Le journaliste algérien Ihsane El Kadi, incarcéré depuis fin 2022, a été libéré le 1er novembre suite à une grâce présidentielle. Directeur du groupe de médias Interface Médias, regroupant Radio M et Maghreb Emergent, El Kadi avait été condamné en appel en juin 2023 à sept ans de prison, dont cinq ans ferme, une peine alourdie par rapport au jugement initial. Sa libération coïncide avec la commémoration du 70e anniversaire du début de la Révolution algérienne de 1954. Lire aussi | Sahara marocain : La presse algérienne se déchaine contre Emmanuel Macron Poursuivi pour « financement étranger de son entreprise » dans le but de « se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'Etat », El Kadi avait plaidé l'innocence, affirmant que les fonds provenaient de sa fille, installée à Londres et actionnaire de son entreprise, pour couvrir des dettes accumulées. Ses avocats et diverses organisations de défense des droits humains avaient exprimé leur inquiétude face à cette affaire, y voyant une tentative de répression des voix critiques. Réactions de ses proches et soutiens La libération d'El Kadi a été accueillie avec enthousiasme par ses proches et ses défenseurs. Me Noureddine Ahmine, son avocat, a partagé sa joie sur les réseaux sociaux, écrivant : « Quel bonheur, Ihsane El Kadi est libre ! », accompagné d'une photo du journaliste entouré de sa famille. De son côté, l'avocate Nabila Smail a salué la décision comme « la fin d'un cauchemar » pour El Kadi et ses soutiens. L'arrestation du journaliste avait suscité un vaste élan de solidarité, en Algérie et à l'international. De nombreux journalistes et militants des droits humains avaient exprimé leur inquiétude concernant la situation de la presse en Algérie. En réponse, l'organisation Reporters sans frontières (RSF) avait lancé une pétition pour sa libération, recueillant plus de 10 000 signatures. Une libération qui laisse en suspens des questions pour la presse algérienne La libération d'Ihsane El Kadi intervient dans un contexte de tensions persistantes pour les médias indépendants en Algérie. Interface Médias, l'un des derniers groupes de presse privés dans le pays, fait l'objet de pressions, reflétant les défis auxquels font face les journalistes critiques envers les autorités. Dans ses écrits, El Kadi avait, entre autres, critiqué des figures influentes de l'appareil militaire, comme l'ancien chef d'Etat-major Ahmed Gaïd Salah, qu'il qualifiait de « suicide politique » dans le cadre de ses velléités électorales en 2019. Ses analyses avaient notamment eu un écho particulier durant le mouvement du Hirak, rendant sa condamnation et sa détention particulièrement symboliques. Un signe d'apaisement de la part du régime ? Outre El Kadi, onze autres détenus, dont des figures du Hirak, ont également été libérés dans le cadre de cette grâce présidentielle. Ce geste pourrait être interprété comme un signe d'ouverture et d'apaisement de la part des autorités algériennes. Cependant, malgré cette libération, de nombreux défis subsistent pour les journalistes algériens. Lire aussi | Le GAFI, les listes noire et grise et l'Algérie Un journaliste local a confié : « Les journalistes n'ont plus droit à l'erreur, car il y va de peines d'emprisonnement. » Il a rappelé l'exemple de Belkacem Houam, condamné à un an de prison pour avoir publié des informations sur des dattes exportées en France. Le climat reste tendu pour les professionnels des médias en Algérie, où chaque prise de position publique ou critique peut être interprétée comme une menace. L'histoire d'Ihsane El Kadi et de son parcours résonne encore, illustrée par les échos de ses publications dans Maghreb Emergent, où il affirmait que « la raison de l'absence d'une entente politique autour d'une transition n'est autre que le conflit d'intérêt entre les deux généraux militaires, Gaïd Salah et Toufik ».