Toute l'humanité est frappée par une pandémie inédite, Covid 19. Celle-ci a eu et peut avoir des conséquences catastrophiques si elle dure trop longtemps, et si les gouvernements ne prennent pas rapidement les dispositions nécessaires. Cette crise interroge les systèmes nationaux de protection sociale. Au Maroc, et dans le cadre de son programme d'extension du champ de la protection sociale au sens de la convention internationale du Travail N°102, le premier Gouvernement d'après la Constitution 2011, a réalisé une grande avancée dans le domaine, avec Abdelouahed Souhail, ministre de l'emploi à l'époque, en instaurant l'Indemnité Pour perte d'Emploi (IPE) qui n'est entrée en vigueur qu'en décembre 2014, après sa publication au BO le 01 Septembre 2014. Il s'agit d'une indemnité qui représente 70% du salaire de référence dans la limite du SMIG, sur une période maximum de 6 mois, avec maintien du service des allocations familiales et de la couverture AMO pendant la période d'indemnisation, assimilation de cette période d'indemnisation à une période d'assurance comptant pour la retraite et l'assuré peut bénéficier également d'un accompagnement de l'ANAPEC et de l'OFPPT durant la période de recherche d'emploi. * IPE : Financement et conditions d'éligibilité : Les sources de financement de cette indemnité sont : * la participation de l'Etat par un Fonds d'amorçage de 500 millions Dhs sur 3 ans dont 250 MDH la première année et 125 MDH pour chaque année postérieure. * Un taux de cotisation de 0,57% du salaire plafonné (0,38% à la charge de l'employeur et 0,19% à la charge du salarié). Pour être éligible à l'indemnité pour perte d'emploi, le salarié doit remplir les conditions suivantes : * Avoir perdu son emploi de manière involontaire, c'est-à-dire que la démission, le départ volontaire et l'abandon de poste ne donnent pas droit à la prestation ; * Avoir 780 jours (Soit 30 mois avec 26 jours de déclaration) de travail effectif sur les 36 mois précédant la perte d'emploi (dont 260 jours soit 10 mois sur les 12 derniers mois); * Être inscrit à l'ANAPEC et en recherche d'emploi (guichet unique CNSS). IPE : aujourd'hui, n'est il pas le moment propice ? Les chiffres avancés et présentés par le Ministère et la CNSS lors de son Conseil d'Administration (CA)[1] et rendu public, nous renseignent que le nombre de salariés ayant bénéficié de l'IPE ne dépassait pas 12.000 salariés en 2017, 11.000 en 2016 et 9.000 en 2015, avec un montant global d'indemnités versé d'environ 164 MDH en 2017, 150 MDH en 2016 et 118 MDH en 2015. L'indemnité moyenne versée par mois est de 2400 DH pour une période moyenne de 5 à 6 mois . Présentée lors du même CA, une étude actuarielle réalisée par la CNSS ayant pour objectif d'exposer les scenarii d'allégement des conditions d'éligibilité à l'IPE, a montré, entre autres, qu'à l'horizon 2027 le nombre de bénéficiaires atteindra 78.605 salariés et le montant des prestations versées passera de 542 MDH (dont 21 MDH de frais de gestion) à 1,671 MMDhs en 2027 (dont 67 MDH de frais de gestion), rappelons, ici, que seule la participation de l'Etat est de 500 MDH; Aujourd'hui, avec la pandémie de Coronavirus et la situation critique de notre économie, le Maroc, à travers le Comité de veille économique a mis en place un certain nombre de mesures pour faire face à la crise dont souffre l'économie nationale. Ainsi, et dans l'objectif de préserver le pouvoir d'achat des salariés, le Comité de Veille Economique (CVE) a décidé de leur accorder une indemnité qui se décline comme suit : 1.000 Dhs pour le mois de mars et 2.000 Dhs pour les mois d'avril, mai et Juin 2020 soit une moyenne mensuelle de 1750 DH /mois. Cette indemnité, qui concerne les salariés déclarés à la CNSS au titre du mois de février 2020, en arrêt temporaire de travail et relevant des entreprises en difficulté, est prise en charge « totalement » par le Fonds Spécial pour la gestion de la pandémie coronavirus, mis en place sur Hautes Instructions de SM le Roi Mohammed VI. En d'autres termes, la CNSS assurera le rôle de « Distributeur » de l'indemnité puisqu'il a la base des données des bénéficiaires et les moyens techniques et humaines pour la mise en œuvre de la mesure. Toutefois, une interrogation se pose avec acuité, « pourquoi en ce moment , ou notre pays a besoin des ressources financières, le Ministère du Travail, à travers la CNSS, n'pas procédé à l'indemnisation des salariés éligibles à travers l'« IPE » sachant que les prestations versées dans ce cadre ne dépassaient pas 200 MDH ?!! L'utilisation exclusive du fond Spécial pour la gestion de la COVID 19 par le Ministère du Travail pour l'indemnisation des salariés déclarés à la CNSS en arrêt temporaire du travail ne va–t-il pas à l'encontre des principes de la justice sociale et de la solidarité nationale ? En fait, supposons que seuls 20.000 salariés sont éligibles à l'IPE donc la CNSS aurait du leur verser : 20000*2400 (Indemnité moyenne versée)*5,5 (Nombre de mois moyen d' travail), soit un montant de 268,8 MDH. Avec la mesure d'indemnisation décidée par le CVE, le montant qui leur sera versé par la CNSS est de (20000*1750(indemnité moyenne par mois )*4 mois ) soit 140 MDH. Ces calculs ne montrent-ils pas clairement que le Ministère, à travers la CNSS, n'a-t-il pas économisé 268,8 MDH des cotisations des déclarés et n'a-t-il pas fait perdre au moins 140 MDH à la solidarité nationale ? Aujourd'hui et en ces temps de crise, n'est il pas le moment ou jamais de faire décoller l'IPE ? Mohamed oueld lfadel Ezzahou [1] Conseil d'Administration CNSS, Octobre 2018