Une ribambelle de projets. Des secteurs exploités inefficacement jusqu'à présent connaissent une nouvelle vie. Un fonds de financement, des zones industrielles, des stations touristiques, l'Oriental finira par faire de l'ombre à son voisin du Nord. Ce n'est pas sans surprise qu'à l'annonce de la signature d'un pacte d'actionnaires entre le fonds d'investissement de la région de l'Oriental et un opérateur de la contrée, les interrogations ont fusé sur une région considérée, jusqu'à ces dernières années, comme le «far west » du Maroc. Les actualités ne tarissent pas d'informations sur les projets d'infrastructures et d'investissement destinés à la région du nord du pays. Mais dans l'esprit des populations de l'Oriental, l'amalgame doit d'urgence être rectifié : «nous ne sommes pas dans le Nord mais dans l'Oriental !», apostrophent-ils à chaque confusion. Pour revenir à l'annonce, objet du débat, il s'agit de l'entreprise bien oujdie, Microchoix, opérant dans la commercialisation des produits informatiques et multimédias, qui reste une entreprise précurseur en matière de e-commerce. Elle compte également des points de vente implantés à Casablanca et dans d'autres villes du pays. C'est ainsi qu'au début du mois dernier, elle a pactisé avec ce fonds connu sous l'abréviation de FIRO : « le Fonds contribuera en termes aussi bien financiers que d'appuis stratégiques et organisationnels en vue d'accompagner la société Microchoix dans le cadre de son programme de croissance, axé tant sur l'extension de la plate-forme de distribution que sur le développement des métiers à forte valeur ajoutée», selon les termes même de la communication. Ce fonds d'investissement est doté d'une enveloppe budgétaire de l'ordre de 300 millions de DH. La moitié de la somme débloquée est réellement le résultat d'un partenariat public-privé. Tout le monde y participe, la Région de l'Oriental, le Fonds Hassan II, l'Agence de l'Oriental, la Banque Centrale Populaire, Attijariwafa bank, BMCE Bank, la Caisse de Dépôt et de Gestion, le Crédit Agricole et Holmarcom. De grands projets structurants Le fonds, ce ne sont pas seulement les partenariats avec des entreprises déjà existantes, il a aussi pour vocation d'assister les grands projets structurants de la région : l'autoroute Fès-Oujda, la voie ferroviaire entre Taourirt et Nador, la Rocade Méditerranéenne et les extensions des aéroports notamment celui d'Oujda. Et cela ne s'arrête pas là, puisque sa mission consiste par ailleurs à accompagner les infrastructures touristiques et industrielles. Se trouvent exclues de cette manne financière les activités portant sur le commerce et l'immobilier. L'originalité réside aussi dans la nature des investissements qu'il fournit. C'est ainsi qu'auprès du FIRO, il est indiqué que les investissements se font tant : «en fonds propres qu'en quasi-fonds propres ou encore en détention de participations assorties d'options de vente». En outre, il est précisé que «la fourchette de participation est comprise entre 10% et 35%». Le mode de gestion de ce fonds mérite que l'on s'y attarde. En effet, lancée depuis près de deux années, soit en mai 2007, la société gestionnaire a pour dénomination sociale Figorest, une société anonyme au capital de 2 millions de DH. Les dirigeants affirment que le bilan de l'an passé, soit celui de 2008, s'est soldé par un sentiment de satisfaction, puisque quatre comités d'investissement qui ont du statuer sur seize projets ont été tenus. Quant à l'année en cours, elle s'annonce sous les meilleurs auspices, comme en témoigne la signature du pacte d'actionnaires avec Microchoix. En revanche, pourquoi ne pas profiter d'une allocution du wali de la région en personne, Mohammed Brahimi, qui, à l'occasion de la présentation de la station Méditerranéen Saadia, a subjugué l'assistance par un exposé sur la région. D'emblée, il lance : «L'Oriental a longtemps eu du mal à vouloir s'adosser à l'Est. Mais en regardant de plus près, dans la pratique, la frontière a toujours été plus fermée qu'ouverte. D'ailleurs, l'ensemble de la région a mal. Elle est toujours aussi méconnue chez soi». Et d'ajouter que : « depuis quatre à cinq ans, toute tentative s'est heurtée à un voisin problématique». Cette introduction donne toute sa dimension à l'ampleur du laisser-aller qu'a connu la région, qui se distingue notamment par la jeunesse de sa population. « Le tournant sera marqué par le discours fondateur de Sa Majesté du 18 mai 2003. Le virage a été pris à 180°C », n'a-t-il pas manqué de souligner. En effet, on parle d'une région qui, durant des décennies, se caractérisait tout particulièrement par la faiblesse de son taux d'investissement. Question d'argent et de financement… De l'argent et du financement, il n'en venait que très rarement, à l'occasion de petites opérations ponctuelles. En effet, longtemps, le taux d'investissement ne correspondait qu'à 20% du PIB contre 22% à l'échelle nationale. Alors que depuis l'initiative royale et les grands projets d'infrastructure, la région occupe la tête du podium avec le taux le plus élevé du pays, affichant un taux de 32%. Et du potentiel, la région en possède. Tout d'abord, une position géostratégique, que la ville d'Oujda s'attache à capitaliser. « La ville d'Oujda est en train de se marqueter pour occuper la position de la Strasbourg du Maghreb», a-t-il précisé. Ensuite, le ton se fait plus critique. Brahimi reconnaît que: «la région connaît une économie qui repose sur des potentiels obsolètes: les cultures pastorales et des gisements miniers (voir encadré)». Mais la machine de la nouvelle économie est déjà en branle. Grâce au secteur du tourisme d'abord, et les 200 km de côtes qu'offre la mer Méditerranée. La parfaite illustration en est Méditerranée Saadia, avec ses 29.000 lits et ses 48.000 emplois. «Ce projet a eu un effet d'appel, quatre projets de même taille sont en lice. Ils s'étendent sur une superficie globale de 2500 hectares de stations à aménager», ajoute le wali de la région. Le tourisme n'y existe pas uniquement dans sa version balnéaire. D'autres niches sont à exploiter, comme les sites montagneux, les plaines ou encore les sites à intérêt archéologique. Sur le plan industriel, la déclinaison du plan Emergence concerne également la région. Comme le souligne la même source, l'étude réalisée par un groupe international sonne le début des pôles industriels qui devraient booster la région. Le pôle de développement industriel dans la région de l'Oriental, communément appelé Med Est, se présente comme une des principales locomotives de l'ensemble de la région. Selon les responsables de ce projet : «il doit, in fine, aboutir à la mise sur le marché d'une offre de foncier et d'immobilier aux meilleurs standards de qualité permettant d'offrir des capacités d'accueil compétitives aux activités industrielles et de services». Les choses ne s'arrêtent pas à ce niveau. La technopole d'Oujda se destine également aux métiers des énergies renouvelables et de la logistique. Avec la création de la zone franche dite intraportuaire de Selouane affectée à la filière port et logistique avec les deux parcs industriels de Madagh et Selouane. Ou encore le campus du savoir à Oujda, la seule université du pays dotée d'un budget alloué à la recherche. Mettre à niveau les potentiels déjà existants et soutenir un développement à la pointe de la technologie, tel est le défi que l'Oriental veut relever. Fiche technique • Superficie : 82.820 km2, 11,6% du territoire national • Population : 1 918 094 habitants, dont 57 % ont moins de 25 ans et 120.318 sont chercheurs d'emplois. • Découpage administratif : une préfecture Oujda-Angad et cinq provinces, Berkane, Nador, Taourirt, Jerada et Figuig. • Taux d'investissement : 32% du PIB • Investissement de développement : 70 milliards de DH depuis 2003 • Programmes d'infrastructures : - autoroute Fès-Oujda : 9 milliards de DH. -complexe maritimo-touristique Mar Chica à Nador : 13 milliards de DH. - Med Est : 25 milliards de DH. Fonds d'investissement de la région de l'Oriental (FIRO) : 300 millions de DH. Finalement, c'est quoi l'Oriental… ? Quelle est la cartographie de cette région qui représente à elle seule 11,6% du territoire national ? En délimiter les contours, c'est surtout en déterminer le potentiel économique et les actions menées sur le terrain. Le centre régional d'investissement de l'Oriental, qui possède également une antenne à Nador, s'est prêté au jeu. Avec ses 1.918.094 habitants et ses 82.820 km² de superficie, la région est « l'équivalent de la superficie de l'Autriche ou de la Corée du Sud». C'est pour donner un ordre de grandeur. Selon le découpage administratif, on se retrouve face à une préfecture, Oujda-Angad, et cinq provinces : Berkane, Nador, Taourirt, Jerada et Figuig. Elles se distinguent par la diversité des projets qui y sont lancés. Le chef-lieu de l'Oriental est incontestablement la ville d'Oujda. C'est la métropole qui abrite le pôle de formation universitaire et technologique. Quant à la province de Nador, elle bénéficie d'une importante façade méditerranéenne. Pôle industriel et touristique, elle l'est désormais en raison des zones industrielles et des stations touristiques qui sont en projet. Tous les indicateurs démontrent que la ville est l'une des plus dynamiques de la région. Les exemples ne manquent pas pour souligner sa place de leader, comme le sont le port de Beni Ansar ou encore le cimentier Sonasid. Et puis, il est toujours opportun de rappeler que Nador arrive juste derrière Casablanca sur le marché des capitaux, dans la mesure où elle est la deuxième place financière pour les dépôts bancaires. Vient ensuite la province de Berkane, qui se situe entre celles d'Oujda et de Nador. Le secteur agricole est le terrain de prédilection de celle ville, comprenant un certain nombre de centres dits satellites. Ce ne sont pas moins de 74.000 hectares de terres irriguées qui constituent l'arrière-pays. Par ailleurs, Berkane est destinée à devenir un pôle touristique balnéaire du bassin méditerranéen. Taourirt affiche pour sa part une capacité d'arboriculture de 8.865 hectares, dont 6.758 hectares destinés à l'olivier. Et le point fort de cette province est incontestablement sa réserve hydraulique, avec les trois grands barrages que sont Machraâ Hammadi, Mohammed V et Hassan II. Et bien entendu, la province de Jerrada, longtemps célèbre pour ses mines de charbon et la misère qu'a provoquée leur fermeture. Aujourd'hui, les images dignes d'une des meilleures reproductions de «Germinal» tendent à s'estomper. Jerrada reste dans la prospection minière, mais accueille désormais l'élevage des cheptels, notamment la filière ovine, avec une prédilection pour le tourisme rural et de chasse. Il ne faut pas omettre que la centrale thermique de Hassi-Blal et la fonderie de plomb de Zellidja sont également sur son territoire. Et enfin, la province de Figuig est située au fin fond de l'Oriental. Pour plus de précisions géographiques, sachez qu'elle se trouve sur la charnière du Haut Atlas oriental saharien. Les promoteurs de la destination présentent son oasis comme «le plus proche de l'Europe». Région qui compte en matière d'économie minière, car ses sols regorgent de plomb, de zinc et de Barityne. Par ailleurs, elle représente une plate-forme d'élevage et d'agriculture.