Avec 35,1 milliards de DH de primes émises en 2016 (+15,4% par rapport à 2015), le marché de l'assurance marocain se positionne au 49ème rang mondial et au 2ème rang africain après l'Afrique du Sud. Comment le marché de l'assurance marocain a-t-il atteint ce niveau de maturité ? Comment évolue la distribution ? La rentabilité est-elle toujours au rendez-vous ? Selon un rapport Swiss Re, le marché de l'assurance marocain affiche un taux de pénétration de 3,48% en 2016 (primes en pourcentage du Produit Intérieur Brut). A titre de comparaison, ce même taux est de 5,57% en Espagne, de 5,85% au Portugal mais n'atteint que 0,64% en Egypte ou 0,27% au Nigéria. Cependant, il faudrait signaler que la comptabilisation des primes diffère d'un pays à l'autre : au Maroc, par exemple, les cotisations de retraite qui sont collectées par la CIMR ne sont pas comptabilisées dans les primes du secteur, alors qu'elles représentent l'essentiel des primes en Afrique du Sud ! Un secteur très réglementé Le niveau d'encadrement du secteur de l'assurance par son régulateur témoigne également de sa maturité. En effet, l'Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS) a initié une série de mesures qui ont permis de renforcer le cadre règlementaire. Parmi les mesures récentes, l'instauration de règles strictes sur les encaissements et reversements de primes, ainsi que le renforcement des garanties obligatoires. D'autres textes en cours d'élaboration visent à hisser la réglementation marocaine aux meilleurs standards internationaux, notamment le projet de la solvabilité basée sur les risques, qui obligera les compagnies d'assurances à renforcer leurs capitaux. Des acteurs structurés, solides, et qui s'exportent La solidité réglementaire du secteur des assurances au Maroc a permis l'émergence d'acteurs puissants. Ainsi, à l'image de nombreux marchés avancés, le marché des assurances marocain est relativement concentré. En effet, quinze compagnies d'assurance et de réassurance opèrent au Maroc (dont sept représentent près de 80% des émissions de primes), alors que des pays comme le Nigéria ou le Kenya comptent respectivement 51 et 34 compagnies d'assurance. Cette concentration présente des avantages car elle permet aux acteurs d'atteindre une taille critique pour faire face aux engagements pris vis-à-vis des clients. Elle est également une condition sine qua non pour leur permettre de s'exporter hors des frontières nationales, ce qu'ont réussi certains opérateurs marocains comme Saham Assurance, RMA, Wafa Assurance ou récemment Atlanta. Une offre d'assurance automobile au niveau de celle des marchés avancés Avec près de 10 MMdhs de primes émises en 2016 selon les données de l'ACAPS, la branche automobile représente près de 30% des émissions de primes d'assurance au Maroc et atteint un niveau de maturité élevé. Les compagnies d'assurance marocaines proposent une offre au niveau de celle des marchés développés. En termes de couverture par exemple : au-delà de la garantie Responsabilité Civile obligatoire et des classiques vol, incendie, collision..., les compagnies mettent à disposition de leurs assurés une gamme étoffée de garanties (dommages au véhicule, perte financière, rachat de vétusté...), à l'image de celles qui sont commercialisées sur des marchés plus avancés. La panoplie de produits proposés s'adapte également aux dernières tendances technologique ou écologique. A titre d'exemple, RMA et Saham Assurance proposent à leurs assurés d'équiper leurs véhicules de boitiers connectés tandis qu'Atlanta a lancé un Eco-Bonus pour les véhicules moins polluants. Les compagnies d'assurance marocaines proposent également une palette conséquente de services associés aux contrats d'assurance automobile. Pour l'assistance par exemple, les acteurs marocains se sont alignés sur les pratiques de leurs homologues des marchés avancés. Les compagnies offrent presque systématiquement à leurs assurés un large éventail de prestations d'assistance en cas d'accident, voire même en cas de panne : aide au constat, remorquage ou encore véhicule de remplacement... Elles ont également proposé des services innovants et uniques, avec, par exemple, l'ouverture de centres d'indemnisation rapide, initiée en 2009 par Saham Assurance et Wafa Assurance. Ces services permettent aux assurés qui le souhaitent de percevoir leur indemnisation en quelques heures. Une distribution qui s'appuie largement sur les réseaux traditionnels Au niveau mondial, la distribution de produits d'assurance reste dominée par les réseaux traditionnels (courtiers, agents et autres intermédiaires). La vente de produits d'assurance en ligne est globalement peu développée, même si elle progresse dans certains pays. Au Royaume-Uni par exemple, la part de marché des primes d'assurance automobile par internet frôle les 25%; en Chine, elle dépasse à peine les 10%. Le poids de la vente en ligne est globalement amené à augmenter : d'après une enquête de 2016 citée par Swiss Re « 94 % des cadres dirigeants de l'assurance interrogés pensent que la distribution sera le domaine où l'impact des technologies digitales sera le plus important durant les cinq années à venir ». Au Maroc, comme dans la majorité des autres pays, la vente en ligne de produits d'assurance reste aujourd'hui très restreinte. Si ces ventes sont amenées à progresser dans les années à venir, le Maroc reste un marché où la relation de conseil entre l'assuré et son intermédiaire demeure privilégiée. Il est donc fort probable que le marché marocain s'inscrive plutôt dans la lignée de pays comme l'Italie, l'Espagne ou le Portugal où les parts de marché de l'assurance automobile en ligne tournent autour de 5%. Une marge technique brute de la branche automobile inférieure à 7% Le ratio combiné moyen de la branche automobile au Maroc avoisine les 90% et atteint les 93% en intégrant les frais d'assistance. Ce ratio reflète la part des coûts techniques (charges de sinistres, frais de distribution et de gestion...) dans les primes d'assurance et donc la capacité des assureurs à dégager des bénéfices grâce à leur performance technique. Ainsi, plus ce ratio est faible, plus les entreprises dégagent du bénéfice. Pour l'ensemble des branches Non-vie, les compagnies d'assurance marocaines affichent des ratios combinés élevés, cohérents avec ceux d'un marché mature. A titre d'exemple, Wafa Assurance et Saham Assurance ont des ratios combinés respectivement de 97,9% et 94,7%. Ces chiffres sont proches de ceux des géants de l'assurance mondiale comme Axa Monde ou Allianz Monde dont les ratios combinés sont respectivement de 96,5% et 95,6%. De façon générale, le niveau du ratio combiné sur le marché marocain est plus proche de celui des marchés développés que de celui des marchés émergents. A titre de comparaison, le ratio combiné 2016 de la branche Non-Vie en Europe de l'Ouest est de 95% (selon un rapport Swiss Re), tandis que certains pays d'Afrique comme le Congo ou le Gabon affichent des ratios combinés 2015 respectifs de 38% et 67% (selon des données de la FANAF – Fédération des Sociétés d'Assurances de Droit National Africaines). Une sinistralité qui explose Sur la branche automobile en particulier, les coûts techniques des compagnies marocaines sont fortement impactés par la sinistralité. Ainsi, selon la Fédération Marocaine de Sociétés d'Assurances et de Réassurance (FMSAR), la fréquence des sinistres matériels au Maroc a augmenté de plus de 20% par an au cours des trois dernières années. Quant aux sinistres corporels, les plus coûteux en indemnisation, leur occurrence est particulièrement forte au regard de la taille du parc automobile. A titre d'exemple, il y a presque autant de décès sur les routes au Maroc qu'en France, pour un parc automobile huit fois moins important... Ceci a pour conséquence d'impacter significativement le ratio combiné à la hausse, ne laissant qu'une faible marge technique pour les compagnies marocaines. Cette branche, de moins en moins rentable, inquiète les assureurs qui restent échaudés par la liquidation, au milieu des années 90, de cinq compagnies d'assurance : la Renaissance, la Victoire, Arabia Insurance Company Morocco SA, la Compagnie Atlantique d'Assurances et la Réunion Marocaine d'assurance et de réassurance. Ces compagnies avaient souffert du bas niveau des tarifs de l'assurance automobile, notamment de celui de la Responsabilité Civile, qui, couplé à des lacunes de gestion, avait conduit à leur liquidation en octobre 1995. Ainsi, la Direction des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ancien nom de l'ACAPS) avait initié à partir de décembre 1996, des hausses des prix de l'assurance automobile visant à réguler le marché, hausses qui se sont poursuivies jusqu'à la libéralisation des tarifs de la RC Automobile en 2006. Pour autant, cela ne signifie pas que la situation est figée. Dans un contexte de développement des systèmes d'informations et d'accès par les assureurs à davantage de données pertinentes, on peut s'attendre à une meilleure segmentation des clients en fonction de leur niveau de risque. On devrait alors assister, non pas à une baisse du tarif moyen de l'assurance automobile, mais à des ajustements de prix par segment de clientèle. Les conducteurs les moins risqués devraient voir le prix de leur assurance baisser, tandis que pour les mauvais conducteurs, la facture pourrait grimper.