Les entreprises marocaines sont de plus en plus nombreuses à découvrir de nouvelles forces commerciales avec l'e-commerce. La boutique est virtuelle, certes, mais les gains, eux, sont bien réels. Rien qu'en 2007, le commerce électronique au Maroc a engrangé plusieurs dizaines de millions de DH en termes de chiffre d'affaires. A elle seule, la RAM s'accapare la part du lion, avec 80%. Normal, le site marchand fonctionne depuis plusieurs années et le paiement en ligne se fait par carte bancaire internationale. Si les entreprises marocaines n'ont réalisé que les 20% restants du chiffre d'affaires global, c'est parce qu'elles se comptaient sur le bout des doigts avant novembre 2007. Cette date annonçait une révolution technologique au Maroc : le paiement en ligne par carte bancaire marocaine. Les vedettes sont le CMI (Centre marocain interbancaire) et Maroc Télécommerce. Grâce à la mise en place d'une plate-forme technique par le Centre monétique interbancaire, les trois millions de Marocains porteurs de cartes bancaires peuvent dorénavant les utiliser pour des achats sur des sites lnternet. Cette nouvelle plate-forme est certifiée VBV (Verified by Visa) par Visa et Secure code conforme par MasterCard. Le but étant de traiter des opérations de paiement en ligne en toute sécurité, conformément aux standards internationaux. Si le CMI offre la plate-forme par laquelle la transaction passe, la tâche de terminal de paiement électronique est confiée, elle, à la société Maroc Télécommerce, l'unique opérateur e-commerce existant sur le marché et dont le tour de table est composé essentiellement par des banques. Dans la pratique, l'internaute marocain qui désire acheter en ligne doit seulement fournir le numéro de sa carte bancaire locale, sa durée de validité, plus les trois chiffres du code de sécurité qui figurent au dos de sa carte. Le coût des transactions Mais combien coûtent les transactions de paiement en ligne? Le marchand pour sa part doit s'acquitter d'une double commission pour le CMI (3 % pour les transactions internationales et 2% pour les transactions locales) et la société Maroc Télécommerce (entre 1,75 et 2,5%) en fonction du volume de transactions électroniques et ce, avant de déployer la solution de paiement en ligne sur son site web. Maroc Télécommerce a fait un effort en adoptant une nouvelle tarification entre 0,9 et 1,5%. Avant l'ouverture aux cartes marocaines sur le web, Maroc Télécommerce comptait des clients qui proposaient des sites marchands. Les plus anciens sont Harmony Collection (www.harmony-collection.com), la RAM (www.royalairmaroc.com), www.europcar.ma et www.maroc-luxury.com. Le site marchand le plus récent est maroc-product.com, lancé le 26 octobre. Concernant le profit tiré du lancement de son site marchand, Valérie Regnier, directrice de Maroc Luxury, affirme qu' «il est progressif mais dépend uniquement du référencement. Dès que notre site sera bien positionné sur tous les moteurs de recherche, il apparaîtra en tapant les premiers mots-clés. Les ventes sont en fonction du référencement de notre site, donc plus notre site sera visité, plus nous aurons de commandes. Le principe de paiement de Maroc Télécommerce est excellent pour les entreprises marocaines mais demeure encore trop cher. Si notre société avait été européenne, nous serions passés par Paypal ou autre, moins coûteux que Maroc Télécommerce». Valérie Regnier ignorait que de nouvelles offres de tarifications allaient être annoncées dans les jours suivants. Auderby.ma Quelques jours après l'annonce du paiement en ligne par carte bancaire marocaine, plusieurs sociétés se sont lancées dans l'expérience du e-commerce. Microchoix.ma a fait le premier pas, suivi par le groupe Au Derby. Quand bien même la marque Au Derby est notoire, l'idée de faire du commerce électronique avait séduit la direction du groupe, notamment après le lancement du paiement par carte bancaire marocaine. «Le site marchand www.auderby.ma se veut une vitrine virtuelle à l'image des collections de chaussures présentes dans les différents magasins Au Derby», affirme Nahid Ouhelli, directrice communication du groupe. Cependant, pour qu'un site marchand connaisse un succès auprès du public des internautes, une campagne de communication est-elle un passage incontournable ? «Une campagne de communication a été entreprise pour promouvoir le site web. Dans ce cadre, nos clients ont pu découvrir la collection de chaussures Au Derby. Ce site a le double avantage de présenter un nouveau service aux clients et de rendre la chaussure Au Derby accessible à tous à travers tout le Royaume. D'ailleurs, de nombreux clients se sont inscrits à la newsletter du site web afin d'être mis au courant des dernières nouveautés relatives à la collection de chaussures Au Derby», ajoute Nahid Ouhelli. En ce qui concerne le retour sur investissement, aujourd'hui, le site marchand Au Derby enregistre en moyenne 20.000 visiteurs par mois. «A ce jour, plus de 300 commandes par carte bancaire ont été effectuées. Un chiffre représentatif de l'évolution constante du commerce électronique», commente la directrice communication du groupe Au Derby. Attention à la fraude ! Le professionnel de l'électroménager Cramer a lancé son site marchand (cramer.ma) il y a un peu plus d'un mois. Le responsable informatique de la société, Yassine Naouaoui, déclare qu'actuellement, 300 internautes par jour visitent le site Cramer, alors que ce nombre ne dépassait pas 50 au début. Durant le mois de mars, 160 commandes d'achat ont été enregistrées. Fait à ne pas négliger, Yassine Naouaoui affirme qu'une grande partie des commandes a été annulée. «Ce sont des cas de fraude», lance-t-il. Pour Samira Gourroum, directrice technique de Maroc Télécommerce, quelques tentatives de fraude ont été constatées puis avortées depuis le lancement de la nouvelle plate-forme de paiement en ligne. Elle explique: «les tentatives de fraudes sont normales et attendues dans des systèmes de vente sur Internet. Les sites marchands qui vendent des services ou des réservations sont moins touchés par la fraude. Les fraudeurs s'intéressent plus aux produits facilement vendables et ne portant pas sur des montants importants». Mais quel est le rôle préventif de Maroc Télécommerce et du CMI dans ce cas de figure ? «Les entreprises sont accompagnées en termes de formations, d'informations et de systèmes de contrôle de fraude qui sont mis à leur disposition par Maroc Télécommerce et le CMI. Elles choisissent entre deux processus suivant la nature des produits ou services vendus : soit le contrôle systématique des commandes avant la livraison pour vérifier l'identité du client parmi une liste de fraudeurs notoires et en appliquant les pratiques recommandées par Maroc Télécommerce, le CMI, les organismes VISA et Mastercard, soit la confirmation des commandes et le contrôle de la transaction à la livraison du service», note-t-elle. Un marché en pleine navigation De nouvelles entreprises préparent leur percée sur le marché du e-commerce. C'est le cas notamment de la société Budget (www.budget.ma) spécialisée dans la location de voitures. La compagnie low-cost Jet 4 You a son site marchand fin prêt. Un call-center qu'elle lancera incessamment. D'autres sites vont proposer prochainement le service de paiement par carte bancaire. Un cas très en avance: la Fondation Esprit de Fès qui organise le fameux festival des musiques sacrées vendra désormais ses réservations en ligne. Une agence de voyage, en l'occurrence «Objectif du Maroc», lancera son site marchand en partenariat avec la Fondation. Maroc Télécommerce a traité en 2007 plusieurs milliers de transactions pour quelques dizaines de millions de DH. Ce chiffre demeure peu convainquant aux yeux du régulateur du e-commerce au vu des objectifs escomptés pour l'année 2008. La société aspire à convertir en e-commerce au moins 3 grands comptes et 2 gros facturiers. Plutôt dire qu'elle ne s'intéresse pas beaucoup aux petites entreprises. Faux. Maroc Télécommerce a, en fait, élaboré une stratégie de partenariat avec les sociétés de développement de sites web et des agences web (Cyberesa, Argaze, Maroc data, NTI..). L'objectif étant de proposer à ces entreprises un package complet pour la mise en place de leurs site web e-commerce ainsi qu'un ensemble d'avantages commerciaux et de prestations d'accompagnement. L'offre est alléchante. Le profit aussi.