Lorsqu'on observe l'évolution la croissance de la consommation d'énergie du Maroc des dix dernières années, force est de constater que sa croissance ralentit. Quelles en seraient les causes ? Quelles en seraient les conséquences ? * Le constat Rapportée à l'échelle bleue de gauche (cercles bleus) de la Figure 1, la consommation totale d'énergie a bien augmenté de 13,25 à 20,40 millions de tonnes d'équivalent pétrole entre fin 2007 et fin 2017, affichant une croissance annuelle de 4,00% en moyenne sur l'ensemble de la période. Et pourtant, l'évolution lissée (courbe bleue) devient légèrement convexe puisqu'elle subit une baisse continue depuis dix ans (courbe rouge se rapportant à l'échelle rouge de droite de la Figure 1). Figure 1 Evolution de la consommation totale d'énergie au Maroc En tant que partie de l'énergie totale consommée dans le pays, l'échelle bleue de gauche de la Figure 2 montre que l'électricité appelée par le réseau électrique marocain montre un dynamisme encore plus favorable en passant de 22,66 à 37,08 milliards de kWh (TWh) entre fin 2007 et fin 2017, affichant une croissance annuelle de 5,05% en moyenne sur l'ensemble de la période. Mais ici aussi on découvre que l'accroissement de l'évolution lissée (courbe bleue) subit une érosion continue depuis dix ans (courbe rouge se rapportant à l'échelle rouge de droite de la Figure 2). Figure 2 Evolution de l'énergie nette appelée par le réseau électrique marocain Ceci n'est pas une mauvaise nouvelle tant que cette érosion n'est pas liée à un ralentissement de la croissance économique mais plutôt à une utilisation plus rationnelle de l'énergie. * Probables causes de cette érosion de la croissance. Pour l'instant, l'accroissement moyen de l'énergie consommée reste encore au dessus de la croissance démographique de 1,03% ce qui signifie que la consommation d'énergie par habitant ne régresse pas encore. Cependant elle aussi croît de moins en moins vite, comme montré dans le Tableau 1. Tableau 1 Evolution des consommations et de leurs croissances lissée Ainsi donc, on peut affirmer que le ralentissement de la croissance de la consommation est bien dû à celui de la croissance de la consommation individuelle. Les dernières années ont vu au moins deux grandes causes qui pourraient avoir tiré vers le bas la demande d'énergie individuelle au Maroc : * les prix de l'énergie se sont envolés durant la dernière décade (moitié plus pour les carburants liquides et un cinquième à un quart pour l'électricité), * de nombreux équipements plus efficaces sont maintenant disponibles sur le marché local à prix abordables (véhicules, éclairages, appareils électroménagers et équipements industriels plus performants). A titre d'exemple, environ 15 millions de luminaires efficaces (surtout fluo-compacts au début et LED récemment) ont été financés par les distributeurs d'électricité depuis 2008, et au moins autant ont été vendus sur le marché libre. En puissance, ces 30 millions de luminaires permettent, à eux seuls, d'économiser 1'046 MW (30'000'000 x 30W / 86%) sur la puissance appelée aux heures de pointe (entre 19h00 et 23h00) soit plus de 80% de la puissance de toutes les turbines à gaz du Maroc en 2016 (1'231 MW), qui utilisent du fuel et pallient au déficit de puissance aux heures de pointe à des coûts exorbitants. Ceci, à lui tout seul permet d'expliquer l'écart de 1'000MW en puissance appelée constaté entre le scénario de base (prévu en 2008) et la réalité de 2016. En énergie électrique ceci représenterait 764 GWh/an (1'046 MW x 2 heures/jours x 365 jours/an) soit près du quart de ce qu'ont produit toutes les turbines à gaz du Maroc en 2016 (2'737GWh) ou bien le double de ce qu'a produit la centrale solaire NOOR 1 en 2016 (160MW à Ouarzazate, 401GWh). * Probables conséquences de cette érosion de la croissance. La première des conséquences qui vienne est qu'il faudrait réviser les prévisions des chiffres à 2030 qui mèneraient probablement à redimensionner le plan gazier et à revisiter le plan d'équipement électrique. En effet, si le rythme de croissance moyen des trois dernières années devait se maintenir, à l'horizon 2030, le Maroc : * en énergie : n'aurait plus besoin que de 29 millions de tonnes d'équivalent pétrole (et non les 40 donnés par les prévisions de 2008), * en électricité : n'appellerait plus que 55 milliards de kWh d'électricité par an (et non les 80 donnés par les prévisions de 2008) et une pointe de puissance qui ne dépasserait pas 8'600 MW (et non les 12'000 donnés par les prévisions de 2008). La première des bonnes nouvelles qui vienne à l'esprit, c'est que ce ralentissement de la croissance de la demande électrique intérieure devrait mener le Maroc à ne plus avoir besoin d'importer d'électricité pour satisfaire ses besoins. Ceci signifie que l'import d'électricité sera de moins en moins utilisé comme bouée de sauvetage aux heures de pointe mais redeviendra ce qu'il était initialement, c'est-à-dire une opportunité commerciale pour l'alimentation à bon marché de notre STEP d'Afourer, de la prochaine de Abdelmoumen et, plus tard, de celle de Ifahsa.