Des secteurs «fragiles» continueront à bénéficier d'exonérations. Par contre, d'autres secteurs verront leurs dérogations s'envoler. Mezouar est déterminé à enlever à certains professionnels leurs privilèges. Sans rentrer dans les détails, le ministre de l'Economie et des Finances, Salah Eddine Mezouar, a donné le ton. En 2009, le gouvernement va continuer à lutter contre les exonérations. Après les activités immobilières ou de leasing, par exemple, d'autres secteurs devront normalement être touchés par de nouvelles dispositions. L'Etat compte fermement abroger certaines dérogations. Quels secteurs seront touchés? Des réflexions sont menées au sein de différents départements. Mais vraisemblablement, les secteurs les plus «fragiles» continueront à être protégés et à bénéficier d'avantages. Le secteur agricole par exemple, devrait être l'un d'entre eux. Il dispose de dérogations allant jusqu'en 2010. Que se passera-t-il au-delà de cet horizon ? «Un débat devra s'ouvrir. Nous devons trouver un consensus à propos des exonérations attribuées. Nous devons aussi répondre à la question de savoir s'il faut faire bénéficier l'ensemble du secteur ou faire la différence entre les petits et les grands agriculteurs», a expliqué Mezouar lors de la conférence de presse organisée la semaine dernière à propos de l'actualisation de la loi de Finances 2008. «Il faut un vrai débat sur la réforme». Quid des autres secteurs ? Mezouar n'en a rien divulgué. La liste ne serait pas encore établie. L'information devrait commencer à tomber dès lors où la première mouture de la loi de Finances 2009 devra être établie, c'est-à-dire, dans les semaines à venir. Entre temps, d'autres débats sont lancés. Ils concernent l'exercice en cours. D'abord, celui d'établir ou non une loi de Finances 2008 rectificative. Le gouvernement a tranché sur le sujet. Il n'y en aura pas. Une loi rectificative ? Pas très utile… Dès la fin du premier trimestre, le ministère des Finances se demandait s'il fallait opérer une restructuration du budget compte tenu de l'évolution des charges de la compensation notamment. Il aurait pu le faire. Ce ne sera pas le cas compte tenu du bon comportement des recettes fiscales. Elles ont progressé de 31,5% à 74,2 milliards de DH au mois de mai 2008. «Nous ne pouvions pas non plus rectifier la loi de Finances parce qu'un seul poste de dépense s'est aggravé», confie l'argentier du Royaume. A cela, s'ajoutent les délais qu'il aurait fallu respecter pour faire valider ce texte de loi. Pour le préparer et le discuter, il aurait fallu une période de 3 mois. Mezouar l'aurait alors présenté au mois de juin pour qu'il soit adopté au mois de septembre. Trop tard. Les cours des matières premières, et plus particulièrement ceux des produits pétroliers, ne cessent de flamber. Le gouvernement a donc choisi de prendre une autre voie, celle d'ouvrir un crédit supplémentaire de 14 milliards de dirhams pour supporter cette envolée des prix. Deuxième sujet chaud, celui de la compensation. Une grande partie de l'enveloppe qui lui est allouée a été jusqu'à maintenant consommée. Aux 20 milliards de DH inscrits dans la loi de Finances, s'y ajouteront les 14 milliards de crédits supplémentaires. Et ce n'est pas encore suffisant pour arriver à couvrir les 36,5 milliards de DH prévus pour la fin de l'année. Où chercher les 2,5 milliards de dirhams restants? Le gouvernement a trouvé. Les carburants au coeur des débats Les établissements publics, les bons élèves, « dans une situation financière confortable », vont devoir se mobiliser. 1 milliard de DH sortira de leurs caisses, solidarité dans le secteur public oblige. Aussi, l'Etat prévoit-il de réduire son train de vie en dégageant une économie de 700 millions de DH. Autre mesure, celle d'augmenter les prix à la pompe. L'or noir devenant trop cher, une augmentation des prix à la pompe a été décidée. Les hausses n'ont concerné que le gazoil 350 (+1 DH le litre), l'essence (+1 DH le litre) et le fuel industriel (+500 DH la tonne). Les prix du gasoil et du gaz butane, représentant plus de 80% du volume global de la consommation des produits pétroliers, ont été, pour l'heure, épargnés. A travers cette mesure, l'Etat devrait économiser 1 milliard de DH d'ici à la fin de l'année. Le gouvernement a pris ces mesures pour ramener le poids de la compensation à 3% du PIB au lieu de 5,5% actuellement et du déficit budgétaire à 3%. Le gouvernement essaie de trouver des parades. Il en trouve d'un côté, mais il se « mouille » de l'autre. Par exemple, dès janvier 2009, le gasoil ordinaire sera remplacé par le gasoil 50 ppm et le super par le super sans plomb. Si la flambée continue, le gouvernement persistera-t-il à maintenir les prix à la pompe de ces deux produits? Pour l'instant, rien ne filtre encore sur les intentions des pouvoirs publics à ce sujet. Par contre, ce qui semble plus sûr, c'est que les mesures prises par le gouvernement devraient permettre une stabilité des prix à la pompe. Pas d'augmentation prévue à l'horizon, sauf en cas de force majeure. Dans ce cas-là, «si le prix du baril augmente, il faudra bien que quelqu'un assume», dixit Mezouar. Le prix moyen du baril, sur lequel les Finances arborent leurs prévisions, devrait atteindre les 130 dollars au cours de ce deuxième semestre, contre 75 dollars au premier semestre. En ce qui concerne la loi de Finances 2009, elle sera élaborée sur la base d'un prix de 120 dollars le baril seulement. «Pourquoi le gouvernement ne voit-il pas plus large pour élever ce niveau sachant que la tendance est à la hausse?», pourrait-on se demander. Avec pareil niveau, les pouvoirs publics ne font que suivre les autres. L'équipe de Mezouar se conforte avec les prévisions des institutions financières internationales ou d'autres pays occidentaux. «La Banque Mondiale ou le FMI prévoient une moyenne de 116 dollars le baril, des pays de l'Union Européenne une moyenne oscillant entre 110 et 120 dollars», déclare l'argentier du Royaume. Pourquoi pas le Maroc ! Le taux d'inflation serait quant à lui établi à 2,5%, contre 2,8% prévu cette année. Voilà un autre sujet chaud de la prochaine rentrée. Au départ, les Finances tablaient sur un taux d'inflation de 2% en 2008. Il a été actualisé à 2,8%. Des économistes jugent ce niveau bien en-deçà de la réalité. Si la demande intérieure tire l'économie vers le haut, force est de constater que la poursuite de l'envolée des prix risque de poser quelques problèmes. A cela, il faudra ajouter celui des exportations qui ont du mal à décoller. Il n'existe pas encore de réel plan qui puisse les sauver. Le gouvernement a réfléchi à un Plan Vert pour l'agriculture, au Plan Azur pour le tourisme, au Plan Emergence pour le secteur des phosphates, à la Vision 2015 pour l'artisanat ainsi qu'à des réformes dans le secteur de l'eau, de l'assainissement, de l'éducation… Mais qu'en est-il des exportations ? Quelques actions ont été validées. Mais sans plus. Malgré ces faits, Mezouar tente de rassurer. L'économie marocaine va bien. Heureusement, les recettes fiscales sont en progression. C'est ce qui permet au gouvernement de disposer d'une marge de manœuvre pour financer en partie les différents chantiers qu'il lance. L'IS a progressé de 86% au mois de mai 2008 à 23,3 milliards de DH, comparativement aux performances du mois de mai de 2007, l'IR de 20% à 14,1 milliards, la TVA de 18,1% à 16,9%... L'année 2008, l'année des chocs externes, est, semble-t-il, bien cernée. Malgré le ralentissement de la croissance mondiale et l'augmentation des prix des matières premières, l'impact ne risque pas d'être aussi négatif sur les finances publiques. Mezouar se veut rassurant : «l'économie connaît une dynamique soutenue qui résulte du dynamisme des secteurs à fort potentiel (énergie, BTP, tourisme…) et de la confiances des investisseurs, marocains et étrangers, ainsi que d'une augmentation du revenu national moyen par habitant». Les Marocains seraient-ils devenus plus riches ? Leur revenu brut est passé de 14.345 DH par tête d'habitant en 1998 à 21.748 DH en 2007. Mais entre temps, les salaires n'ont pas trop augmenté et le niveau de vie a progressé.