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La gestion d'actifs immobiliers gage de pérennité du secteur
Publié dans EcoActu le 27 - 11 - 2019

Fini l'investissement immobilier opportuniste, notamment résidentiel, où l'on brasse des marges mirobolantes avant de se lancer dans un autre projet. Depuis un peu plus d'une décennie le secteur s'est inscrit dans un nouveau cycle de vie avec l'émergence de la gestion d'actif immobilier. Une activité appelée à évoluer avec la mise en place des OPCI.
Les détails avec Selma Belkhayat et Yasmine Bekkari, DG associées d'Aswaq Management Services Africa, AMS.
Ecoactu.ma : Vous quittez des carrières financières confortables pour vous lancer dans la gestion des actifs immobiliers. Qu'est ce qui a motivé ce choix de carrière ?

Yasmine Bekkari : La création d'AMS est venue du constat que le secteur immobilier se structurait et voyait arriver de nouvelles composantes sur le marché. Jusqu'au milieu des années 80, l'immobilier se limitait à la promotion immobilière du résidentiel alors que les autres classes d'actifs comme le commerce, l'industrie, la logistique, l'hôtellerie étaient plutôt opportunistes avec des opérateurs de métiers sous-jacents qui construisaient leurs actifs selon leurs propres besoins. Nous avons même vu des investisseurs financiers se lancer dans la création de projets mixtes.
Ces projets-là ne peuvent plus être appréhendés comme on appréhenderait un projet immobilier classique dans un pays où il existe un déficit de logement et où finalement on construit et on loue parce qu'il y a de la demande.
D'ailleurs, dans l'immobilier on note un vrai ralentissement puisque les acquéreurs sont de plus en plus conscients car lorsqu'en s'endette sur 20, 25 ou 30 ans, on a envie d'acheter un produit qui a du sens. Le secteur n'est plus dans le même schéma opportuniste du passé avec des marges de rentabilité importantes.
Selma Belkhayat : Aujourd'hui, les acquéreurs sont sensibles à la concordance du bien immobilier à leur mode de vie, à leur cadre de vie, leur besoin quotidien, à leur vie professionnelle... Nous sommes sur une typologie de consommateurs de plus en plus exigeants et dans un secteur où l'offre doit être différenciée et pertinente pour répondre à une demande spécifique. C'est le même constat pour toutes les classes d'actif qui en plus doivent être gérés et pérennisés dans la durée et où la chaîne de valeur ne s'arrête pas au fait de trouver un acquéreur.
Nous avons eu des clients qui voulaient construire des projets à partir de leur conception personnelle or, ce n'est pas à la clientèle de s'adapter bien au contraire. Il faut que chaque projet immobilier soit au service de la vie des acquéreurs et non l'inverse et lui offre un cadre de vie qui réponde à ses besoins.
Mais qu'en est-il des investisseurs qui ne sont pas forcément des promoteurs ?
Yasmine Bekkari : L'Asset management répond aussi à l'impératif pour l'investisseur d'avoir un projet pérenne et rentable. Si un investisseur financier décide de diversifier son portefeuille d'investissement dans l'immobilier c'est bien pour une certaine rentabilité. Et nous, en tant que financières à la base, nous l'accompagnons à créer des produits adaptés à la demande qui génèrent un rendement à la hauteur des attentes de l'investisseur.
Donc, en tant que gestionnaire d'actifs, nous arrivons avec une offre de produits qui montre à l'investisseur les contraintes, les coûts et le rendement possible.
C'est à ce type d'investisseurs qui veulent générer un rendement locatif et créer des projets à long terme, que nous nous adressons avant même la conceptualisation du projet.
Idéalement, notre valeur ajoutée s'exprime mieux sur un terrain nu et où l'on peut réfléchir à toutes les composantes intégrées dans un même projet sur la base d'une étude de marché.
Et à partir de là, rédiger des briefs architecturaux car en plus de la partie conseil que nous assurons, nous choisissons avec les propriétaires l'équipe architecturale qui mettra sur pied la vision du projet. Les plans d'élaboration sont revus au fur et à mesure que le projet avance. A titre d'exemple la digitalisation du site et l'installation d'un comptage de flux lorsqu'il s'agit d'un centre commercial par exemple.
D'un autre côté, nous construisons des business plans viables. Notre travail est d'accompagner l'investisseur de la conception à la gestion du produit.
Selma Belkhayat : Notre mission est de réfléchir structurellement à tous les éléments qui sont le gage d'une gestion professionnelle en aval et effectivement une fois le bâtiment monté, de nous assurer de la valorisation de l'actif par des équipements qui nous permettent de tracer le parcours client et par la suite de mieux le piloter et d'établir des stratégies commerciales adéquates.
Quid de la commercialisation ?
Yasmine Bekkari : Dès la phase conseil nous établissons des market test pour étudier le potentiel du projet par rapport aux clients potentiels que ce soit dans l'activité commerciale ou le bureau pour confirmer les hypothèses de notre phase conseil. Une fois le projet en construction, 12 à 18 mois avant la livraison, démarre la commercialisation de l'actif où l'on approche d'abord les personnes avec lesquelles nous avons établi des market test pour dimensionner leurs besoins jusqu'à la date d'ouverture mais également les autres prospects de manière à assurer à l'investisseur un certain taux de remplissage à différents jalons de son projet
Sur la partie financière, on prend en charge la gestion locative, la finalisation de la contractualisation des baux commerciaux, la mise en place des budgets et la préparation des outils de reporting financier une fois le projet en opération.
Nous assurons également la partie technique, pour tout ce qui est maintenance des équipements sur site.
Selma Belkhayat : Comme ce sont nos équipes qui réceptionnent le bâtiment, nous assistons le client sur les problématiques ponctuelles ou des conseils pour s'assurer que tout ce qui relève de la gestion ou des budgets d'exploitation sont optimisés car ils sont ventilés sur les repreneurs. Donc, on veille à ce qu'il n'y ait pas de débordement et on veille sur la rentabilité de l'actif.
Pour la partie marketing et animation, nous intervenons à plusieurs niveaux. En amont, puisqu'on est dans l'impératif de séduire d'abord les preneurs qui participent à la construction du projet et cela se poursuit jusqu'à créer l'identité et le positionnement du projet vis-à-vis des tiers clients potentiels, ce qui est essentiel dans une phase de ralentissement de la consommation générale, indépendamment de la bonne santé économique du pays. Donc, les changements des mœurs des clients nous challengent à répondre à des besoins précis sur toute la chaîne de valeur.
Notre mandat couvre également l'animation des sites que nous gérons à travers des plans de promotion annuels qui interagissent avec les typologies des clients que nous avons.
Nous assurons également à l'investisseur des revenus extra locatifs, notamment à travers de l'affichage, la location des espaces à titres promotionnel, etc.
Sur ce point, j'insiste sur l'importance de la data, car plus on arrive à qualifier de manière fine le public et l'audience à laquelle on s'adresse, plus on arrive à déployer des outils de communication efficaces et pertinents. Notre objectif est la performance du projet pour tous les stakeholders.
Comment s'est développée l'activité de gestion d'actif immobilier au Maroc selon votre propre expérience ?
Yasmine Bekkari : La démarche a démarré il y a quasiment dix ans mais a été marqué cette année par la mise en place d'un dispositif financier qui va permettre au secteur de l'immobilier de passer à une nouvelle étape. L'OPCI, qui est un instrument financier dont le sous-jacent est un actif immobilier, offre l'opportunité à des investisseurs, qui n'ont pas le budget nécessaire pour créer un projet entier, de prendre participation dans un véhicule régulé qui sera géré par des sociétés de gestion de manière classique. Mais on verra émerger de nouvelles sociétés de gestion dédiées à ce type d'actif sur la place.
Le travail de la société de gestion se situe au niveau stratégique et financier. Après il faut des sociétés qui vont gérer l'actif donc la stratégie de l'OPCI. C'est à ce niveau que se situe notre travail puisque nous apportons sur le marché une technicité pour que ce véhicule qu'est l'OPCI puisse se matérialiser.
Selma Belkhayat : Sans prétention aucune, mais il en va de l'intérêt aussi bien des investisseurs que le pays. Il y a des projets ayant mobilisé des budgets colossaux mais parce qu'ils n'ont pas été réfléchis, ils n'ont pas été pas pérennisés. Il ne faut plus rester sur ce constat et créer une nouvelle dynamique en créant des succès stories pour donner un essor à cette activité et la rendre attractive aux yeux des investisseurs.
Yasmine Bekkari : Il y a un élément déterminant qu'il ne faut pas perdre de vue : La confiance !
Quelle appréciation faites-vous du cadre réglementaire qui régit l'activité de gestion d'actif immobilier ? Est-il attractif à l'investissement notamment étranger ?
Yasmine Bekkari : Pour le cadre fiscal, autant dire que jusque-là il était rédhibitoire ne serait-ce que pour attirer les investisseurs étrangers. Les OPCI arrivent pour régler ce point.
Il y a eu également un souci qui a longuement duré, notamment pour les investisseurs étrangers, celui de la possibilité de rapatriement de leurs fonds avec une retenue à la source. Quand on est sur ce type de produit, une retenue de 10 % peut être également rédhibitoire.
Selma Belkhayat : Ce secteur est également concerné par la problématique de financement des projets puisque les banques marocaines ne sont pas prédisposées à financer des projets à rentabilité inscrite dans le long terme avec un cash out finalement réduit.
Yasmine Bekkari : Les banques d'affaires ont trouvé le moyen de contourner cette problématique avec des émissions obligataires dont le sous-jacent est un actif immobilier et encore cela ne pas excéder les 5 à 7 ans. Donc, le problème reste posé.
Selma Belkhayat : Autre élément que l'on peut citer également l'entrée e vigueur en 2017 de la loi 49-16 relative aux baux commerciaux et qui a permis de fluidifier la relation avec les locataires et faciliter les démarches pour évincer les locataires qui ne payent pas leur loyer ou ne respectent pas le règlement pourvu que les contrats de bail soient bien rédigés.
Cette activité se cantonne-t-elle uniquement au commercial et professionnel ?
Selma Belkhayat : Nous avons remporté une mission pour l'Agence Marocaine de Développement de la Logistique pour élaborer tout le schéma directeur de la région de l'Oriental. Tout est question de process quel que soit le secteur d'activité, avec une expérience sur le terrain.
Yasmine Bekkari : L'avantage est que nous sommes issues du secteur financier avec une grande expériences dans des structures internationales notamment anglo-saxonnes, donc nous n'hésitons pas à enfiler nos casquettes de financières et stratégiques. Sans oublier que nous sommes adossées à groupe qui a plus de 50 ans d'expérience.
Vous vous êtes battues pour reprendre la gestion d'Anfaplace. Et depuis octobre 2015 vous avez été mandaté par Grit. C'est tout de même un pari risqué ?
Yasmine Bekkari : Et c'est là que nous avons prouvé ce que nous savions faire ! Nous sommes venues véritablement en mission commando. L'un de premiers défis auxquels nous étions confrontées est que le site n'existe pas visuellement. Un actif immobilier est en général très beau avec un effort architectural et design pour que les clients puissent l'aimer avant même d'y entrer.
Le deuxième défi est de faire venir les gens de ce côté-là de la corniche et que les campagnes de promotion ne se déroulent pas uniquement au sein du centre mais à l'extérieur pour inciter les gens à y venir.
Selma Belkhayat : Les premières analyses que nous avions menées sur Anfaplace ont corroboré l'idée que nous avions : c'est un centre du quotidien, un troisième lieu de vie entre la maison et le travail (the third place). Le centre a fidélisé une clientèle qui revient tous les dix jours et cette fréquence se traduisait par un taux de reconversion en achat plus importante que sur d'autres mall. En effet, on n'y vient pas parce qu'on est sous le charme de son architecture ou son extravagance mais pour l'expérience client qu'il offre.
Une offre que nous avons dû revoir de fond en comble car elle était en déconnexion avec la typologie de clientèle qui fréquentait ce mall, ouvert sur la mer,entouré d'un hôtel cinq étoiles, d'appartements de luxe et d'une zone bureaux prestigieuse. Donc il fallait que l'offre suive.
L'autre atout majeur du site c'est qu'il est ouvert tout en étant protégé et sécurisé.
Selma Belkhayat : Nous avons convaincu des marques qui arrivaient pour la première fois au Maroc de s'implanter à Anfaplace ainsi que des marques déjà présentes au Maroc et ce en pleine phase de restructuration
Dans le cadre de notre mandat nous avons réussi à faire entrer 35 à 40 enseignes, soit à peu près la moitié.
Yasmine Bekkari : Nous avons également réussi à maintenir voir à développer les marques installées dans Anfaplace, grâce à la vision nouvelle de repositionnement que nous avons opéré dans le site. Et c'est un travail que nous menons avec les enseignes présentes à travers les BtoB, les reportings...
*Aswaq Management Services Africa, AMS, est filiale du groupe Franco-émirati, spécialisé en création de destination commerciale. La société est spécialisée dans l'accompagnement et la gestion des grands centres commerciaux pour la Région MENA et l'Afrique subsaharienne. AMS a entièrement pensé et refaçonné Anfaplace et travaille sur d'autre projet notamment M Avenue à Marrakech qui abrite l'hôtel Pestana de Ronaldo.


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