Il aurait préféré rester un homme de l'ombre, mais l'actualité l'a propulsé sous les feux des projecteurs. Ce manager paternaliste qui considère son entreprise comme sa famille, a eu un parcours plus que classique. Après des études en France, il a intégré Aluminium du Maroc, entreprise qu'il n'a jamais quittée. Par Noréddine El Abbassi Il est des hommes qui ne vivent que pour leur métier. Se rendre utile est leur passion, et rentabiliser chaque instant est une «mission» à laquelle ils s'adonnent. Jawad Sqalli est de ceux là. Plus homme de terrain que de contact, plus dans l'opérationnel que dans le discours, sa formation d'ingénieur se reflète dans sa manière d'être. Difficile d'accès, et proche de la production, on reconnaît là ceux qui sont passés par la formation militaire. Il l'a été en tant qu'instructeur en sciences. Il est né en 1954, à Rabat. Son père fut l'un des signataires du manifeste de l'indépendance du 11 janvier 1944. Prise de position qu'il paiera par une longue mise à l'écart. Une fois l'indépendance du Maroc acquise, le père de Jawad se consacrera à sa fonction de magistrat: «mes parents étaient à l'image de beaucoup de marocains. Des gens simples, qui n'aspiraient qu'à fonder une famille et à la mener à bon port. Dans ce sens, il ont rempli un contrat moral. Leurs sept enfants, dont je suis le dernier né, ont tous réussi». Bricoleur, il se passionne pour le fonctionnement des appareils ménagers et n'hésite pas à démonter certaines machines. Ce qui lui a valu quelques fessées. Prémonitoire cette appétence pour la technique, puisqu'au Bac, il choisira la filière mathématiques et technique, un Bac E, au Lycée Lyautey. Mais sa grande passion, c'est le football. Il joue comme gardien de but, évidemment, et ses idoles sont le célèbre joueur soviétique Yachine, et le non moins célèbre Allal, le gardien de l'équipe nationale marocaine des années 70. Son autre passion, c'est le cinéma. C'est cet amour pour le 7e art qui l'amènera à animer un «ciné club», lorsqu'il poursuit ses études à Strasbourg. Les études en France Nous sommes en 1974 quand Jawad s'envole pour Paris, où il poursuit la préparation aux grandes écoles d'ingénieur. Maths sup est déjà une filière d'élite, qui prépare les esprits «ingénieux» aux métiers de la production. Comme le disent les Anglo-saxons, la France prépare son élite comme une armée Napoléonienne, sur le pied de guerre. Jawad décroche l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Industries de Strasbourg. Les études sont très prenantes, mais dès le diplôme en poche, Jawad quitte la France pour rentrer au Maroc en 1980. Le service civil est alors en vigueur, et il est affecté à la base militaire de Marrakech. Il sera chargé de donner aux futurs pilotes des cours en mathématiques, physique et mécanique. De cette expérience naitra son amour pour l'aviation. Dans la foulée, il décroche donc son brevet de pilote privé. Là encore, il reste dans l'axe de ses passions, puisqu'il aime voyager. Enfant déjà, ses parents l'emmenaient en voyage, et à ce jour il aura visité plus de 30 pays. Il compte, dit-il, en voir autant à l'avenir. Arrive 1982, Jawad doit entrer dans la vie active. Il rencontre Pierre Candini, un cadre de Pechyney et premier Directeur Général d'Aluminum du Maroc, qui le recrute. Dès lors, il doit se décider à faire un choix: s'installer à Tanger ou rester dans l'Axe Rabat, ce que Lyautey désignait comme le Maroc utile: «après une journée d'entretien, j'ai été séduit par la ville et la carrière qu'on me proposait. J'ai commencé comme chef de fabrication et dès la deuxième année, je suis passé Directeur Technique de l'Usine». C'est déjà l'homme d'une seule entreprise, puisqu'il fait toute sa carrière dans la même «boîte». L'homme d'une seule entreprise A partir de ce moment, sa carrière sera une progression constante. A l'image de Tanger. La ville n'était alors qu'une grosse bourgade de 300 000 habitants où tout était à faire , et avec peu de moyens: «ce n'était pas loin du Far West, mais cela donnait du piquant à la vie», pointe-t-il, avec humour. Il sera bombardé Directeur Général en 1999: «je n'ai jamais eu besoin de chercher ailleurs. En 33 ans de métier, chaque jour a eu son lot de défis à relever et ma carrière était riche et passionnante», explique-t-il. Ce n'est que tout récemment qu'il se marie: «ma première femme s'appelait «alumine». Je lui ai consacré 25 ans de ma vie. Mes enfants… j'en ai actuellement 470», plaisante-t-il, comme pour rappeler que son entreprise est sa «famille» et que ses collaborateurs, sont ses «enfants». Depuis trois années, Jawad a ajouté deux cordes à son arc. Le coaching d'abord. Il s'attache à influer sur l'environnement socio-économique du pays: «pour générer de la richesse pour son actionnariat, il faut d'abord donner une dimension sociétale à l'entreprise. C'est ce que je m'attache à faire depuis de longues années», avance-t-il, se promettant de continuer à l'avenir. Sa seconde corde, est celle d'administrateur d'entreprise indépendant, formé à l'IMA. C'est donc incontestablement l'homme d'une seule entreprise. Elle aura été sa femme, sa famille et sa vie. Elle continuera probablement à l'être, aussi longtemps que sa santé le lui permettra. Aussi longue que possible, espérons-le. BIO EXPRESS 1954: naissance à Rabat 1974: Bac E au Lycée Lyautey (Casablanca) 1980: Diplôme d'ingénieur mécanique de l'Ecole Nationale Supérieure des Arts et Industries de Strasbourg 1982: entrée à Aluminium du Maroc 1999: DG Aluminium du Maroc 2016: PDG Aluminium du Maroc