* L'un des nombreux griefs reprochés à cette loi est qu'elle n'a pas de préambule et qu'elle ne souligne pas sa supériorité et sa primauté sur les autres lois qui limitent le droit d'accès à l'information. * Les médias ont besoin d'une procédure d'accès particulière sans passer par la loi, qui prévoit un délai de 20 jours pour obtenir une réponse à la demande d'information. * Les autorités tablent sur la mise en œuvre de cette loi pour créer de bonnes relations entre les administrations et le public. * S'il est difficile d'amender une loi qui vient d'être adoptée, Saïd Essoulami, Président du Centre pour la liberté des médias (Centre for Media Freedom), estime qu'on peut se rattraper dans sa mise en place en adoptant une charte d'honneur qui reprend explicitement les tenants de la démocratie participative. Ecoactu : Malgré le long débat qui a permis son accouchement dans la douleur, la loi 31-13 semble passer inaperçue chez l'opinion publique. A quoi faut-il imputer cet état de fait ? C'est le rôle des médias d'informer le public pour qu'il puisse former une connaissance et constituer une opinion sur la loi. La majorité des médias ont publié des informations sur l'adoption de la loi par la chambre des députés sans donner de détails sur celle-ci. Très peu ont signalé sa publication dans le bulletin officiel. Les médias publics, en particulier la télévision n'ont pas organisé de débats sur la loi, je crois que seule la chaine privée Medi1 l'a fait le soir tardivement. La presse privée francophone (papier et électronique) a publié des interviews à l'occasion de la journée mondiale de la liberté de la presse du 3 mai. Les autres journaux arabophones l'ont abordé de façon superficielle. Les réseaux sociaux ont partagé l'information sans commentaires sérieux. En plus très peu d'associations s'intéressent à ce droit malgré que celui-ci pourrait représenter un outil important pour renforcer leur plaidoyer par l'usage de données véridiques disponibles auprès des ministères et des administrations publiques. Le public en général ne saisi pas encore la valeur et la relation entre ce droit et la réalisation d'autres droits. Il pense encore que c'est un droit réservé aux spécialistes. Etant un droit nouveau au Maroc c'est sa mise en œuvre et son utilisation par le public qui va nous renseigner sur son impact. Nous attendons les campagnes de sensibilisation que lancera le Ministère déléguée de la réforme de l'administration et de la fonction publique et auxquelles participera la commission du droit d'accès à l'information une fois mise en place. Il ne faut pas oublier que le public demande l'information aux administrations publiques tous les jours, souvent dans des conditions inacceptables (corruption, lenteur et indifférence des fonctionnaires). Ces conditions sont reconnues officiellement. Ainsi le ministre délégué de la réforme de l'administration et de la fonction publique table sur la mise en œuvre de cette loi pour créer de bonnes relations entre les administrations et le public, au niveau de l'accès à l'information entre autres. La loi 31-13 dans sa mouture telle que publiée et par conséquent entrera en vigueur, après plus de dix ans de débat, satisfait-elle aux principales doléances des professionnels des médias ? Les médias ont un rapport particulier avec le droit d'accès à l'information. Ils demandent une procédure d'accès particulière sans passer par la loi. Les médias ne peuvent attendre 20 jours, temps que la loi a prévu pour la réponse à la demande d'information. Ce risque existe dans l'article 6 de la loi sur la presse et l'édition qui stipule que les journalistes ont droit à l'accès à l'information « ...dans les délais légalement fixés... » Aucune loi ne fixe de délai sauf la loi sur le droit d'accès à l'information et la loi sur les archives. Pour les grandes enquêtes, dans le cadre du journalisme d'investigation qui demande du temps et qui a besoin de documents non publiées, les médias peuvent utiliser la loi. Il y'a un autre risque, celui d'imposer à certains médias connus pour leur ton critique, l'usage de la loi pour demander une information ordinaire. Ce qui exige la présentation d'une demande et l'attente de la réponse durant un délai de 20 jours. C'est pour ça que le nouveau conseil national de la presse doit se pencher sur cette question et proposer au gouvernement une procédure institutionnelle d'accès à l'information pour les journalistes et les médias. Les autres critiques de la loi par les médias sont nombreuses et partagées par des associations marocaines, telle que la nôtre (le Centre pour la liberté des médias.). Les plus importantes sont : La loi n'a pas de préambule qui rappelle les objectifs de la loi et les valeurs et références qui l'inspire celle-ci tout en en précisant l'esprit dans lequel la loi doit être interprétée. Il rappelle les objectifs de la loi et les valeurs et références qui l'inspire celle-ci tout en en précisant l'esprit dans lequel la loi doit être interprétée. La loi ne souligne pas sa supériorité et sa primauté sur les autres lois qui limitent le droit d'accès à l'information. Il y'a aussi l'absence dans la loi, d'une disposition sur le teste de préjudice qui doit s'appliquer à toutes les exceptions, de sorte que ce n'est que lorsque la divulgation présente un risque de préjudice réel pour un intérêt protégé que l'information peut être refusée. En attendant l'entrée en vigueur le 13 mars 2019 de cette loi, quelles actions pensez-vous entreprendre pour l'amender ? Il est très difficile d'amender une loi qui vient d'être adoptée. Ce qui nous intéresse actuellement c'est le processus de préparation pour la mise en œuvre de la loi. Ce processus doit être transparent et participatif. Il faut d'abord, mettre en place la commission d'accès à l'information qui doit contribuer à ce processus. Concrètement nous demandons un plan d'action qui couvrira la première période jusqu'au 13 mars 2019, avec des objectifs réalisables tout en adoptant une charte d'honneur qui reprend explicitement les tenants de la démocratie participative : la transparence, la participation des experts indépendants, l'évaluation des résultats et la réédition des comptes. Nous voulons savoir quel est le budget alloué à chaque opération, et la publication de la liste complète des institutions et établissement publics et privés concernées par la loi. Les opérations à qui nous tenons le plus sont la formation des chargés de recevoir les demandes d'information et de la délivrer, l'organisation des archives et de la documentation, les programmes de sensibilisation du public à travers les médias publics et autres supports, les informations qui doivent être publié sur les sites web de ces institutions et établissement de façon proactive. Quel rôle sera consenti à la commission en charge de promouvoir ce droit d'accès à l'information ? La commission qui sera rattachée à la présidence de la Commission Nationale de Contrôle de la Protection des Données à Caractère Personnel qui a déjà son conseil composé de 7 membres. La commission de l'accès à l'information aura aussi son conseil. Mais nous pensons qu'il faut créer une seule commission chargée du droit d'accès à l'information et du contrôle de la protection des données à caractère personnel. Deux commissions sous l'autorité d'un seul président ça n'existe nulle part dans le monde. Ce modèle peut crée des problèmes de coordination, alourdir le budget de l'Etat (les honoraires des membres), espace de travail etc. La commission aura des rôles divers mais principalement de recevoir et statuer sur les plaintes des usagers de la loi à qui l'administration a refusé de délivrer l'information. Organiser des sessions de formations pour les chargés de l'information. S'assurer de la bonne application de la loi en donnant des conseils aux insultions et établissements concernés par la loi sur les meilleures mesures à prendre pour appliquer la loi, en particulier au niveau de la publication proactives de l'information. Recommander aux gouvernements de nouvelles mesures pour l'amélioration des mécanismes d'accès à l'information. Présenter aux gouvernements des recommandations pour la conformité des textes de lois par rapport au principe du droit d'accès à l'information. Mais la Commission n'a pas le pouvoir d'exiger de l'administration de fournir l'information ni de sanctionner celles qui tardent ou refusent de publier les informations proactivement sur leurs sites web ou celles qui résistent la reforme de leurs systèmes d'information selon les exigences de la loi. Il est n'est pas aussi indiquer dans la loi que la Commission peut préparer des guides sur la manière d'interpréter les exceptions ou de décider sur les nouvelles institutions et établissements qui doivent être couverts par la loi. Quelle appréciation faites-vous des sanctions en cas de non-respects de ce nouveau dispositif légal, telles que prévues par les articles 27, 28 et 19 ? Pour l'article 19 qui concerne le premier recours au refus de l'information dont la durée de 15 jours pour que le président de l'institution ou l'établissement concerné par la loi puisse statuer sur la plainte pour refus d'information est normale. Par contre l'article 27 est incomplet puisqu'il doit sanctionner le refus de délivrer l'information tout simplement. La bonne foi est très difficile à démonter et elle peut être utilisée pour se prémunir des sanctions lesquelles doivent aussi s'étendre aux actes de destruction des documents, en dehors de ceux prévus par la loi sur les archives, ou falsification des documents pour induire en erreur le demandeur ou pour protéger un acte de corruption ou de mauvaise gestion. Enfin, les types de mesures disciplinaires ou sanctions doivent être clairement définis. Pour l'article 28, le secret professionnel concerne la non divulgation des informations qui rentrent dans le cadre des exceptions à la loi énumérées par l'article 7. Dans la catégorie des exceptions absolues on trouve la sécurité et la défense nationales, les données personnelles et les informations qui peuvent porter atteinte aux droits et libertés définis par la constitution ainsi que les sources d'information comme les noms des personnes qui sont derrières des informations sensibles (par exemple les informateurs de la sécurité). L'autre catégorie d'information concerne les informations dont la publication peut porter préjudice aux relations internationales avec les pays ou les organisations internationales ; à la politique monétaire, économique ou les finances de l'Etat ; aux droits de la propriété industrielle, droits d'auteurs et des tiers et aux droits des victimes, des témoins, des experts et des informateurs en ce qui concerne les crimes de corruption, du vol, ou de l'exploitation de l'influence. La publication de ces informations est considérée comme un crime punie par le code pénal. Nous pensons, que c'est dans ces cas que la loi doit disposer d'une disposition quipermet au chargé de l'information d'appliquer le teste de préjudice à toutes les exceptions, de sorte que ce n'est que lorsque la divulgation présente un risque de préjudice réel pour un intérêt protégé que l'information peut être refusée. Dans beaucoup de pays, c'est la commission de la promotion de l'accès à l'information qui définit le teste de préjudice dans des manuels specifiques à toute exception, comme c'est le cas du Royaume unie.