biomédicale contribue à une amélioration et à une efficience des soins avec un accès plus large et précoce aux progrès sanitaires et biotechnologiques. Elle impacte aussi positivement l'économie car elle renforce l'attractivité du pays aux investissements et permet la création d'emplois communs et spécialisés. Les études économiques internationales ont démontré par exemple que l'augmentation de 1% du nombre d'essais cliniques génèrent un investissement annuel de 500 Millions de dollars dans l'industrie pharmaceutique et crée 4 000 emplois et fait bénéficier très précocement 10 000 patients de thérapie de pointe innovante. Le Maroc possède les moyens pour bénéficier d'une part de ces retombées : elle constitue ainsi une source d'acquisition de devises qui stabilisent l'équilibre économique du pays. Le potentiel du marché de la recherche biomédicale a été estimé à environ 1 Md de DH par an. Cette donne permet-elle au Maroc d'apparaitre dans les radars des investisseurs étrangers dans ce domaine ? Oui à condition de créer un cadre réglementaire et de gouvernance favorables à la recherche biomédicale : finalisation et renforcement des textes réglementaires, amélioration des délais de traitement et d'octroi d'autorisation de toute recherche biomédicale (guichet unique), renforcement des structures universitaires et sanitaires pour recevoir des projets de recherches et développement de l'offre de formation aux nouveaux métiers en matière de R&D. Le Maroc dispose-t-il de toutes les prérogatives pour développer un écosystème de la Recherche Biomédicale ? Si oui, quels sont les atouts du marché marocain ? Les ingrédients pour constituer cet écosystème existent. Ils nécessitent une forte volonté politique qui malheureusement reste timide à ce stade. Les atouts du Maroc sont nombreux. On peut citer : les CHU dans les grandes zones urbaines , l'existence de comités d'éthique régionaux (actuellement le réseau de comité d'éthique est en cours de formation), centres d'oncologie accrédités ou en cours d'accréditation, présence de chercheurs qualifiés, présence des promoteurs au Maroc, diversité du génome et proximité géographique avec l'Europe. Quelles sont les mesures d'accompagnement à mettre en place par les pouvoirs publics ? C'est essentiellement la finalisation et le renforcement des textes réglementaires, l'institution d'un cadre administratif approprié et efficient et l'installation de mesures attractives notamment le crédit-recherche impôt. Ce dernier motive toute structure qui investit dans la recherche pour bénéficier d'avantages fiscaux comme c'est le cas dans les pays à culture de l'innovation. Quels sont les garde-fous à mettre en place pour bien cerner l'activité des essais cliniques ? Clarifier et préciser les modalités du consentement éclairé, créer une commission d'experts compétents et indépendants, sans conflit d'intérêt, préciser les durées de maintien de la confidentialité des données à caractère personnel, définir et renforcer le cadre sécuritaire des essais cliniques afin de maitriser les risques potentiels encourus par les patients, définir les modalités de prise en charge par une assurance des patients dans le cadre de la recherche, imposer l'anonymisation systématique et numérisée des données à caractère personnel lors de conduite d'essais cliniques, etc. Ces éléments constituent quelques-uns des gardes fous pour protéger tout patient et notamment les plus vulnérables parmi eux les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes ou allaitantes, les malades souffrant de pathologies neuropsychiatriques pour ne citer que ceux là. Lire également : LA RECHERCHE BIOMEDICALE AU MAROC : UNE AVANCEE SIGNIFICATIVE DANS LE SECTEUR DE LA SANTE