Les fabricants professionnels d'huile au Maroc ont évité de justesse la panique parmi les consommateurs d'huile de tournesol. Ils ont soustrait à la vente toute leur marchandise susceptible de contenir les toxines de l'huile ukrainienne contaminée, pour l'analyser de nouveau. Afin de rassurer sur la qualité des exportations futures, un protocole de contrôle de résidus d'huile minérale est en train d'être signé avec des laboratoires européens. Pas de panique ! Les étalages des grandes surfaces de distribution et des magasins n'exposent plus depuis quelques jours d'huile de tournesol. Par mesure de sécurité, et pour éviter une panique parmi les consommateurs, les professionnels du secteur ont retiré du marché toutes les bouteilles susceptibles de contenir cette huile jugée contaminée par des toxines issues de l'huile minérale, tout en effectuant des analyses supplémentaires sur l'huile ukrainienne exportée depuis la France. «Nous avons voulu rassurer au maximum les consommateurs», lance Ahmed Rahhou, président de l'Association Professionnelle des Fabricants d'Huile Triturateurs-Raffineurs au Maroc et président du directoire de Lesieur-Cristal. Tout a commencé samedi 26 avril. La commission européenne a lancé une alerte concernant des lots contaminés d'huile de tournesol en provenance d'Ukraine et qui ont touché cinq pays membres de l'Union européenne : France, Espagne, Italie, Pays Bas et Royaume-Uni. La contamination correspond à la présence de traces d'hydrocarbures, et a été signalée mercredi 23 avril par les autorités françaises. Le Maroc, qui a exporté une quantité de cette huile contaminée en mars dernier, a pris des mesures urgentes. Aussitôt l'alerte sanitaire est lancée par la commission européenne et un travail colossal de ramassage des bouteilles d'huile de tournesol a été enclenchée au Maroc dans les grandes surfaces, chez les grossistes et les commerçants détaillants. Toutes les marques contenant cette huile ont été soustraites à la vente pour répondre à l'alerte sanitaire et pour éviter une panique certaine. Au Maroc (comme en Espagne), la démarche suivie en réaction à l'alerte européenne a été la même. Sur le marché ibérique, 3.500 tonnes d'huile de tournesol avaient été retirées du commerce. Au Maroc, qui ne consomme que 1.000 tonnes de cette huile par mois, chaque bouteille récupérée a été remplacée par une autre contenant de l'huile de soja dans le but d'éviter la pénurie de cette denrée alimentaire de première nécessité. L'alerte est-elle levée ? Pour rappel, le Maroc consomme 16.000 tonnes d'huile par mois. «L'alerte est une alerte sanitaire, une alerte de qualité d'un aliment de grande consommation. Le laboratoire officiel marocain effectuait depuis toujours des analyses strictes suivant des normes internationales sur les quantités exportées. Nos fournisseurs français sont crédibles et sérieux. Concernant l'alerte sanitaire, nous procédons actuellement à l'analyse des échantillons du stock récupéré à l'usine. Ce sont des vérifications supplémentaires en l'absence du produit sur le marché. C'est une donne importante qui traduit notre volonté de rassurer les consommateurs. C'est une démarche de contrôle qualité », explique Ahmed Rahhou. Lesieur-Cristal a entamé le ramassage depuis le jour de l'alerte. Un effort considérable a été fourni et en l'espace de 4 jours seulement, l'entreprise a réussi à récupérer 100% des marchandises qui étaient exposées dans les grandes et moyennes surfaces (ce canal de distribution représente 50% des ventes de Huilor), chez les grossistes et chez les détaillants (malgré la difficulté liée au nombre de points de vente et à leur répartition géographique). Le rappel des marchandises a été effectué sur quelque 45.000 points de vente. Si en Espagne, l'alerte est levée après le retrait de tout le stock suspecté, peut-on considérer que c'est le cas aussi au Maroc ? Lorsque la commission européenne a effectué ses propres analyses, un expert a fait la conclusion suivante : «de l'huile minérale a été ajoutée de façon volontaire». Bruxelles a demandé d'urgence une recommandation à l'Autorité européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), chargée de lui fournir des avis scientifiques sur les risques posés par les aliments. A l'origine de la découverte de la contamination, la France a indiqué samedi 26 avril avoir retiré 2.600 tonnes d'huile représentant la totalité des lots importés. Les premières analyses effectuées sur l'huile ont montré la présence d'hydrocarbures, mais à des niveaux qui «ne présentent pas de risque pour la santé humaine», déduit la Commission. En France, l'analyse de l'huile a laissé apparaître un maximum de «7 grammes d'hydrocarbures par kilo d'huile». Les Espagnols, quant à eux, parlent d'une contamination aux «hydrocarbures aliphatiques», constituants de l'éther de pétrole et de l'essence. Quelles sont donc ces substances non contractuelles (huiles minérales) que contenait la quantité d'huile contaminée ? Les résultats des analyses indiquent un mélange de diverses particules d'huiles minérales. Une bonne partie de ces substances non contractuelles est automatiquement éliminée pendant le processus de raffinage. Cette contamination n'est pas due à des substances du genre PCBs ou benzopyrène qui elles, sont nocives pour la santé. Tous les tests sur des substances toxiques telles que les PEBs, pah's ou métaux lourds ont donné des résultats négatifs. De toutes les analyses scientifiques réalisées par le laboratoire officiel marocain et les laboratoires scientifiques étrangers, aucune n'affirme que ces substances constituent un danger pour la santé de l'être humain. Standards et contrôle Une précision s'impose néanmoins. Le chef de l'agence du ministère espagnol de la Santé pour la sécurité alimentaire, José Ignacio Arranz, a précisé que le taux de toxines détecté n'aura d'effet qu'après une consommation quotidienne durant une longue période. D'où la décision de retirer du marché la totalité de la marchandise. La décision du rappel de la réserve de l'huile de tournesol sur le marché par les professionnels du secteur a été la plus efficace et la plus rassurante. L'Espagne, qui a suivi la même méthode, s'est vue d'ailleurs félicitée pour cette démarche. Mais cela n'empêche qu'au Maroc, les analyses effectuées sur les huiles exportées n'incluaient pas jusque là la détection de traces d'huile minérale. Les standards concernaient une série de tests d'humidité, de produits volatiles, d'impuretés insolubles, acides gras libres et point d'évaporation/point de flash de l'huile... Des analyses de l'huile de tournesol brute pour des produits étrangers aux huiles végétales ne font pas donc partie du protocole habituel, standard de contrôle. «Depuis l'alerte, nous avons décidé d'élargir le spectre de contrôle pour inclure ce type d'analyse», indique Ahmed Rahhou. Bonne nouvelle, une initiative ambitieuse est en cours de finalisation avec des laboratoires européens de renommée internationale. Il s'agit d'un protocole de contrôle pour analyser les huiles exportées par rapport à la présence de traces d'huile minérale. Ce protocole sera soumis aux professionnels du secteur pour approbation et ratification. Toujours est-il que la santé des consommateurs nécessite davantage de précautions dans l'avenir.