A travers Casablanca, le Maroc veut devenir la capitale du shopping dans la région. Des méga-projets de shopping malls sont programmés, le long de la Corniche, tandis que d'autres sont prévus à Marrakech ou à Tanger. On veut ressembler aux villes du Moyen-Orient. Mais y arrivera-t-on ? D'abord, nous n'avons pas le même pouvoir d'achat par tête d'habitant pour assurer un trafic dense. Ensuite, nous n'avons pas encore la culture des malls... Jusqu'à présent, les « kissariates» font plutôt office de malls. Leurs promoteurs se contentent de construire des murs pour les revendre à des enseignes. Or, ce n'est pas du tout le concept ni l'esprit d'un mall. Comme son nom l'indique, c'est un lieu qui doit respirer l'animation. Les magasins ne représentent qu'un des morceaux du puzzle. La restauration, les espaces de jeux, les supermarchés et l'organisation de manifestations à thèmes en sont les autres pièces. Au bas mot, la réussite de ces projets de grands centres commerciaux de nouvelle génération dépend de plusieurs critères, dont celui de l'implantation d'une enseigne locomotive au sein du mall. C'est à se demander si les promoteurs de ces temples du commerce moderne sont dans cette optique. Et avec la crise qui affecte le monde entier, réussiront-ils à remplir leurs centres, situés parfois à proximité les uns des autres ? Chacun devra se positionner sur un créneau particulier. Zoom sur un business qui prend forme. Bataille annoncée sur le nouveau marché des shopping malls. La côte de Casablanca (Corniche) à elle seule comprendra plus de 500.000 m2 de surfaces, qui seront mis sur le marché d'ici 2011, deux fois et demie la capacité actuelle d'espaces modernes dans la capitale économique. C'est à se demander comment ces promoteurs vont remplir leurs malls, et par ricochet rentabiliser leurs investissements. «Si on met en rapport la courbe des m2 créés chaque année et la courbe de la consommation des Marocains, notamment des Casablancais, on constate qu'on crée actuellement plus de m2 que nécessaire. Un m2 est ouvert aujourd'hui aux dépens d'un m2 déjà existant», prévient un expert en marketing. Aussi, certains opérateurs risquent d'y laisser des plumes. Pourtant, le filon a très tôt fait l'objet de toutes les convoitises de la part des investisseurs. Avant même que la course au recrutement des enseignes ne soit lancée, les opérateurs de ces centres se sont livrés une guerre de positionnement, comme sur la corniche de Casablanca, où cinq opérateurs ont tenu vents et marées à s'installer. Parmi eux, Othman Benjelloun n'a pas hésité à miser gros pour s'adjuger le terrain qui abritera son projet baptisé Casa Mall devant l'autre prétendant du site, Salwa Idrissi Akhannouch. Mais, cela n'a été que partie remise pour la patronne du groupe Aksal, qui n'a pas lésiné sur les moyens pour dénicher, à quelques encablures seulement du projet de Benjelloun, un terrain de près de 200.000 m2 pour y ériger le Morocco Mall, le plus grand mall d'Afrique du Nord, avec le groupe du Saoudien Emad Eldin Abdallah, Nesk Investment. D'ores et déjà, les premiers signes de la bataille entre ces deux malls sont apparus. Si tous les deux ont opté pour la location, le Morocco Mall exige pour sa part un droit de jouissance de près de 55.000 DH. « Ce sont là les prémices d'une guerre sur les prix », constate l'expert en marketing. Label'Vie capitalise sur ses supers et hypermarchés Autre symbole de cette guerre de positionnement avant l'heure, la présence du mall de la Marina de Casablanca. La Compagnie Générale Immobilière (CGI), filiale de la Caisse de Dépôt et de Gestion (CDG), a eu l'agréable surprise de voir pas moins de 13 candidats manifester leur intérêt pour la gestion de son centre commercial de nouvelle génération. Parmi eux, l'on peut citer des groupes comme Aksal, Label'Vie, Actif Invest ou encore Chanel. Les soumissionnaires ont présenté un plan de gestion et d'animation. Cinq puis trois d'entre eux ont été retenus, avant que la CGI trouve l'offre de la filiale de BMCE Capital plus attrayante. À la filiale de la CDG, on garde jalousement les noms des candidats arrivés en deuxième et troisième position. « Les négociations avec Actif Invest sont en cours et devraient être bouclées sous peu », précise M'hammed El Merini, directeur du pôle tertiaire et membre du directoire de la CGI. Mais à en croire les bruits du marché, il s'agit de Label'Vie et d'un groupe international. Actif Invest, elle, a mobilisé les grands moyens pour s'adjuger le marché. « Elle s'est engagée à amener des enseignes bien déterminées, ce qui est un atout de taille pour le succès d'un tel type de projet. Cela a pesé lourd dans notre choix », affirme El Merini. Actif Invest multiplie les prises de participations dans les franchises comme Mobilia ou encore Celio. Elle a d'autres opérations en vue. Cet argument lui a d'ailleurs beaucoup servi dans la course pour la gestion du mall de la marina de Casablanca. Concrètement, c'est tout un package que la CGI est alors en train de vendre à Actif Invest, qui devrait construire puis gérer ce mall de la marina de Casablanca. Si les négociations finales aboutissent, la filiale de BMCE Capital devrait démarrer les travaux avant la fin de l'année. Dans cette fièvre des malls, d'autres hommes d'affaires font leur baptême de feu. C'est le cas de Mohamed Bensalah qui, à travers son groupe Holmarcom, «mijote» son mall, qui sera mitoyen du site de l'enseigne Monsieur Bricolage. Le groupe Le Tangérois n'est pas en reste avec son complexe du côté de Bouskoura. Ces différents acteurs, qui se lancent dans ce nouveau créneau, n'en sont pourtant pas les pionniers. Certains opérateurs ont découvert le filon depuis plusieurs années et précédé la tendance, à l'instar d'un Zouhair Bennani, président des centres commerciaux Label'Vie. Il a été le premier à ne pas vendre les espaces commerciaux, mais plutôt à les louer. Sa locomotive à lui, c'est d'avoir intégré son supermarché Label'Vie au sein de ses centres commerciaux, un concept finement étudié, puisqu'il permet d'attirer une clientèle dite primaire. La bonne affaire. Et c'est ainsi que le patron de Label'Vie a décidé de mettre le cap sur la ville de Marrakech -dans le quartier de l'Agdal- pour lancer son nouveau mall, dont l'ouverture est prévue à l'automne prochain. Le terrain a été acquis auprès de la CDG pour 400 millions de DH. Pour ce projet baptisé Al Mazar, Zouhair Bennani s'est allié, à travers sa filiale immobilière (Best Real Estate), qui détient 40 % des actions, avec FCEC (la branche immobilière du groupe de Moulay Hafid Elalamy) et la société française Henry Hermand Développement, qui se partagent les 60 % restants. Le choix de Marrakech n'est pas fortuit. C'est la première destination touristique, avec 1 million d'habitants, dont 4.000 résidents étrangers et trois millions d'habitants au niveau de toute la région de Marrakech-Tensift-Al Haouz. Les promoteurs du projet tablent sur une centaine de franchises. Et là encore, Zouhair Bennani a misé sur deux locomotives pour dynamiser son mall: l'hypermarché Label'Vie de 5.000 m2 pour allier l'utile à l'agréable et Virgin Megastore, pour l'offre en matière de loisirs. « Un mall est un actif immobilier qui doit répondre à un certain nombre de critères. Il est avant tout un espace de location. Le flux de commercialisation doit être réfléchi et adossé à une grande surface alimentaire accessible de l'intérieur du mall », explique cet expert d'un cabinet conseil qui revendique plusieurs clients dans le secteur. Best Real Estate prévoit alors de créer trois malls à Tanger, Fès et Casablanca. Dans ces deux dernières villes, le groupe a déjà bouclé les études. Au vu de tout ce qui se passe, Marjane Holding a voulu lui aussi se faire une place sur ce marché en effervescence. Pour se développer davantage, il a opté pour la construction de malls commerciaux proposant une offre d'immobilier commercial adaptée aux exigences des franchiseurs en termes d'achalandage, d'implantation géographique et d'aménagements. La filiale de grande distribution de l'ONA a déjà dans le pipe la création de trois malls commerciaux à Rabat, Casablanca et Fès. Celui de la capitale administrative est en chantier à travers l'extension de Marjane Hay Riad. Les deux autres seront lancés d'ici la fin de l'année. Ces shopping malls s'étendront sur des superficies de plus de 20.000 m2. Avec leurs ambitieux business plans, les opérateurs de la grande distribution deviendront bientôt les leaders du secteur des malls commerciaux comme c'est le cas en France. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls dans la course. Le groupe émirati, promoteur du Mega Mall de Rabat, opérationnel depuis 2005, et dont 40 enseignes internationales se sont arrachées les places, veut lui aussi continuer sur sa lancée. Comme pour montrer qu'il n'est pas venu pour faire un seul coup, il est sur un projet similaire à Tanger. La capitale du Détroit s'apprête également à accueillir le projet du promoteur du Benomar Center de Casablanca. Baptisé Seven Star Center, ce mall sera réalisé en partenariat avec un investisseur australien. De gros bonnets étrangers veulent leurs malls Un autre investisseur étranger a jeté son dévolu sur les malls commerciaux. Le nom du promoteur est à lui seul un symbole du nouveau luxe de Marrakech : Simon-Xavier Guerrand-Hermès, vice-président de la célèbre maison du Faubourg Saint-Honoré et propriétaire d'un des plus beaux riads de la ville ocre. Il s'est associé avec Actif Invest pour réaliser le Carré Eden pour un investissement global de 500 millions de DH, sans compter le prix d'achat du terrain (9.170 DH le m2). Rappelons que ce projet a remporté les suffrages lors de l'appel d'offres de juillet 2006. Une fois opérationnel fin 2009, Carré Eden entrera en concurrence avec le centre commercial Marrakech Plaza, dont le promoteur est Armand Azeroual. Sur ce registre des investisseurs étrangers, le projet Anfa Place de l'Espagnol Manuel Jove Capellan sur la corniche de Casablanca ne passe pas non plus inaperçu. L'ex-patron de Fadesa, qui a fondé sa société d'investissement Inveravante en 2007, a misé gros sur ce projet, qui amorce actuellement sa deuxième phase de commercialisation. Et ce n'est pas tout. Signe des temps : il y a deux ans, les premiers fonds d'investissement, spécialement dédiés à l'immobilier commercial, émergeaient. C'est le cas de la banque allemande, qui a monté un fonds d'investissement de 100 millions d'euros (1,12 milliard de DH) dédié au Maroc. Son pôle gestion d'actifs, Reef Real Estate, a conclu avec l'Office national des chemins de fer (ONCF) un contrat pour investir dans la rénovation de la gare de Casa Port. La banque allemande investira plus de 100 millions de DH, soit près du tiers de l'enveloppe globale nécessaire à la rénovation de la gare. Ce fonds compte rentabiliser son investissement en deux phases. La rentabilité locative des espaces construits sera stabilisée, en quelques années, avec l'objectif d'atteindre un taux d'occupation élevé. Ensuite, le bien, propriété de la société dédiée Ardim Casa Port I, sera cédé à des investisseurs désireux de diversifier leurs placements.Comment expliquer l'engouement pour ce genre de méga projets ? Les freins au développement de la franchise au Maroc, notamment la cherté du foncier et le financement, sont exploités par les promoteurs des malls comme une opportunité d'investissement. Le concept avait mal démarré Pour preuve, les grands groupes détenteurs d'enseignes ont fini par comprendre qu'il fallait répondre à ces besoins. Et même les échecs essuyés au départ par certains acteurs, qui avaient semblé refroidir plus d'un investisseur, n'ont plus d'impact sur cette fièvre des malls, qui se propage comme une traînée de poudre parmi les hommes d'affaires. Pourtant, il y a un peu plus d'une dizaine d'années, le constat était amer : malgré une forte demande, les quelques opérations dédiées, à l'instar des galeries commerciales Romandie II ou l'Espace Porte d'Anfa, furent des échecs patents. « Beaucoup de promoteurs ont créé des opérations de toutes pièces, simplement parce qu'ils disposaient de terrains. Ils n'ont pas écouté le marché et ont lancé des cellules commerciales qu'ils ont voulu commercialiser. Mais quand on n'écoute pas les acteurs d'un marché, on n'a aucune chance de réussir son projet », tente d'expliquer un promoteur de shopping mall. Même les Twin Center n'échappent pas aux critiques. Certains considèrent le projet comme un échec, au vu de ces nombreux magasins fermés, sans exploitation aucune, qui donnent une image très peu reluisante du centre et gâchent les visites des clients. «Comment peut-on mettre côte à côte des enseignes prestigieuses et des boutiques qui n'ont même pas leur place dans les kissariates. Et puis, quand on vend les locaux aux enseignes, on dit adieu à la cohérence commerciale. Toutefois, il faut reconnaître que ce projet est structurant. Il a transféré le centre ville au Maârif, attirant dans la foulée les grandes enseignes sur le Bd Massira», ironise un expert en conseil marketing. Aujourd'hui, tout cela a poussé les nouveaux opérateurs du secteur à réfléchir de façon approfondie aux attentes des consommateurs, et également à la structure de la galerie commerçante. Plus question pour les adeptes des malls de vendre les espaces commerciaux, mais plutôt de les louer. «C'est avant tout un espace de location. Le flux de commercialisation doit être réfléchi et adossé à une locomotive, comme une grande surface alimentaire accessible de l'intérieur du mall, comme c'est le cas le plus souvent. Enfin, chaque centre commercial a un règlement intérieur strict qui impose des horaires d'ouverture et d'achalandage des boutiques entre autres», précise cet autre expert marketing. Pour autant, les investissements en cours ne sont pas sans risque. Il faudra à ces investisseurs batailler dur pour se positionner. L'impératif d'un positionnement différent Cela devra être le cas à Casablanca par exemple, où plusieurs malls vont être construits, notamment le long de la corniche, pas très loin les uns des autres. Ces emplacements suscitent des interrogations. Pour quelles raisons un promoteur cherche-t-il à s'installer près de son concurrent ? Va-t-il en tirer profit ou en pâtir ? Comment recruter le plus d'enseignes possibles alors que le voisin cherchera à en faire de même ? Les réponses sont mitigées. La proximité est, de l'avis d'un consultant, un facteur de succès : « il n'y a qu'à voir le modèle européen». Au Maroc, la densité commerciale est tellement faible que les problèmes liés à la proximité ne devraient pas tant se poser. Les uns et les autres devraient plutôt en bénéficier, puisque le trafic sera augmenté. Mais tout est possible à certaines conditions. Il est primordial que les malls qui se construisent aient chacun un positionnement différent. Un consultant pense notamment que la présence d'un supermarché dans un mall est importante. « Elle permettra de fidéliser les clients et de les pousser à venir consommer chaque semaine». Cette différenciation permettra à un mall de se démarquer de l'autre. C'est ce qui se produit par exemple dans les malls du Moyen-Orient. On y trouve quasiment les mêmes enseignes, même s'ils sont mitoyens, mais chacun développe son propre caractère et son propre thème. « Un mall ne comprenant que des magasins ne rapporte pas grand-chose. Ce sont les petits plus lancés autour qui font son attrait », commente un franchisé. Et les exemples à ce sujet ne manquent pas. Un centre pourrait se concentrer sur le développement des espaces de jeux, l'autre sur la diversité de la restauration… Les malls qui se trouvent en bordure de mer pourraient aussi développer des concepts dédiés à la mer. Des problèmes dans le recrutement des enseignes ? Gaby Tayoun, Chairman & CEO de Europtima Conseil, partage parfaitement cet avis. Selon lui, le problème n'est finalement pas tant le nombre de malls que leur emplacement. « Une des solutions pour ces malls serait d'adopter des thématiques différentes pour que chacun ait un positionnement qui lui soit propre. Dans cette optique-là, l'architecture du mall peut également être un élément de différenciation. D'ailleurs, pour en revenir au choix des enseignes, l'un des critères clés repose sur l'emplacement du magasin», explique t-il. Dans le cas précis de la corniche de Casablanca, les négociations risquent d'être tout simplement très rudes, vu justement le nombre de malls présents sur un même périmètre. Le pouvoir de négociation des enseignes va être très important. Il semble par ailleurs que la mission de « recrutement » des enseignes qui peupleront ces malls ne s'avère pas si compliquée. Les promoteurs qui se sont lancés dans ce genre de projets n'ont pas vraiment rencontré de problèmes pour les convaincre. D'abord, parce que certains bénéficient déjà de leur propre réseau de marques (cas du groupe Aksal, Nesk…). De fait, une grande partie de ces malls devront les accueillir. Ensuite, parce que dans la conjoncture actuelle, les promoteurs des malls n'ont pas vraiment à convaincre les marques de venir s'installer au Maroc. « La crise a affecté un certain nombre d'entre elles. Elle ne peuvent pas actuellement se permettre de rejeter des propositions à même de faire fructifier leur business », confie Khadija Mekouar, de l'Observatoire de la franchise. Et de poursuivre : « on retrouve souvent les mêmes enseignes et on les redéploie sur l'ensemble des centres. Maintenant, le challenge est de recruter d'enseignes qui ne sont pas encore installées ». En fait, il est important de comprendre à ce niveau que chaque enseigne a sa propre philosophie, surtout en termes de positionnement. Certaines enseignes ne voient pas d'inconvénient à installer leur marque dans deux centres situés à proximité l'un de l'autre. Tandis que d'autres seront plus regardantes sur l'emplacement des franchises, pour garantir un minimum de business aux franchisés. Avec la crise mondiale qui affecte l'ensemble des secteurs, tout ceci est-il encore valable ? Le « recrutement » d'enseignes ne sera-t-il pas affecté pour autant? La réponse dépendra de la logique de chaque marque. Celles qui ont l'habitude de s'installer en propre dans un pays ont très peu de chance, en ce moment, de venir s'installer au Maroc. Elles devront d'abord consolider leur business avant de songer s'étendre davantage. Par contre, si elles adoptent le concept de la franchise, elles ne devraient pas voir d'inconvénient à déléguer la gestion à des franchisés qui s'occuperont eux-mêmes d'acheter ou de louer le local, recruter les employés… Pour Gaby Tayoun, du fait de la conjoncture actuelle, certaines enseignes ne seront pas pressées de multiplier les ouvertures, et préfèreront peut-être différer les dates d'ouverture dans le temps, à un horizon de deux ou trois ans voire plus, pour avoir davantage de visibilité. « D'ailleurs, le challenge pour ces malls n'est pas seulement d'obtenir des lettres d'intentions ou même des contrats fermes de la part des enseignes pour garantir un bon taux d'occupation à l'ouverture. Il s'agit d'avoir les bonnes enseignes, car avec la crise, un certain nombre d'entre elles passeront forcément à la trappe. Du fait de la crise aussi, certaines marques privilégieront des dates d'ouvertures à très court terme, car justement, elles estiment pouvoir compenser la perte de chiffre en Europe par des implantations dans des pays comme le Maroc », reconnaît-il. En définitive, un shopping mall est un véritable puzzle. Son succès dépendra du bon dosage entre le timing choisi pour lancer la construction, celui pour lancer l'offre de commercialisation et celui de l'ouverture effective. Tout compte fait, les promoteurs qui détiennent leurs propres enseignes et des locomotives dignes de ce nom ne devraient pas à priori rencontrer de difficultés. Ce n'est pas un hasard si les autres marques du groupe Aksal, comme Oysho, Bershka ou Pull&Bear, seront bien présentes au « Morocco Mall », à travers sa filiale Inditex (qu'il représente à travers Zara, Zara Home, Massimo Dutti). Mieux encore, Salwa Akhannouch n'a pas hésité à miser gros pour décrocher la franchise Galeries Lafayette. Pour la plupart des observateurs, c'est un « super coup » que les promoteurs du projet ont réalisé. En ramenant ce groupe-là, ils garantissent la présence d'un mastodonte qui constituera une sorte de locomotive pour le complexe. Un avis qu'un expert ne partage pas pour autant. Pour lui, les patrons du « Morocco Mall » ont eu tort de ramener Les Galeries Lafayette, parce qu'à elles seules, elles ont déjà à leur actif une multitude de marques. « C'est ce qui réduira le nombre de franchises à ramener », poursuit-il. Il n'y a plus qu'à attendre l'ouverture du mall pour en juger. Un nouveau mode de consommation Morocco Mall, Casa Mall, Anfa Place, Marina de Casablanca, Al Mazar, Medina Mall, Carré Eden, Marrakech Plazza, Seven Star Center… Voilà des noms qui seront bientôt familiers des Marocains des grandes villes, férus de shopping. Les promoteurs de ces grands centres commerciaux de nouvelle génération ont tous fait le pari de faire entrer le Maroc dans la société de consommation. Qu'est-ce qui attire ces investisseurs dans le secteur ? L'émergence d'un nouveau consommateur marocain est pour beaucoup dans cette offensive des promoteurs de malls, convaincus par le nouveau mode de consommation des Marocains, porteur de toute une évolution, entamée voici une décennie. En effet, le Royaume connaît depuis un essor de la consommation du à l'accélération de la croissance de la population des villes. Le taux d'urbanisation est estimé à 55 %. Il devrait atteindre 62% à l'horizon 2010. Cette croissance associée à l'évolution des habitudes de consommation permet l'expansion des réseaux de franchise vers les villes moyennes du Royaume. De plus, grâce à son système libéral et stable, le pays regorge d'atouts économiques, géographiques, politiques et culturels majeurs qui favorisent l'investissement et particulièrement dans le secteur de la franchise. En effet, la destination se distingue par sa position géographique et son rapprochement culturel, qui lui assure une proximité avec plusieurs marchés, notamment l'Europe et l'Afrique. Ceci facilite l'adaptation des concepts étrangers dans la région et offre une meilleure maîtrise des délais de livraison. Le régime douanier au Maroc constitue également un avantage très attractif, du fait du démantèlement tarifaire progressif et de la suppression des prix de référence dans le cadre des accords de libre-échange avec l'Union Européenne, la Turquie, les pays arabes et les Etats-Unis d'Amérique. D'ailleurs, le développement de la franchise au Maroc n'a réellement débuté qu'au troisième trimestre 2001, après la suppression des tarifs de référence (tarifs douaniers). À l'époque, le Maroc ne faisait pas partie des pays ciblés par les franchises. Ce sont de jeunes entrepreneurs marocains qui ont convaincu les enseignes de s'y implanter. Par la suite, et surtout depuis trois ans, de nombreuses enseignes ont commencé à regarder le Royaume comme un pays où il ferait bon s'implanter. Pour de nombreuses enseignes, la présence de groupes concurrents est une raison suffisante pour regarder un marché. La présence de mastodontes comme Monsieur Bricolage, Mango ou Zara témoigne de l'attrait du Maroc. D'un autre côté, le gouvernement oeuvre pour la protection de l'investisseur à travers la création de tribunaux de commerce, l'adoption d'un régime permettant le libre transfert des capitaux et la signature de conventions évitant la double imposition avec 26 pays. w Les facteurs-clés de succès d'un shopping mall «Le business des centres commerciaux est une science exacte. Pour qu'un mall rencontre le succès escompté, et surtout qu'il soit rentable, il ne doit pas cumuler plus de trois erreurs», commence par expliquer Badr El Yacoubi, directeur général de Propety Solutions, qui opère dans les principaux métiers de l'immobilier( Consulting, Facility & Property management, Brokerage). En effet, les facteurs clés de réussite d'un mall sont nombreux. D'abord, il ne faut pas que ces malls soient conçus comme des projets immobiliers. Les locaux commerciaux situés généralement en rez-de-chaussée ne doivent pas être considérés comme des «chutes» de projets immobiliers, dont on est bien content de se débarrasser en les vendant. C'est d'ailleurs la principale raison qui explique l'échec des différentes tentatives de création de malls, comme le Twin Center, l'Espace Porte d'Anfa ou encore plus récemment le Ghandi Mall à Casablanca. «Il ne faut jamais vendre les murs pour qu'un mall fonctionne, car autrement, on ne maîtrise pas l'activité qu'abritera chaque commerce, ni la répartition géographique des différentes activités», souligne Badr El Yacoubi. Or, un mall doit véhiculer une certaine cohérence et une unité. Par exemple, chaque niveau du mall doit comporter impérativement une locomotive (hypermarché, grande surface multimédia, …), afin que le client potentiel visite les enseignes situées à chaque niveau du mall. D'ailleurs, la grille tarifaire proposée aux locomotives est généralement bien inférieure à celle dédiée aux enseignes occupant de petites surfaces. Autre facteur déterminant pour la réussite d'un mall, la zone de chalandise. «On ne doit jamais mettre plus de 20 minutes pour se rendre dans un mall. D'autant plus que si plusieurs malls se trouvent dans une même zone de chalandise, ils doivent veiller à ce que la somme de leur chiffre d'affaires prévisionnel ne dépasse pas le chiffre d'affaires potentiel de la zone», insiste Badr El Yacoubi. D'ailleurs, les enseignes décident de s'installer dans un mall plutôt que dans un autre en se basant principalement sur le taux d'effort qu'elles souhaitent consentir. «Le taux d'effort représente la part du loyer par rapport au chiffre d'affaires escompté. Il est variable en fonction de l'activité de chaque enseigne. Par exemple, dans le secteur du luxe où les marges sont plus importantes, les enseignes ont un taux d'effort qui se situe entre 12% et 15%. Alors que dans l'agroalimentaire, il varie entre 4 et 5%», explique Badr El Yacoubi.