Au Maroc, il semble que tous les postes de consommation d'énergie augmentent de moins en moins vite, ce qui n'est pas une mauvaise nouvelle pour un pays qui importe près de la totalité des ses produits énergétiques. Mais augmentent-ils moins vite que la croissance économique ? La Figure 1 montre l'évolution dans le temps des quatre familles de produits énergétiques qui composent la consommation finale d'énergie du Maroc. Il va de soi que tous les produits énergétiques ont été préalablement remplacés par leur pouvoir énergétique par le biais des facteurs adaptés qui permettent de les convertir en tonnes d'équivalent pétrole (tep). Figure 1 : Evolution de la part des différents produits énergétiques dans la consommation finale d'énergie du Maroc Sur une échelle de 40 ans (1978-2018), la Figure 1 permet de voir que : * la part des combustibles terrestres (carrés bleus) a oscillé de ±2% autour du tiers du total (33%), * en montant depuis près de 28% du total, la part de l'électricité (diamant noirs) s'est accrue au voisinage de 42% en suivant deux paliers différents, * en montant depuis près de 6% du total, la part du gaz butane (cercles rouges) s'est accrue au voisinage 12% en 2000 et semble rester sur ce palier depuis lors, * en descendant depuis près de 31% du total, la part des autres produits énergétiques (triangles verts) a régulièrement décru vers 14%. Ainsi donc, si la part des combustibles terrestres s'est sensiblement maintenue dans le millefeuille de la consommation d'énergie finale du Maroc, l'électricité et le gaz butane se sont accrus au détriment des autres produits énergétiques que sont le propane, les carburants aériens et les autres combustibles non-utilisés pour la production d'électricité (fuel, charbon du gaz naturel). Les triangles bleus de la Figure 2 montrent l'historique de l'évolution : * de l'électricité nette localement appelée par le réseau électrique par habitant (graphe de gauche), * des ventes d'électricité par habitant (graphe de droite). La relation entre les deux graphiques relève du rendement global du réseau électrique, qui n'est pas constant dans le temps, puisqu'une partie de l'électricité injectée est perdue avant d'être livrée. Figure 2 : Electricité par habitant (bleue et gauche) et croissance de son évolution moyenne (rouge et droite) L'évolution dans le temps est simulée de façon acceptable par la courbe en bleu qui aurait tendance à se diriger, en 2030, vers 1'450 kWh/habitant pour l'électricité injectée (1'175 kWh/habitant pour l'électricité vendue). Cette évolution moyenne a suivi une croissance annuelle, représentée par la courbe en rouge, qui, sans doute sous l'impact du Programme d'Electrification Rurale Global (PERG), a pointé aux environs de 5,40% par an en 2000 et qui descendrait vers 1,55% en 2030 pour l'électricité injectée (respectivement 5,27% et 1,00% pour l'électricité vendue). Second poste de consommation, les triangles bleus de la Figure 3 montrent l'historique de l'évolution de la masse totale des carburants terrestres consommée par habitant. Cette dénomination désigne le gasoil (qui représente actuellement environ 90% des masses), l'essence super et l'essence ordinaire (qui a disparu de nos pompes depuis 2006) en excluant les combustibles utilisés dans l'aviation. Figure 3 : Carburants terrestres par habitant (bleu et gauche) et croissance de leur évolution moyenne (rouge et droite) L'évolution dans le temps de la masse des carburants terrestres est simulée de façon acceptable par la courbe en bleu qui aurait tendance à se diriger vers 273 kg/habitant en 2030. Cette évolution moyenne a suivi une croissance annuelle, représentée par la courbe en rouge, qui est très progressivement montée aux environs de 3,00% par an en 2011 et qui descendrait aussi très lentement vers 2,80% en 2030. Troisième poste de consommation, les triangles bleus de la Figure 4 montrent l'historique de l'évolution de la masse de gaz butane consommée par habitant. Figure 4: Gaz butane par habitant (bleu et gauche) et croissance de son évolution moyenne (rouge et droite) L'évolution dans le temps de la masse de gaz butane est simulée de façon acceptable par la courbe en bleu qui aurait tendance à se diriger vers 87 kg/habitant en 2030. Cette évolution moyenne a suivi une croissance annuelle, représentée par la courbe en rouge, qui est rapidement montée aux environs de 5,82% par an en 1989 et qui descendrait progressivement vers 1,35% en 2030. Quatrième poste de consommation, les triangles bleus de la Figure 5 montrent l'historique des produits énergétiques consommés par habitant mais autres que ceux déjà traités par les trois figures précédentes. On rappelle qu'il s'agit de tout le gaz propane ainsi que des masses de combustibles qui ne sont pas utilisées pour la production d'électricité (fuel, charbon du gaz naturel). Figure 5 : Autres produits énergétiques par habitant (bleu et gauche) et croissance de son évolution moyenne (rouge et droite) L'évolution dans le temps de ces autres produits énergétiques par habitant est simulée de façon acceptable par la courbe en bleu qui aurait tendance à se diriger vers 0,101 tep/habitant en 2030. Cette évolution moyenne a suivi une croissance annuelle, représentée par la courbe en rouge, qui est rapidement montée aux environs de 1,70% par an en 2011 et qui descendrait rapidement vers 0,55% en 2030. Les triangles bleus de la Figure 6 montrent l'historique, par habitant, de l'énergie finale consommée (graphe de gauche) ainsi que celle du Produit Intérieur Brut exprimé en Dirhams constants de 2007. Figure 6 : Energie finale et PIB par habitant (bleu et gauche) et croissance de son évolution moyenne (rouge et droite) Les évolutions dans le temps du PIB en Dirhams constants et de l'énergie finale par habitant sont simulées de façon acceptable par les courbes en bleu qui auraient tendance à se diriger : * vers 40'700 Dh de 2007 par habitant en 2030, * vers 0,88 tep/habitant en 2030. Si l'évolution moyenne venait à suivre la croissance annuelle représentée par les courbes en rouge : * la croissance de l'évolution moyenne du Produit Intérieur Brut par habitant, monterait au début de la décade 2020-2030 vers un plateau situé aux alentours de 3,00% par an, * alors que la croissance de l'évolution moyenne l'Energie Finale par habitant redescendrait progressivement vers 2,50% en 2030 après être montée aux environs de 3,30% par an en 2005. Les triangles bleus de la Figure 7 montrent l'historique de l'efficacité énergétique globale du pays, exprimée en Dh constants de 2007 par tonne d'équivalent pétrole d'énergie finale. Figure 7 : Efficacité énergétique (bleu et gauche) et croissance de son évolution moyenne (rouge et droite) L'évolution dans le temps de l'efficacité énergétique est simulée de façon acceptable par la courbe en bleu qui aurait fini une longue période de dégradation et tendrait à remonter vers 47'100 Dh2007/tep en 2030. Cette évolution moyenne a suivi une croissance annuelle représentée par la courbe en rouge, qui, après être descendue aux environs de -0,70% par an en 1991 est enfin devenue positive en 2017 et augmenterait depuis lors vers +0,8% en 2030. Si ces comportements tendanciels venaient à s'avérer dans le futur : * la croissance de la consommation énergétique décélèrerait plus rapidement que la croissance économique, ce qui est bénéfique pour l'efficacité énergétique du pays mais aussi pour sa balance économique et ses réserves en devises, compte tenu de sa dépendance énergétique, * dans la phase 2010-2030, c'est la famille des carburants terrestres, avec une croissance qui se monterait encore à 2,80% par an en 2030, qui serait la seule continuant encore à éroder notre efficacité énergétique, alors que les trois autres familles de produits énergétiques, avec une croissance inférieure à celle du PIB, continueraient à tirer notre efficacité énergétique vers le haut. A moins que des révolutions techniques ne se manifestent rapidement dans le domaine des véhicules de transports terrestres, il semble difficile de voir une solution provisoire à cette érosion autre qu'une fiscalité plus dissuasive contre l'achat (TVA) et l'exploitation (vignette) de véhicules ayant une forte consommation de carburant. Par Amin BENNOUNA Professeur à l'Université Cadi Ayyad, Marrakech ([email protected])