Je n'ai aucun respect pour les sondages, y compris ceux qui se veulent scientifiquement inattaquables. Il paraît que Benkirane a perdu 50 % de sa popularité. Actif sur le terrain, je peux vous assurer qu'il sera très difficile de matérialiser ce chiffre au niveau des urnes. Tout simplement parce que les sondés ne représentent ni les inscrits, 13 millions alors qu'ils devraient dépasser les 20 millions, ni ceux qui se déplacent pour voter, qui seront moins nombreux qu'aux législatives, c'est une certitude. Un autre sondage nous apprend que les Marocains n'aiment pas Israël. Tu m'étonnes, dirait l'autre. Les manifestations populaires les plus importantes ont eu pour thème la Palestine. Sincèrement, qui peut aimer le sida, le cancer ? Personne. Israël est un occupant, un nazillon, une pourriture. C'est ainsi qu'il est perçu par les Marocains qui font à ce sujet preuve de bon sens, puisqu'ils n'associent pas Juif et Israël, alors que les sionistes font tout pour lier les deux. Il faut arrêter de prétendre connaître ce que pensent les Marocains à travers des sondages, qui respectent rarement les critères dits scientifiques. Une « science » qui se fixe une marge d'erreur de 5% relève du charlatanisme. C'est mon point de vue. Au Maroc, l'encadrement par les partis et les ONG ne touche même pas 1% des citoyens. Ce n'est pas une impression, c'est une réalité chiffrée. Avec toutes les triturations, les partis politiques dans leur ensemble n'ont pas cent mille adhérents. Il fut un temps où « chouaala » avait 80000 adhérents. Elle en a moins du dixième aujourd'hui. Ce que les Marocains pensent ? Il suffit de les écouter. Ils ont la haine d'Israël sans croire qu'il y a un régime arabe capable de l'abattre. Ils sont fermement attachés à leur pays, sans faire la moindre confiance à la classe politique. Le pire, c'est qu'ils pensent qu'il n'y a de solution qu'individuelle et que tout projet collectif sera nécessairement trahi. Ce n'est pas un sondage qui vous le dit, mais un militant de base qui essaye de redonner au projet de gauche une quintessence. Tout message d'ordre collectif est quasiment inaudible, parce que les déceptions ont marqué les esprits. Les Islamistes du PJd ont flétri l'espoir né du prétendu printemps arabe. Faut-il désespérer ? Pas du tout. Mais cessons de parler au nom d'une population, de leur prêter des positions et de décider que les 32 millions de Marocains pensent ceci ou cela. Humblement, écoutons-les d'abord, ils ont beaucoup de choses à nous dire.