Ecrit par Imane Bouhrara | Quel beau cadeau pour la Saint-Valentin dont nous a gratifié l'Association marocaine du Transport et Logistique ce 14 février. L'association a tout bonnement décidé de manière unilatérale de demander à ses membres de relever leur tarif de 20%… d'un coup. Sauf que c'est attentatoire à la liberté des prix et de la concurrence. Nous avons recueilli une première réaction du Président du Conseil de la concurrence à ce sujet. Le communiqué de l'AMTL qui, a été diffusé comme une trainée de poudre dans un contexte tendu par la hausse des prix et des hydrocarbures, comprend-il en son sein un appel public à une entente sur les prix ? En effet, ce 14 février, l'association a diffusé à ses membres un communiqué dans lequel, elle les appelle explicitement à opérer une augmentation de 20% des tarifs de transport. L'association explique cette décision d'augmentation « à la flambée du prix du gasoil, dépassant largement le plafond de 10 DH le litre, promis par l'ancien gouvernement sensé avoir souscrit une assurance lui permettant de respecter ledit plafond ». Elle rappelle d'ailleurs que les tarifs du transport stagnent depuis 2015. L'association a-t-elle réagi sous le coup de la colère ou a-t-elle pêché par ignorance, ce qui est sûr c'est qu'un tel appel est attentatoire à la loi 140-12 relative à la liberté des prix et de la concurrence, dans le sens, où son appel sous-tend une entente sur les prix mais aussi parce qu'en tant qu'association, elle n'est pas habilitée par la loi pour entreprendre une telle démarche. Contacté par nos soins, Ahmed Rahhou, le président du Conseil de la Concurrence a tenu à préciser que « De façon générale, indépendamment de ce cas, l'entente sur les prix est interdite. L'intervention des associations, des groupements ou des syndicats pour donner des orientations sur les prix, que ce soit à la hausse ou à la baisse » n'est pas permise par la loi. Le Conseil de la concurrence, comme il est d'usage, se prononcera sur ce communiqué après avoir vérifié les tenants et aboutissants. A priori, ce type d'intervention n'est pas dans le cadre de la loi ». Dans le communiqué de l'AMTL, cette dernière, peut-être pour donner plus de crédit à son action, rappelle qu'elle est sous la coupole de FNTM et de la FTL, affiliée à la CGEM. Ce qui est un peu équivoque, étant donné que la CGEM est plutôt dans une démarche de concertation avec les pouvoirs publics avant de prendre des décisions de telle sorte. En tout état de cause, « La loi s'applique à tous. Nous avons déjà fait des interventions au sein de la CGEM pour rappeler les dispositions de la loi et d'où la mise en place du guide de conformité pour que les fédérations et les associations prennent connaissance de ce qui est permis de ce qui ne l'est pas » relève le Président du Conseil de la Concurrence. « Et il est clairement précisé que lorsque les associations se réunissent, il ne leur est pas permis de parler des prix. Elles peuvent parler des tendances et des composantes des prix, comme la hausse des prix des hydrocarbures qui est une donnée publique. Mais de là à dire qu'on va augmenter les prix, ce n'est pas permis », rappelle Ahmed Rahhou. Et d'insister que le guide de la conformité concurrentielle est public et que nulle association ni société ne peut dire l'ignorer. En effet, dans le cadre de la nouvelle campagne de sensibilisation menée par le Conseil de la Concurrence, le guide a été largement diffusé notamment à travers la CGEM qui l'a partagé à une large échelle pour que le plus grand nombre puisse en prendre connaissance. Il souligne par ailleurs que le Conseil de la concurrence ne peut pas porter de jugement si un opérateur procède à une hausse de 30 ou 40%, libre à lui, puisque cette liberté des prix est garantie par la loi. Et ce en raison également du rôle de la libre concurrence d'équilibrer le marché et au consommateur de choisir le meilleur ou le moins cher, libre à lui. Faut-il rappeler que la vocation du Conseil en tant qu'instance indépendante est d'œuvrer au raffermissement de la bonne gouvernance, de l'Etat de droit dans le monde économique et de la protection du consommateur. A quelque chose malheur est bon, avec ce communiqué nous sommes en présence d'un cas d'école, qui sert à rappeler les dispositions de la loi et la nouvelle dynamique du Conseil de la Concurrence sous la houlette de son président, à savoir de renforcer la culture de la concurrence chez les opérateurs mais également veiller à l'impartialité, conformément à l'esprit du communiqué royal annonçant la nomination de Ahmed Rahhou en mars dernier. Ce 15 février, l'AMTL association est revenue à la raison (rappelée à l'ordre ?) en annonçant l'annulation de cette augmentation. En effet dans un deuxième communiqué (pas le même en-tête) du précédent, l'association a informé ses membres d'annuler ladite augmentation, l'AMTL étant en contact avec les autorités gouvernementales afin de trouver une solution optimale aux problèmes rencontrés par les transporteurs. Mais cela n'absout en rien le fait que l'association devra expliquer les tenants et aboutissants de ces deux communiqués, puisqu'elle devrait être contactée par le Conseil de la Concurrence comme expliqué plus haut, pour prendre une position sur ce cas précis.