Trois principales enseignes se disputent un marché du bricolage assez structuré. Deux sont des franchises étrangères et l'une marocaine. Elles font face à des consommateurs non-bricoleurs ayant des attentes fortes en termes de rapport qualité-prix. Si dernièrement, une étude portant sur les critères de choix des enseignes par les consommateurs français révèle qu'ils privilégient le prix juste, son affichage, la propreté et la courtoisie ; le consommateur marocain quant à lui est encore à la recherche du basique rapport qualité/prix. Cette tendance s'accentue davantage lorsque les enseignes en question concernent celles du bricolage, présentant des offres aussi diversifiées que la quincaillerie, la décoration, l'outillage, la menuiserie, le sanitaire, l'électricité et le jardinage… Les nationaux s'y perdent. «C'est ce qui explique le retard que nous avons enregistré dans le développement de notre enseigne. Nous avons du nous mettre à niveau en termes d'attentes de la clientèle», témoigne à ce propos Magid Benjelloun, administrateur de Mr Bricolage. Si l'on peut aisément considérer de telles rectifications comme les résultantes d'erreurs stratégiques, les choses ne sont pas aussi simples. Implanter une enseigne étrangère, dans le respect des normes fixées par la convention de franchise, et obtenir des résultats dans l'immédiat, ne relève pas seulement de la performance de l'enseigne à l'étranger. Encore une fois, «l'exception marocaine» est soulignée. Les étrangers dans le haut de gamme Les explications de Magid Benjelloun apportent davantage d'éclaircissements. «Au départ, nous avons fait du copier-coller avec la France, mais nous nous sommes rapidement rendus compte que nous devions rectifier le tir», confie-t-il. Et c'est ainsi que la gamme a été revue en profondeur. Preuve en est l'ouverture depuis juin dernier d'un Mr Bricolage sur une surface de près de 2.200 mètres carrés à Marrakech. De même source, on souligne que «nous avons procédé à des réglages et nous nous sommes adaptés pour plus de performance». Un autre opérateur ayant développé une enseigne similaire et investi le marché, la même année que le précédent, soit en 2005, est Mohamed El Manjra sous l'enseigne Weldom. Ce dernier n'en était pas à ses débuts dans le monde rigoureux de la franchise, car il est à l'origine de l'implantation de l'enseigne de jouets Maxi Toys. A quelques semaine du lancement de la première surface Weldom, il avait déclaré en substance que «les enseignes étrangères se positionnent trop souvent dans le haut de gamme. Il faut au contraire encourager les gens à consommer. Il est impératif de s'adresser à une population plus large, de présenter des offres complètes pour satisfaire plus de gens. C'est à ce prix que l'implantation de la franchise sera une réussite». Relancés en vain par Challenge Hebdo, à l'heure où nous mettons sous presse, les réponses des responsables de Weldom ne nous sont toujours pas parvenues. C'est bien dommage, car avec Mr. Bricolage, elles représentent à elles deux, les seuls enseignes de franchises étrangères opérant au Maroc. Quant à la dernière franchise, qui fait également l'actualité de cette mi-janvier, avec l'ouverture d'un magasin de 3.800 mètres carrés à Casablanca, après Rabat en 2004 et Agadir en 2007, c'est Bricoma, enseigne marocaine fondée par Mohamed Chahad. La famille Chahad a depuis 1974 investi ce créneau, à travers le rachat des établissements Louis Guillaud. C'est ce qui fait dire à Mohamed Chahad, interrogé sur le concept de son enseigne, que «Bricoma représente une continuité logique de mon activité. Depuis le rachat des établissements Louis Guillaud en 1974, nous nous sommes maintenus sur la même lancée. Auparavant, nous nous adressions aux administrations et aux professionnels. Aujourd'hui, nous gardons la dernière catégorie à laquelle nous avons ajouté les particuliers». Certes, n'aurait-il pas été plus évident de suivre la tendance nationale sur ce registre et de s'adjoindre la notoriété d'une enseigne étrangère spécialisée dans le bricolage ? Il reconnaît toutefois : «avant de me lancer, deux possibilités s'offraient à moi : soit ouvrir sous le nom d'une franchise soit créer ma propre enseigne. Et c'est pour cette seconde option que je me suis décidé. Et j'avoue ne pas avoir choisi la voie de la facilité». Et pour cause. Ce professionnel ne manque pas de relever des faits qui ne sont ignorés de personnes, sauf que dans sa bouche, cela prend une autre dimension. «Le consommateur marocain n'est pas un bricoleur», indique-t-il. Une telle affirmation ne laisse rien présager de bon, d'autant que c'est dans le bricolage que Bricoma compte faire son pain. La suite de son intervention retient l'intérêt. «Mais il va le devenir. Aujourd'hui, nous contribuons à l'éducation du consommateur marocain dans ce sens. Il faut reconnaître que quelle que ce soit la classe socio-professionnelle ou le niveau de vie, tous font appel à des artisans pour leurs besoins en bricolage. C'est justement dans cette optique qu'au sein d'un magasin ouvert au grand public, des conseils sont prodigués». Et bien justement, de nombreux observateurs dénoncent et parlent même de déviation du concept. A cela Mohamed Chahad rétorque : «nous l'avions voulu de la sorte dès le départ. Certes, en France, la prestation de conseil n'existe pas. Mais, chez nous, c'est différent. Les consommateurs marocains ne prennent pas le temps de lire les prospectus et les modalités d'utilisation des produits. Ils n'arrivent pas à se décider par eux-mêmes. Le Marocain préfère écouter plutôt que de lire ; il a besoin d'une personne qui ne se contente souvent que de lui dire ce qui est déjà écrit». La même situation est à relever chez Mr Bricolage : «nous avons des conseillers qui orientent les clients sur les produits et qui vont jusqu'à identifier leurs besoins», précise Magid Benjelloun. Une offre segmentée Le terme «déviation» revient également, puisqu'en dehors de la commercialisation des produits, d'autres prestations voient le jour dans les grandes surfaces marocaines. Les clients peuvent également se fournir en main d'œuvre : peintres, plombiers, menuisiers… « Nos artisans, que ce soient les plombiers, les poseurs de parquets, les peintres ou encore les installateurs, sont des professionnels agréés par l'enseigne. Pour nous, l'image de l'enseigne dépend de leur rigueur et de leur professionnalisme», explique le fondateur de Bricoma. Quant à Mr Bricolage, le staff d'artisans n'est pas encore été étoffé : «nous avons des poseurs de parquet ou encore des installateurs de cabines de douche. Pour les autres corps de métier, nous aimerions les développer, reste à régler les questions d'ordre administratif tel le régime d'assurance». Il semble que sur ce marché, l'évolution s'effectue progressivement. Il ne s'agit pas de ces entreprises où les chiffres d'affaires caracolent dès les premières années d'activité. Ces deux dernières enseignent reconnaissent une progression à deux chiffres. Et les chiffres restent un sujet spécialement tabou, contrairement à d'autres secteurs d'activité. Les détenteurs de ces enseignes semblent s'observer, voire même s'épier. D'ailleurs, chacun d'entre eux utilise sa propre méthode pour fidéliser une clientèle encore à l'état brut. Et ils portent une attention particulière à leur approvisionnement en produits. Pour Bricoma, 25% des produits exposés sont d'origine locale. Quant aux 75% restants, ils sont importés des Etats-Unis, d'Asie ou de pays européens. Alors que Mr Bricolage affiche près de 370 fournisseurs étrangers, la répartition entre les importés et les locaux s'établit à 50/50. Le ton est à l'optimisme, même si la dégradation de la réserve foncière paralyse leur plan de développement. Mais sachez qu'une autre ville du royaume aura son Mr Bricolage : «l'étude est en cours», confie Magid Benjelloun. Tandis que Bricoma, c'est officiel, s'étendra sur près de 4.000 mètres carrés à Tanger.