Peinture orientaliste au Maroc. Le musée de Banque AL-Maghrib de Rabat nous invite à l'appréciation de sa collection, « Itinérances, le Maroc vu par les peintres orientalistes ». Retour sur une thématique qui a tant fait débat dans l'histoire de l'art marocain. par Mohamed Ameskane Une telle exposition est inconcevable il y a quelques années ! Ses détracteurs évoqueraient l'apologie de « la peinture carte postale », « de l'imagerie colonialiste »...Après l'indépendance l'art de l'époque du protectorat, ainsi que sa littérature et son cinéma, sont bannis. Avec l'émergence de la peinture moderne, toute figuration fut considérée même comme suite et apologie de cet art! Il a fallu attendre les années 80 et surtout 90 pour que la peinture dite « orientaliste » soit « réhabilitée ». On assistait alors, au niveau international, au retour du goût oriental à travers les musiques ethniques, la littérature, la bande dessinée, la mode, l'éditions de beaux livres (ACR éditions)...Et les expositions. Nancy célèbre Majorelle via une rétrospective au musée des beaux-arts de la ville (2000), Langres Charles Jules Duvent, Le Maroc de Charles-Jules Duvent : un regard d'artiste entre orientalisme et idées coloniales, ( 1997) et le musée de la ville de Paris « les trésors du royaume » (1999)...Le débat figuration/abstraction devenant caduc et le marché qui redistribue les cartes. Les ventes aux enchères se multiplient et les musées du Golfe accueillent à bras ouverts une thématique chère aux pétrodollars. Aujourd'hui, il nous est possible, avec discernement, de jeter un nouveau regard sur un patrimoine rarement questionné par la recherche nationale. N'est-il pas temps d'interpeller le corpus et de le situer, à sa juste place et valeur, dans l'histoire de l'art marocain ? De là, l'importance de cette première grande exposition des artistes de la période coloniale. Apports et regards divers A part Delacroix et Alfred Dehodencq, la majorité des peintres dits orientalistes se sont installés ou visité nos contrées avec l'installation du protectorat. Le Maréchal Lyautey affecta les premiers aux services des beaux-arts, monuments historiques et antiquités. Ils se sont attachés à faire les relevés, à classifier et à nous rendre visible tout un patrimoine riche et varié. C'est grâce à eux que nous avions redécouvert, entre autres, les tombeaux saâdiens, emmurés par Moulay Ismail ! Rejoints par d'autres, ils créent en 1922 l'association des peintres et sculpteurs du Maroc. On lui doit une infinité d'initiatives dont des expositions, à l'instar de celle de la galerie Georges Petit à Paris en 1922, «le Maroc vu par les artistes contemporains». Des artistes dont la palette, les techniques et les regards sont divers. On a les peintres géographes, les adeptes des Kasbahs et ceux des ruelles des médinas. Nous sommes en période coloniale, la vision, dans son ensemble, égocentrique reflétant l'air du temps du moment avec ses préjugés et stéréotypes , « la féerie des contrées » et « le pittoresque des êtres ». Un orientalisme marocain rénové qui travaille sur le motif, très loin des rêveries et autres turqueries des odalisques des harems imaginaires. Du lot se dégagent des expériences aux style originale et moderne. N'oublions pas aussi que c'est grâce à ces artistes que des marocains musulmans s'enhardissent à la peinture de chevalet, ce qui n'est pas rien ! Dans l'attente d'un répertoire exhaustif de ces œuvres, de recherches pointues sur le sujet, admirons « le trésor de la banque », une collection de pas moins de plus de 60 toiles, avec des noms des plus emblématiques dont Benjamin Constant, Jacques Majorelle, José Navarro , Raoul Dufy, Marcelle Ackein, Etienne Dinet, Henry Pontoy, Edouard Eddy-Legrand, Jose Cruz Herrera, Charles Camoin et Albert Marquet. Musée de Bank AL-Maghrib, Rabat Du 08 mai au 15 novembre 2014