Des gens proposent que l'enseignement primaire soit dispensé en darija, parce que celle-ci est la langue maternelle et c'est une guerre qui se déclenche. Les défenseurs de la langue arabe y voient un complot des francophones pour défendre « leurs privilèges ». Rares sont les voix qui présentent leur point de vue, sans insulter l'autre partie, le débat est impossible. La question est trop importante pour être traitée de la sorte. Elle est liée à la question identitaire. Abdelilah Benkirane a dit « l'arabe c'est la religion », cela a le mérite d'être franc et direct. Dès que l'on touche à l'arabe, en rappelant que c'est une langue que personne ne parle, nulle part en dehors des salles de cours, on est suspectés de comploter contre l'Islam. L'arabe c'est aussi des piliers du fantomatique Monde Arabe, qui se disloque sous nos yeux. Cette langue est liée à un dogme, celui du Maroc Arabo-musulman. C'est un débat idéologique, qui est escamoté depuis longtemps. Malheureusement, on a choisi l'éducation pour le mener. C'est exactement l'inverse qu'il faut faire. L'école doit faire l'objet d'un consensus qui n'est possible que si elle devient un lieu de transmission de savoir et de valeurs citoyennes protégées de toute idéologisation. L'enseignant doit laisser ses convictions devant le portail et se limiter à son rôle de technicien pédagogique, rehaussé par le respect social du savoir. La question de l'arabe est liée à trois choses. D'abord, la catastrophe de l'arabisation conduite par Azzedine Laraki qui a accéléré le déclin de l'école publique. Alors qu'auparavant, celle-ci formait d'excellents bilingues. Qui peut nier que Saïl, El Gahs, Ben Addi, et bien d'autres maîtrisent l'arabe mieux que les têtes d'affiche arabophones, qui les traitent de « Hizb França ». Ensuite, il y a le lien entre l'arabe et les sciences et techniques. C'est un fait, seules les langues parlées par des gens qui participent à la recherche, sont aptes à la transmission. Il suffit de regarder les cours des lycéens pour constater les contorsions de la traduction. Arrivés au supérieur, ceux qui n'ont pas la maîtrise du français sont largués. Enfin, en région Amazigh, l'arabe est une langue étrangère comme les autres. Mais pour moi la darija n'est pas la panacée. Il y a plusieurs darija comme l'a rappelé Hassan Aourid, si on oublie le débat idéologique, l'arabe peut être enseignée en tant que langue et servir pour l'éducation religieuse, civique et l'histoire-géo. Cela lui fasse une position centrale. Le français, l'anglais et l'espagnol doivent être maîtrisées par tout bachelier marocain. C'est une exigence de la mondialisation, le reste, c'est du pipeau. Au lieu d'un débat serein, on assiste à une guerre. Noureddine Ayouch, qui a lancé la polémique, s'est senti obligé de déclarer « je jure que je suis croyant, que je fais mes prières etc... ». Moi, mes convictions religieuses n'intéressent personne, je suis citoyen marocain et j'ai le droit de dire que la fousha, l'arabisation est une impasse dont les diplômés chômeurs payent le prix fort.