L'ouverture de la conférence régionale pour l'Afrique et le Moyen Orient que Bank Al-Maghrib a organisée avec le Fonds Monétaire International sur la mise en œuvre du Programme Fintech de Bali a coïncidé avec le 60 ème anniversaire de la Banque Centrale du Maroc. La révolution digitale, c'est des enjeux mais aussi de multiples défis. Cette rencontre tenue les 13 et 14 mars a été rehaussée par le niveau élevé de participation des banques centrales ainsi que des institutions régionales et internationales. Ce qui atteste de l'importance de la thématique débattue. Dans son allocution, le gouverneur de BAM a tenu à rappeler comment a germé l'idée de la rencontre régionale. Elle est née d'une quête de la Banque Centrale d'expertise et d'expériences en matière d'approches et de politiques face à la révolution digitale. Une quête qui a coïncidé avec la réflexion du FMI sur la question qui s'érige en grand défi pour les autorités publiques d'une manière générale. Un processus qui a débouché sur le programme Fintech de Bali qui a été présenté lors des dernières assemblées annuelles organisées en octobre en Indonésie. Ledit programme propose un cadre dédié aux questions de haut niveau que les pays de la région devraient aborder lors des discussions de leurs propres politiques internes et vise à guider le FMI et la Banque Mondiale dans leurs propres travaux et échanges avec les autorités nationales. Il repose sur 12 éléments pour ne citer que le renforcement de la résilience du secteur financier, la gestion des risques et la promotion de la coopération internationale, l'adaptation du cadre réglementaire et des pratiques de contrôle, la modernisation du cadre juridique. Tobias Adrian, Directeur du département des marchés monétaires et de capitaux au sein du FMI En ce qui concerne la gestion des risques, Tobias Adrian, Directeur du département des marchés monétaires et de capitaux au sein du FMI, a cité le risque de nouveaux entrants qui ne sont pas seulement des banques mais des entreprises de technologie, des purplayers… Dans cette configuration, les institutions de Breton Woods sont bien placées pour recueillir des informations auprès de tous les pays et pour offrir un forum de partage des expériences au sujet des thématiques comme la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme, l'intégrité du marché et la protection des consommateurs. « L'utilisation massive des smartphones et des réseaux sociaux, l'émergence de la finance digitale et des Big data, ainsi que le développement des plateformes en ligne et l'ubérisation des services sont quelques-unes des manifestations de cette nouvelle révolution industrielle », tient à rappeler le wali de Bank Al Maghrib. Et d'ajouter : « Malgré la multiplicité des études et des évaluations, l'impact de cette révolution n'est pas encore bien cerné. Il se fera vraisemblablement sentir négativement au niveau du marché du travail ». Des opportunités mais aussi des défis… L'une des études les plus importantes dans ce sens, réalisée en 2013 par deux chercheurs d'Oxford sur le cas des Etats-Unis, montre que 47% des emplois sont à risque de disparition. Dans les pays émergents et en développement, cette proportion est beaucoup plus élevée, ces mêmes chercheurs l'ayant estimée en 2016 à 69% en Inde, à 77% en Chine et à 85% en Ethiopie. Outre le chômage, la mesure du PIB est aussi impactée par le recours accru aux plateformes en ligne. De même, les niveaux d'inflation seraient surestimés en raison de l'amélioration de la qualité des biens et services qui ne serait pas intégrée dans leur calcul. C'est dire que la digitalisation financière n'est pas exempte d'impacts et de risques. Elle est également génératrice de revenus dans des domaines tels que le paiement des taxes qui s'est traduit par des gains multiples, de réduction des coûts et des délais, mais aussi le renforcement de la transparence et la lutte contre l'évasion fiscale et la corruption. L'institut Mckinsey estime, dans un rapport de 2016, le potentiel de la Fintech dans les économies émergentes à l'horizon 2025 à 6% de PIB additionnel, ou 3,7 trillions de dollars, et à 95 millions de nouveaux emplois. Selon le même rapport, deux milliards d'individus et 200 millions de micro, petites et moyennes entreprises dans les pays émergents n'ont pas accès au crédit et ceux qui l'ont, font face à des coûts encore élevés. En passant en revue les enjeux et défis de la Fintech, A. Jouahri a tenu à informer que la stratégie nationale d'inclusion financière est finalisée. Elle a été présentée au gouvernement et sera bientôt présentée au Parlement et par la suite à la presse. Par contre, il insiste sur le volet réglementation où il faut laisser suffisamment d'espace à la créativité et au développement de la Fintech, mais en même temps préserver et renforcer la résilience du système financier. Un équilibre qui exige une identification des risques et leur classification et une anticipation des effets potentiels des innovations et des nouvelles activités financières. Il étaye ses propos par l'exemple des crypto-actifs où la Banque Centrale a dû approcher le problème par l'angle de la protection du consommateur pour attirer son attention sur les risques qui lui sont associés. Il précise pour autant que la position définitive sur la question n'est pas prise. Une chose est sûre: cette rencontre régionale permettra un échange d'expérience entre les différents pays et du coup gagner du temps dans la mise en oeuvre de cette révolution digitale. Encore faut-il pour mener à bien ce grand chantier, se doter d'associations de consommateurs fortes et plus représentatives qui vont jouer le rôle du plaidoyer vis-à-vis des instances nationales ou internationales. De son côté, le régulateur a consacré un pilier à l'éducation financière dans la stratégie nationale de l'inclusion financière.