Le Maroc a commencé à s'activer pour s'affirmer comme passerelle vers l'Europe dans le trafic international de marchandises par mer, souligne le journal électronique espagnol El Confidencial. Il relève que l'Agence Nationale des Ports (ANP) et l'Agence Spéciale Tanger Med (TMSA), responsable selon lui de la plus grande menace d'enclave des terminaux espagnols, ont lancé un plan ambitieux de croissance et d'expansion dans le but de moderniser les installations, augmenter la capacité de manutention et attirer de grandes compagnies maritimes en se positionnant comme une référence à l'entrée de la Méditerranée. Le fleuron de cette transformation est Tanger Med, le grand port et la zone franche des activités logistiques situés dans le détroit de Gibraltar, à 45 kilomètres de Tanger et à seulement 14 kilomètres de la côte espagnole. Le premier de ses terminaux a commencé à fonctionner en 2007. De plus, le APM Terminals (Maersk Group) a lancé une expansion majeure au sein du terminal 4 (Tanger Med II), avec des investissements prévus de 700 millions d'euros et un système de chargement et de déchargement automatique des navires qui va directement concurrencer les ports espagnols, notamment Algésiras, dans le « trafic de transit », note le e-journal. Ils s'agit des grands navires dont la cargaison est déchargée et ensuite redistribuée à d'autres destinations en Europe, également par voie maritime. Le journal rappelle que près de 90% des marchandises reçues par le port d'Algésiras proviennent de ce trafic. Dans le cas du port de Valence, ce pourcentage atteint 50% et se situe à 25% dans l'ensemble système portuaire espagnol, avec Barcelone et Las Palmas comme deux autres grands bénéficiaires de ce type de mouvements maritimes (les quatre ports représentent 94,4%). Le Terminal 4 de Tanger Med sera exploité par APM Terminals . Sa capacité annuelle de manutention de 4,2 millions de conteneurs EVP va être réservée presque exclusivement pour les navires de la compagnie maritime multinationale néerlandaise Maersk. Un quatrième projet de terminal, propriété de Marsa Maroc, qui peut être utilisé par toutes les compagnies de transport maritime, aura une capacité de 1,3 million de conteneurs par an dans ses 800 mètres de quais. En comparaison, El Confidencial rappelle que le port d'Algésiras a déplacé 4,76 millions d'EVP en 2016. Les plans du Maroc vont au-delà de la transformation de Tanger Med en l'un des grands terminaux du sud de la Méditerranée et de l'Afrique du Nord (seul Port Said en Egypte surpasse la capacité de gestion des marchandises). L'Agence Nationale des Ports a approuvé en janvier 2017 un plan ambitieux de rénovation des autres enclaves maritimes, plus modestes, mais qui peuvent aussi faire de la concurrence, par exemple, à des terminaux tel que Las Palmas. L'investissement total dans l'infrastructure maritime est d'environ 500 millions d'euros en cinq ans, seul le port d'Agadir recevra 45 millions d'euros pour devenir un terminal polyvalent. Le plan prévoit également la création d'un observatoire pour améliorer la compétitivité des terminaux avec une révision de leurs tarifs portuaires, rappelle le journal. Ces plans sont réalisés en parallèle à la pression exercée par les grands opérateurs espagnols pour la libéralisation de l'arrimage du secteur afin de réduire les coûts et aboutir à des formes plus souples de mécanismes de travail et de contrats. « Le risque, même s'il n'est pas imminent, est réel à moyen et long terme. C'est une question de compétitivité. Si les ports espagnols ne s'adaptent pas aux réalités du XXIème siècle alors que nos pays voisins le font, nous aurons un problème. Les compagnies maritimes peuvent relocaliser le trafic de transit d'un jour à l'autre si elles considèrent que les conditions offertes par un port sont meilleures. Ces conditions ne peuvent pas être seulement économiques, mais peuvent relever de la stabilité, par exemple, éviter les conflits de travail », remarque José Luis Almazan, vice-président de la Plateforme des Investisseurs dans les Ports Espagnols (PIPE).Comme d'autres experts du secteur portuaire, Almazan estime que le port de Tanger constitue une sérieuse concurrence pour les ports de transit espagnols. « Surtout pour Algésiras, qui reçoit plus de 90% de ses marchandises en trafic de transit, mais aussi Valence et Malaga. L'expansion en cours dans le port de Tanger mettra en place un terminal entièrement automatisé en 2019. Si l'on ajoute à cela les coûts de main-d'œuvre élevés, moins de flexibilité dans l'organisation et moins de conflits de travail, la combinaison est inquiétante », s'inquiète le vice-président.