Les mises en chantier ont reculé de moitié durant les trois premiers mois de l'année 2014. Il ne s'agit pas d'une bonne nouvelle, mais cela pourrait marquer le début d'un changement dans le secteur immobilier. Car, beaucoup d'observateurs attendent cette fameuse baisse des prix qui pourrait enfin relancer le secteur. Beaucoup d'observateurs s'attendent à une baisse des réalisations du secteur de l'immobilier en 2014. Les chiffres rendus publics par la Fédération nationale de la promotion immobilière semblent même dépasser les chiffres des hypothèses les plus pessimistes. Durant le premier trimestre 2014, les autorisations de construire n'ont été que de 14.425 en nombre, soit moitié moins que l'année dernière pour la même période. En effet, durant le premier trimestre 2013, quelque 24.821 autorisations avaient été délivrées sur tout le Maroc. Evidemment, les mises en chantier vont dans le même sens de la baisse. Puisque les mises en chantier entre début janvier et fin mars 2014 ne portent que sur 11.667 logements, soit 51% de moins qu'en 2013 pour la même période qui avait vu le démarrage de la construction de plus de 24.000 unités. Pourtant, cette situation ne semble surprendre que très peu de professionnels ou d'analystes. En effet, beaucoup vivaient déjà cette situation que viennent mettre à nu les chiffres du secteur. «Nous n'avons jamais connu un début d'année aussi hésitant depuis plusieurs années», explique Abdessalam Benabdrezzak, d'AB & Contractors (AB&C). Cette entreprise, tout corps d'état, dans le secteur de la construction dépend essentiellement des mises en chantiers, notamment des promoteurs immobiliers. Son directeur général estime que le carnet de commandes de son entreprise est moitié moins rempli que l'année dernière à fin juin. Toujours selon lui, la tendance entre avril et juin ne s'est que très peu améliorée, ce qui laisse penser que l'on devrait avoir la même baisse au premier semestre que durant les trois premiers mois de l'année. L'année dernière, son entreprise employait jusqu'à 23 personnes dont une dizaine de permanents. Mais, aujourd'hui, ils sont 7 personnes de moins dont 8 permanents seulement et 8 temporaires. Et les temporaires bénéficient chacun de moins de temps de travail depuis le début de l'année. C'est dire que tout le monde le ressent. Et son entreprise n'est pas un cas isolé dans le secteur de la construction où l'on constate un impact négatif de cette tendance à la baisse. Chez les architectes, le constat est le même. «Nous sommes présents, tout au long du processus de construction de logements», explique un architecte de Casablanca qui préfère garder l'anonymat. «Par conséquent, une baisse des autorisations de construire et des mise en chantier, correspond arithmétiquement à un repli de notre activité», souligne-t-il. «Dans la profession, nous commençons réellement à subir ce contexte difficile. Et s'il n'y a pas de reprise dans les prochains mois, il pourrait y avoir beaucoup de casse», ajoute-t-il. Actuellement, dans le secteur, deux questions essentielles se posent. La première, est de savoir ce qui explique une telle baisse. Et la seconde, cherche surtout à savoir quand peut-on entrevoir une reprise. Et pour ce qui est de la première question, les protagonistes, notamment les clients, les promoteurs immobiliers, mais également les banques, se renvoient la balle. Pour les clients, les prix sont bien trop élevés, notamment dans les grandes villes comme Casablanca et Rabat qui n'ont pas réellement connu de baisse. Ce qui n'est pas le cas Marrakech ou de Tanger. Mais pour des promoteurs immobiliers qui ont été entrainés dans la hausse des prix suscitée par la spéculation foncière, il est difficile de vendre à perte. Car, faut-il le rappeler, les prix des terrains à Casablanca entre 2005 et 2009 ont connu une hausse fulgurante et les promoteurs immobiliers ne pouvaient que suivre, afin de satisfaire une demande forte. Le problème, c'est la production entre 2012 et maintenant, a de plus en plus de mal à s'écouler, parce qu'à côté des prix jugés élevés, les banquiers ne veulent plus trop s'engager. En effet, le secteur bancaire, dans son ensemble, accumule des impayés et le secteur de l'immobilier cumule un encours non négligeable. Toute clientèle confondue, les créances en souffrance ont atteint 47,31 milliards de dirhams à fin mai 2014 contre 37 milliards une année auparavant, dont 25,4 milliards pour les sociétés non financières privées et 21,29 milliards d'impayés pour les ménages. Dans un cas comme dans un autre, la part de l'immobilier est assez significative. C'est ce qui explique que les banques se montrent réticentes pour accorder de nouveaux crédits à l'habitat ou aux promoteurs immobiliers. Par conséquent, le système s'est presque enrayé et la machine aura du mal à repartir, tant que les banques se montreront réticentes à financer. Parce que sans financement bancaire des ménages, il sera difficile pour les promoteurs immobiliers d'écouler les stocks de logements. Et sans écoulement des stocks, il sera difficile de rembourser les crédits en cours et de contracter de nouveau crédits. Au final, ce sont les mis en chantiers qui en souffriront. On est peut-être au début d'un véritable changement qui pourrait marquer un tournant dans le secteur de l'immobilier. Car si cette situation perdure, les banquiers ne pourront plus faire ce qu'ils ont fait jusqu'ici. «C'est-à-dire soutenir continuellement le secteur de la promotion immobilière, en autorisant notamment le rééchelonnement sans fin des crédits pourtant sur des programmes immobiliers qui ont du mal à s'écouler», affirme un responsable de la division risque d'une grande banque de la place. Certes, certains grands groupes sont des partenaires stratégiques du secteur bancaire tout entier. Il n'est donc pas question de les mettre en difficulté. Mais, «les promoteurs ne peuvent pas repousser éternellement le remboursement des crédits, puisque les intérêts qui s'y ajoutent ne seront jamais compensés par une hausse des prix des logements», explique le même banquier. En effet, dans l'activité de promotion immobilière, quand un bien est en stock, le promoteur immobilier a intérêt à ce que le taux de croissance des prix soit supérieur au taux d'intérêt. Si ce n'est pas le cas, il finira par se retrouver avec des marges négatives.