Depuis plus d'une décennie, les chercheurs de l'Institut national de la recherche agronomique – INRA ont travaillé à partir de la diversité génétique disponible pour produire des variétés capables de tolérer la sécheresse, résister aux maladies, et offrir des rendements stables. A l'INRA on précise que les efforts se sont focalisés sur les trois principales céréales du Royaume : le blé dur, le blé tendre et l'orge. Des essais ont également été réalisés sur des cultures émergentes comme l'avoine et le triticale, qui montrent un fort potentiel dans des conditions arides. Le processus de recherche suit plusieurs étapes clés : l'dentification génétique consistant dans l'analyse des variétés locales et étrangères pour identifier celles qui possèdent des caractéristiques souhaitables (résistance, rendement, qualité nutritionnelle) ; l'hybridation et le croisement consistant dans le croisement des semences sélectionnées pour combiner les traits souhaités dans une seule variété ; l'expérimentation en conditions réelles à travers la mise à l'épreuve de ces variétés dans différentes régions du Maroc, notamment dans les zones bour, caractérisées par une pluviométrie irrégulière ; et la validation et la dissémination de ces variétés prometteuses qui sont alors inscrites dans le catalogue national des semences et mises à la disposition des agriculteurs. Un impact économique et social tangible L'un des objectifs majeurs du programme est de réduire la dépendance du Maroc vis-à-vis des importations de céréales, en particulier du blé. Actuellement, le pays importe environ 6 millions de tonnes de blé par an, pour une valeur dépassant 13 milliards de dirhams, une charge significative pour la balance commerciale. Lire aussi | Rachid Sebbari: « Le Maroc fera partie des 5 pays les plus touchés par la sécheresse dans le monde » En introduisant des variétés plus performantes, le Maroc espère atteindre une autosuffisance accrue en céréales, préservant ainsi ses réserves en devises. De plus, la stabilité des rendements permet de sécuriser les revenus de millions d'agriculteurs, majoritairement situés dans les zones rurales. Selon une analyse du ministère de l'Agriculture, la céréaliculture représente en moyenne 20% du chiffre d'affaires de l'agriculture nationale, soit 16 milliards de dirhams par an. L'amélioration des performances des cultures céréalières aurait également un effet d'entraînement sur d'autres filières agricoles, notamment l'élevage, fortement dépendant des résidus céréaliers pour l'alimentation animale. Un succès validé sur le terrain Les variétés développées par l'INRA ont déjà montré leur efficacité sur le terrain. Lors des expérimentations, ces semences ont maintenu des rendements satisfaisants malgré des précipitations inférieures à la moyenne. Elles se sont également révélées résistantes à des maladies telles que la rouille, un problème récurrent pour les cultures céréalières. Lire aussi | Sécheresse : vers une nouvelle approche économique pour le monde agricole ? Les résultats prometteurs issus des essais menés dans des régions comme Doukkala, Saïs et le Haouz, dit-on à l'ICARDA (Centre International de Recherche Agricole dans les Zones Arides), ont consisté dans des rendements qui ont augmenté de 20% à 30% par rapport aux variétés traditionnelles dans des conditions similaires. Outre leur résilience, ces nouvelles variétés permettent de réduire l'utilisation d'intrants, comme les engrais chimiques ou les pesticides, contribuant ainsi à une agriculture plus durable. Des défis à relever pour une adoption généralisée Malgré les avancées notables, plusieurs obstacles freinent encore l'adoption généralisée des nouvelles variétés, à savoir : le manque de sensibilisation, faisant que les agriculteurs ne sont pas informés des avantages des nouvelles semences, l'accessibilité financière, sachant que le coût initial des semences certifiées peut représenter une barrière pour les petits exploitants, et le défi logistique, la distribution des semences dans les zones reculées, nécessitant une infrastructure adéquate. Ce que confirme l'ingénieur agronome et agriculteur, Abdelmoumen Guennouni, qui regrette que "les relais de vulgarisation ne soient pas mobilisés pour informer, expliquer, sensibiliser et orienter" et qu'au niveau de l'instance en charge de la distribution des semences, il n'y ait pas "d'informations, même écrites, sur ces nouvelles variétés". Dans le domaine agricole, enchaîne notre interlocuteur, "c'est le conseil qui fonde le développement et c'est à ceux chargés de la vulgarisation et du conseil, notamment les chambres agricoles et autres, de faire leur travail". Lire aussi | Face à une sécheresse devenue structurelle, la culture des céréales a-t-elle encore du sens au Maroc ? Pour assumer ces défis, le gouvernement a annoncé le lancement de campagnes de vulgarisation et de programmes de subventions ciblées. Les coopératives agricoles jouent également un rôle central en facilitant l'accès des agriculteurs aux nouvelles technologies. Vers une agriculture céréalière durable Le Maroc ambitionne de faire de son secteur céréalier un modèle de résilience et de durabilité, aligné sur les objectifs du Plan Maroc Vert et de sa nouvelle déclinaison, Génération Green 2020-2030. Dans ce cadre, plusieurs axes de développement sont envisagés. Il s'agit d'accélérer la recherche sur les cultures émergentes comme le quinoa ou le sorgho, qui s'adaptent bien aux conditions arides, de renforcer les capacités des instituts de recherche par l'intégration de technologies avancées comme l'édition génomique et de promouvoir des pratiques agroécologiques pour optimiser l'utilisation des ressources naturelles. A l'INRA, on estime que « l'avenir de la céréaliculture marocaine réside dans sa capacité à innover et à s'adapter aux défis climatiques. En intégrant la recherche scientifique, la formation des agriculteurs et une gouvernance proactive", il est possible de transformer ces défis en opportunités. Le programme national pour une céréaliculture résiliente semble être en mesure de répondre enjeux contemporains de sécurité alimentaire et de développement rural. En s'appuyant sur des variétés adaptées aux changements climatiques et sur une stratégie intégrée de soutien aux agriculteurs, ce sont les défis majeurs de la transition vers une céréaliculture durable et de la souveraineté alimentaire qui sont assumés et relevés.