Le PLF 2020 prévoit une amnistie au profit des interdits de chéquiers. Si les pouvoirs publics présentent cette amnistie comme une opportunité à saisir et enclencher une nouvelle ère marquée par la confiance, la réalité semble toute autre. Une amende signalée Hors-jeu Le PLF 2020 prévoit une amnistie au profit des interdits de chéquiers. Le prix de réhabilitation fixé par la loi à 5%, 10% voire 20% du montant de l'impayé, a été fixé à 1,50% sans pour autant dépasser dix milles dirhams pour les personnes physiques et cinquante milles dirhams pour les personnes morales. L'amende, sujette à amnistie, a capté l'intérêt du législateur plus que d'autres. En effet, l'arsenal juridique du Maroc regorge d'amendes. Il suffit d'examiner le Code de commerce, le Droit des sociétés, le Droit du travail, le Droit de la concurrence et de la liberté des prix, le Droit de la consommation et bien d'autres pour en mesurer l'ampleur. Il semble que c'est le caractère fiscal de l'amende qui a milité pour la programmation de l'amnistie dans le cadre des dispositions du PLF 2020. Mais qu'est ce qu'elle vient ficher une amende fiscale en plein Code de commerce ? Une disposition en flagrant hors-jeu au moment où le Code Général des Impôts se vante, dans son préambule, d'être un document qui met fin à la dispersion des mesures fiscales à travers une multitude des textes et prévoit que toute disposition fiscale doit y être insérée. Il n'est pas question de faire migrer la disposition du Code de commerce vers le Code Général des Impôts mais nous songeons à son abolition. Une amende inefficace En effet, cette disposition a démontré son inefficacité. Il suffit de compulser les rapports émis par Bank Al-Maghrib pour constater l'évolution à la hausse et sans cesse des incidents de paiement. Le rôle dissuasif escompté par les pouvoirs publics de la disposition s'est montré très limité. Il est certain que la réglementation qui encadre ce mode de paiement vise la protection de l'Ordre économique public. Mais tant que la réhabilitation des défaillants se résume à la liquidation d'une amende, la pérennité de cet Ordre semble fragile. La protection de l'Ordre économique public exige l'application rigoureuse des dispositions de l'article 112 de la loi relative aux établissements de crédit et organismes assimilés. Aux dires de cet article, le carnet de chèque n'est pas un droit acquis. La Banque Centrale garantit l'ouverture d'un compte bancaire associé à une limitation aux opérations de caisse. Ainsi et dans l'intention de sécuriser l'Ordre Economique Public, les banques peuvent brandir cet article face aux clients présentant un profil à risque. L'admission des délinquants dans le cercle des clients probes doit être permise au terme d'un processus d'évaluation et après satisfaction d'une batterie de critères à mettre en place par l'Institut d'Emission. Un enrichissement sans cause Un autre facteur milite pour l'abrogation de cette amende qualifiée de fiscale. En effet, sa perception par l'Etat est sans cause. L'auteur de l'infraction doit réparer tout le préjudice et rien que le préjudice causé au tiré du chèque. En aucun cas, l'Etat ne doit s'enrichir et alimenter ses caisses des malheurs de ses gouvernés. En effet, les chèques sans provision ne sont pas toujours l'œuvre de délinquants de mauvaise foi mais également d'opérateurs économiques (individus et entreprises) victimes d'aléas conjoncturels et dans plusieurs cas momentanés. L'Etat peut-il se séparer de cette manne. Et pour cause, les amendes comme les chèques : ça ne fait plaisir qu'à ceux qui les touchent. Le climat de confiance, prônée par le PLF 2020, doit être élargi aux dispositions du Code du commerce traitant de l'émission des chèques. Dans cet ordre d'idées, il est recommandé d'accorder un délai à l'auteur de l'incident pour régulariser sa situation avant de soumettre son dossier à la Centrale des incidents, et de revoir à la baisse la période de l'interdiction de chéquier actuellement fixée à dix ans. Un mobile pas comme les autres Interrogé sur les soubassements de la programmation d'une amnistie dans le PLF 2020, le ministre de l'économie et des finances a avancé une réponse à dormir debout. Selon le ministre, bon nombre de ceux qui vont renouer avec le système bancaire sont des interdits de chéquiers. La levée partielle mais substantielle du stock des amendes à leur charge les encouragera a adhérer au projet de réhabilitation et leur permettre d'user pleinement et sereinement de leurs avoirs après la bancarisation. Difficile d'admettre qu'une telle moquerie bon enfant émane d'un enfant du sérail. Il s'avère qu'une telle amnistie est programmée par l'Etat par acquis de conscience. En effet, l'Etat, premier acheteur du pays, en accusant des délais de paiements prolixes est responsable de la situation précaire, au regard de la législation en matière d'émission des chèques, dans laquelle s'est trouvé quantité d'opérateurs économiques. L'Etat arrogant réfutant toute responsabilité préfère la jouer en bon prince.