En 2020, Royal Air Maroc ouvrait une liaison directe entre Casablanca et Pékin. L'Office national marocain du tourisme s'était associé au voyagiste chinois Ctrip pour promouvoir la destination Maroc. Aujourd'hui, ces touristes chinois se font de plus en plus rares. Décryptage. On se rappelle de la décision du gouvernement en mars, qui avait annoncé son plan d'investissement de 6,1 milliards de dirhams (MMDH) pour dynamiser à nouveau le secteur du tourisme afin d'attirer plus de touristes et renforcer les réserves de changes d'ici 2026. Il faut d'ailleurs noter que cette nouvelle feuille de route destinée à relancer le secteur intervient dans un contexte où celui-ci sort d'une crise multidimensionnelle dont l'onde de choc a été une catastrophe économique énorme. Durant la crise du Covid, le Maroc est passé de 13 millions de touristes à 3,7 millions d'arrivées, soit moins d'arrivées qu'en 2000 (4.300.000). De stratégie en stratégie, acteurs ministériels et institutionnels ont tant bien que mal apporté des palliatifs aux grands malaises conjoncturels dont a souffert le secteur. On se rappelle même d'un tweet révélateur, où la ministre du Tourisme, Fatim-Zahra Ammor, a fait son mea culpa en ces mots : « Il y a quelque chose dans notre produit touristique qui ne fonctionne pas ». Lire aussi | L'ONMT en opération séduction en Chine pour attirer les touristes chinois Dans le nouveau modèle de développement, les conclusions du CSMD sont claires : « Repenser le secteur du tourisme au-delà des mesures de relance et à l'aune des tendances mondiales et de la nouvelle donne à la suite de la pandémie est essentiel. » Ayant bénéficié de deux grands contrats-programmes et d'un troisième obtenu au forceps le 6 août 2020 (un contrat-programme couvrant la période 2020-2022), cette nouvelle feuille de route à l'horizon 2026 se positionne aujourd'hui comme le point de départ d'une croissance réelle. Elle ambitionne d'attirer 17,5 millions de touristes, d'atteindre 120 milliards de recettes en devises, de créer 80.000 emplois directs et 120.000 indirects, en plus de repositionner le tourisme comme secteur clé dans l'économie nationale. Pour atteindre ces objectifs, cette feuille de route entend transformer le secteur du tourisme en agissant sur tous les leviers essentiels : une nouvelle logique de l'offre articulée autour de l'expérience client et structurée autour de 9 filières thématiques et 5 filières transverses, un plan offensif pour doubler la capacité aérienne et le renforcement de la promotion et du marketing, avec une importance particulière accordée au digital. En attendant, le constat, au demeurant amer, est qu'à ce jour le marché chinois, qui demeure l'un des plus importants aux yeux du Maroc, n'a toujours pas retrouvé son rythme post-Covid. Chine, un marché qui s'éloigne « Le nombre d'arrivées de touristes chinois en 2023 n'a pas connu une croissance importante car, depuis la crise du Covid, ce marché n'a pas véritablement repris », nous confie Zoubir Bouhoute, expert en politique touristique. Et de préciser : « Depuis le Covid, les voyageurs chinois ont été soumis à des règles très strictes de voyages, ce qui, bien entendu, a freiné les élans de ce marché. » Lire aussi | Cause palestinienne. Pour Xi Jinping, «la justice ne doit pas s'absenter éternellement» [Discours intégral] Il faut d'ailleurs rappeler que la destination culturelle de prédilection du marché chinois, qu'est la France, a connu un taux à peine de 40 %, soit la moitié des arrivées chinoises réalisées en 2019. Selon une étude réalisée par les autorités françaises du secteur, 60 % des voyageurs chinois qui avaient l'habitude de voyager à l'international et plus particulièrement en France avaient l'intention de reprogrammer leur voyage pour 2025. Si les éléments conjoncturels ne sont pas du fait des autorités marocaines, notre interlocuteur préconise de profiter de cette accalmie pour penser une véritable offre touristique. Contacté par Challenge, l'économiste Mehdi Fakkir explique : « À la lumière des ambitions du Maroc dans ce secteur, il y a une urgente nécessité à revoir l'offre touristique ». Toujours selon notre interlocuteur : « De plus, il y a également un enjeu de penser le tourisme en dehors de l'hôtellerie. » « À horizon 2030, on aura près de 250 millions de voyageurs chinois » « Le marché chinois est un marché stratégique pour le Maroc », prévient notre interlocuteur. Pour ce dernier, il y a lieu de mettre sur pied un véritable plan de connectivité. « Pour se positionner davantage avec notre offre sur ce marché, il y a lieu de maximiser les lignes directes ». Selon Bouhoute, la RAM, dans son plan d'acquisition de 150 avions d'ici 2027, doit prendre en compte ce marché en mettant à disposition deux gros avions pour desservir Pékin à partir de Casablanca. Par ailleurs, il faut noter que ce marché présente de véritables gains pour l'économie marocaine. « Ce marché connaît de plus en plus de milliardaires, sans oublier une véritable classe moyenne très dépensière. Il ouvre des perspectives de développement hors du commun. L'antenne de l'ONMT à Pékin depuis 2016 en témoigne », estime Bouhoute. Lire aussi | La Chine encercle Taïwan pour tester sa capacité à y « prendre le pouvoir » [Vidéo] Pour rappel, si en 2018 le Maroc a accueilli 132 000 touristes chinois selon l'ONMT, ils n'étaient que 10 000 trois ans plus tôt. Les touristes chinois représentent désormais 1/5e des dépenses touristiques dans le monde, tant par leurs effectifs que par leur profil volontiers dépensier. Les statistiques de l'ONMT attestent ainsi que 82 % des visiteurs chinois ont opté pour des établissements 4 et 5 étoiles, montrant ainsi leur préférence pour des prestations et des expériences de qualité.