En proie à de grosses difficultés financières, le plan de développement de M'dina Bus est au point mort depuis un peu moins de deux ans. Une situation qui n'est pas sans amener la RATP (Régie autonome des transports parisiens), chef de file de l'opération, à reconsidérer son aventure marocaine. Depuis, la CDG a été appelée pour sauver les meubles. Lorsque la société M'dina Bus, filiale de la RATP (Régie Autonome des transports parisiens), gagnait l'appel d'offres pour l'exploitation du transport urbain à Casablanca en 2004, devant son concurrent Veolia, les espoirs étaient grands. Cinq ans après s'être lancé dans cette aventure marocaine, le leader du transport en commun parisien (20 % du capital) et ses associés, notamment Khalid Chrouate (60 %) et FinanceCom (20 %), ne peut plus continuer à provisionner l'ex-RATC (Régie Autonome des Transports de Casablanca) pour couvrir ses pertes d'exploitation et ses créances non recouvrées. Face à ces difficultés financières, les actionnaires ont depuis mis en veilleuse l'important programme d'investissement de M'dina Bus. « Certes, le concessionnaire du transport public urbain à Casablanca, M'dina Bus, traverse une période difficile due à des difficultés financières, mais tout cela va être surmonté avec l'entrée de la Caisse de dépôt et de gestion dans le capital de la compagnie. Les négociations sont en cours dans ce sens», souligne Mohamed Halab, Wali de Casablanca. La CDG à la rescousse Jusqu'à quelle hauteur la CDG va-t-elle participer dans le nouveau tour de table? « Nous sommes dans une phase où nous ne pouvons pas communiquer. Nous serons disposés à le faire dès que les négociations seront finalisées. D'ailleurs, nous comptons boucler l'opération avant peu », se contente de répondre Khalid Chrouaât, PDG de M'dina Bus. Du côté de la CDG également, on ne veut guère se prononcer officiellement sur la question tant que l'opération n'est pas bouclée. Mais une source proche du dossier confirme qu'un accord entre les deux parties est même imminent. Selon elle, le bras financier de l'Etat serait sur le point de prendre 10 à 15 % des parts du groupe de transport français dans M'Dina Bus. « Autant de parts pourraient être rachetées par la CDG auprès de Khalid Chrouaât, qui détient actuellement les 60 % du capital de M'dina bus », renseigne la source. Rappelons que l'actionnariat de la société est formé par l'actuel PDG à travers son groupe Transinvest (60% du capital), le groupe d'Othman Benjelloun (20 % du capital) et la RATP (20 % du capital) comme chef de file. Aujourd'hui, l'entrée de la CDG dans le capital apparaît comme une véritable opération de sauvetage pour la société M'dina Bus, qui a du mal à remonter la pente. En effet, cette dernière, qui a la charge d'organiser, jusqu'en 2030, le service de transport collectif urbain par bus de la capitale économique, pourrait enfin concrétiser sa grande opération d'augmentation de capital social qu'elle peine à mettre en branle depuis plusieurs mois. Grosse augmentation de capital en vue Celle-ci devrait passer du simple au quintuple, c'est-à-dire de 100 millions de DH à 500 millions de DH. En attendant, le plan industriel qui prévoyait une montée en puissance de l'offre avec 400 autobus supplémentaires à l'horizon 2010 est au point mort depuis très longtemps. Le parc, qui était constitué de 20 bus avant la reprise de l'ex-RATC par le délégataire, ne compte jusqu'à présent que 500 bus, une flotte mise en place en moins de deux ans par M'dina Bus. Les difficultés financières de la filiale marocaine de la RATP ne sont pas sans soulever des tensions sociales chez le personnel de la société qui réclame une régularisation des arriérés des cotisations mensuelles à la CNSS prélevées régulièrement (caisses de retraite, organismes de prévoyance sociale, sociétés d'assurance…). L'ensemble des arriérés dus a atteint, aujourd'hui, environ 45 millions de dirhams, à en croire les salariés de l'entreprise qui sont au nombre de 4.100. Comment ce contrat jugé à l'époque très beau par les Français de la RATP est devenu comme une épine dans le pied des actionnaires ? Pourquoi la greffe de savoir-faire hexagonal prend plus lentement que prévu ? Il faut dire que le leader du transport en commun parisien n'a jamais caché sa déception concernant la tournure des choses. Il a indiqué avoir perdu 7 millions d'euros dans ce projet. Encouragée par la promesse des autorités de récupérer fin 2009 le monopole des bus au détriment de huit autres sociétés, la RATP aurait investi massivement par le biais de sa filiale marocaine. En somme, M'dina Bus a investi à tour de bras environ 12 millions d'euros. Interpellé par Challenge Hebdo sur cette éventuelle grosse perte des Français, Khalid Chrouaât s'est tout simplement contenté de confirmer. Pourtant, une source interne au concessionnaire de transport casablancais voit une certaine incohérence dans le niveau de pertes avancé par la RATP. Selon elle, cette dernière n'a apporté ni plus ni moins que 350 autobus usagés de valeur résiduelle estimée à 20 millions de DH par unité. « C'est ce qui est d'ailleurs inscrit au compte associé. Comment peut-elle alors revendiquer un tel niveau de pertes ? », se demande-t-elle. Quoi qu'il en soit, au-delà de ce recyclage d'autobus usagers par les carrossiers marocains, la filiale marocaine n'a pas hésité à racheter, début 2007, un de ses concurrents, Rahabus, criblé de dettes. Son offre était jugée très généreuse. Tout compte fait, à en croire la RATP pour justifier son échec, « l'absence de régulation efficace de la concurrence pesant sur ses résultats, M'Dina Bus n'atteint pas l'équilibre financier requis ». Malgré tout, M'dina Bus n'est pas au bout de ses peines, malgré la rescousse de la CDG. Car, il pourrait y avoir à gérer un autre problème relatif aux conventions de concession passées avec d'autres transporteurs, bien avant l'arrivée de M'dina Bus, qui vont prendre fin le 20 octobre prochain. Reste à savoir si elles seront renouvelées. Avec les élections communales du 12 juin prochain, aucun membre du Conseil de la ville de Casablanca ne veut s'aventurer à se prononcer sur le sort qui sera réservé à ces conventions. Le nouveau conseil qui sortira des urnes ne va-t-il pas remettre en question certaines clauses du contrat de M'Dina Bus ? Le PDG de la filiale de la RATP ne souhaite pas non plus aborder cette question pour l'heure. Néanmoins, la société délégataire a semblé prendre les devants. Récemment, elle a signé avec le Conseil de la ville un protocole d'accord le confirmant dans sa «mission» de gestionnaire délégué. Au bas mot, M'dina Bus aura le monopole d'exploitation du réseau du transport urbain. Cependant, une chose est sûre : c'est le nouveau conseil qui sortira des urnes qui validera le changement de tour de table de M'dina Bus qui est en cours.