Si les pays riches et développés ont des munitions pour faire face à la crise, les pays en développement et pays à faible revenu ont une marge de manœuvre très réduite. D'où l'appel du président de la BAD à un moratoire temporaire de la dette. Le président du Groupe Banque Africaine de Développement (BAD), Akinwumi A. Adesina, soutient l'appel lancé par le Secrétaire général des Nations unies en faveur de la suspension de la dette des pays à faible revenu. Il met en garde contre les effets néfastes d'une distanciation budgétaire. En effet, alors que les pays développés mettent en place des programmes pour compenser les pertes de salaire des travailleurs qui restent chez eux pour cause de distanciation sociale, un autre problème est apparu : la distanciation budgétaire, alerte le Président du Groupe Banque Africaine de Développement. A travers le monde, les pays qui sont à un stade plus avancé de l'épidémie annoncent des mesures d'allégement de trésorerie, de restructuration de la dette, de moratoire sur le remboursement des prêts, d'assouplissement des normes réglementaires et des initiatives. Les pays en développement et à faible revenus se trouvent eux, pris entre le marteau de la pandémie et l'enclume de la dette. Appel à un moratoire de la dette pour éviter la distanciation budgétaire Selon la Banque africaine de développement, la COVID-19 pourrait entraînerait une baisse du PIB, allant de 22,1 milliards d'USD dans le scénario de référence, à 88,3 milliards d'USD dans le scénario catastrophe, soit une contraction des prévisions du PIB pour 2020 de 0,7 à 2,8 points de pourcentage en 2020. Si la situation actuelle persiste, l'Afrique pourrait même tomber en récession cette année. « Le choc de la COVID-19 réduira davantage la marge de manœuvre budgétaire du continent, étant donné que les déficits budgétaires devraient se creuser de 3,5 à 4,9 points de pourcentage et augmenter le déficit de financement de l'Afrique de 110 à 154 milliards d'USD supplémentaires en 2020 », analyse Akinwumi A. Adesina. Les estimations de la Banque indiquent que la dette publique totale de l'Afrique pourrait augmenter, selon le scénario de base, de 1.860 milliards d'USD en fin 2019 à plus de 2.000 milliards d'USD en 2020, contre une prévision de 1.900 milliards d'USD dans un scénario sans pandémie. Selon un rapport établi par la Banque au mois de mars 2020, ces chiffres devraient atteindre 2.100 milliards d'USD en 2020 dans le scénario catastrophe. « Il est donc temps de prendre des mesures audacieuses. Nous devons reporter temporairement le remboursement de la dette contractée auprès des banques multilatérales de développement et des institutions financières internationales. Une des solutions est le reprofilage des prêts, qui permettrait d'offrir aux pays une marge de manœuvre budgétaire pour faire face à cette crise », estime le Président de la BAD. Cela signifie que le remboursement du principal des prêts contractés auprès des institutions financières internationales en 2020 pourrait être reporté. « J'en appelle, non pas à l'annulation de la dette, mais à un moratoire temporaire. Les mesures qui fonctionnent dans le cadre de la dette bilatérale et commerciale doivent pouvoir fonctionner dans le cadre de la dette multilatérale », martèle Akinwumi A. Adesina. Tous dans le même bateau Pour lui, ce n'est que de cette façon que l'Afrique éviterait les aléas moraux et les agences de notation seront moins enclines à pénaliser une institution en fonction du risque potentiel qu'elle représente au regard de son statut de créancier privilégié. Le monde devrait être tourné vers des solutions d'entraide et de solidarité, car un risque pour l'un est un risque pour tous. « Il n'y a pas un coronavirus pour les pays développés et un coronavirus pour les pays en développement et les pays surendettés. Nous sommes tous dans le même bateau », soutient Akinwumi A. Adesina. L'appel est ainsi lancé aux institutions financières multilatérales et bilatérales pour collaborer avec les créanciers commerciaux en Afrique, notamment pour reporter les paiements des prêts et donner à l'Afrique la marge de manœuvre budgétaire dont elle a besoin. « Nous sommes prêts à soutenir l'Afrique à court et à long termes. Nous sommes prêts à déployer jusqu'à 50 milliards de dollars sur cinq ans dans des projets visant à aider l'Afrique à faire face aux coûts d'ajustement qu'elle devra supporter pour faire face aux répercussions de la Covid-19, bien après le passage de la tempête actuelle », assure le Président de la BAD. Ceci étant, un soutien plus important sera nécessaire. Donc, toutes les sanctions doivent être levées, pour l'instant. « Même en temps de guerre, les cessez-le-feu sont appliqués pour des raisons humanitaires. Dans de telles situations, il y a un temps d'arrêt pour permettre aux secours d'atteindre les populations touchées. Le nouveau coronavirus est une guerre contre nous tous. Toutes les vies comptent », conclut-il.