Nizar Baraka, ministre des Affaires générales, a ouvert le bal des «Mardis du gouvernement», un rendez-vous mensuel entre un ministre et la presse. Le SMIG sera rehaussé. Les salaires ne seront pas indexés sur le coût de la vie. Les prix à la pompe ne seront ni augmentés, ni revus à la baisse. Pour nos officiels, le gel des salaires au Maroc est imaginaire. «C'est plutôt un gel d'esprit dont il est question», ironise Nizar Baraka, ministre des Affaires Générales. Il en veut pour preuve les 100 milliards de DH déboursés par exemple dans la fonction publique qui ont permis d'augmenter des salaires, d'assurer des promotions, de régulariser des situations…sans compter les augmentations (et quelles augmentations !) issues de la révision de l'impôt sur le revenu . Malgré ces prétendus efforts que les gouvernements passés (ou présent) ont concédés, le résultat reste encore en deçà des espérances. Les citoyens marocains s'attendent à davantage d'attention. Des pressions sont exercées de partout. Mais le gouvernement a les mains liées. «Il ne faut pas nous demander d'agir sur tous les fronts, d'augmenter les salaires, de subventionner les produits, de résoudre les problèmes des retraites… dans un même temps. Même si nous le souhaitons, nous n'en avons pas les moyens», lance en substance Baraka. Déjà, le SMIG va être rehaussé. Les négociations à venir entre le gouvernement, les syndicats et la CGEM devront aboutir sur un pourcentage donné. D'ici au mois de mai, des propositions devront être formulées dans le cadre du dialogue social. Concernant les salaires, rien ne prédispose le gouvernement à les indexer au coût de la vie. A une question posée au ministre sur le sujet, Baraka répond : «le système d'indexation des salaires sur le coût de la vie, appliqué dans tous les pays ayant choisi ce mode, a montré ses limites. Il a un impact négatif car il peut mener à une situation inflationniste. C'est un cercle vicieux. On arrive à une situation qu'on ne peut plus maîtriser. Il faut rester rationnel ». Le blé pourrait ne plus être subventionné Sur la compensation des produits subventionnés, le ministre a été clair. Les prix à la pompe ne connaîtront pas de changements, ni à la hausse, ni à la baisse. Le gouvernement va continuer à supporter les charges de la compensation pour protéger le pouvoir d'achat. Un cadeau qui va coûter des milliards de DH. Depuis le début de l'année jusqu'à maintenant, la charge supplémentaire que le budget de l'Etat a dû supporter est de l'ordre de 4,8 milliards de DH. Et si le prix du baril croît encore, la facture risque de s'alourdir gravement : 1 dollar supplémentaire engendrant une surcharge de 400 millions de DH annuellement pour la compensation. Ce n'est pas rien. Mais si le gouvernement a décidé de ne pas répercuter la hausse des prix à l'international sur les prix à la pompe, c'est parce qu'il en a encore les moyens. Parole de Nizar Baraka. «Avec la baisse du dollar, le prix du baril équivaudrait à 83 dollars le baril et non 75 dollars prévus dans le cadre de la Loi de finances 2008. C'est un prix d'équilibre par rapport à l'enveloppe budgétaire ». De plus, notons que le pétrole consommé actuellement ne vaut pas les 110 dollars le baril. «Lorsqu'il a été acheté, les prix oscillaient encore entre 90 et 94 dollars le baril », assure le ministre. L'équipe gouvernementale a donc choisi de ne pas toucher aux prix à la pompe. Jusqu'à quand ? Certains professionnels avaient exprimé leur crainte quant à l'incapacité de la Caisse de Compensation de gérer la situation, et donc de ne plus disposer des moyens financiers nécessaires pour supporter les hausses à l'international. Les distributeurs de produits pétroliers ont même fait savoir à qui veut bien les entendre que d'ici au mois de juin, la Caisse ne pourra plus leur payer le différentiel des prix entre celui de revient et celui de vente. Selon eux, une crise pourrait éclater. Nizar Baraka sort de ses gongs. «Il est complètement faux d'avancer une chose pareille. Il n'y aura aucun arrêt de remboursement de la part de la Caisse de Compensation. Et de toutes les façons, il y a toujours eu des arriérés à payer aux distributeurs, même après le bouclage d'une année ». La Caisse de Compensation aurait-elle alors des ressources cachées ? Le gouvernement a prévu une enveloppe de 13 milliards de DH (sur un montant global de 20 milliards) affectée à la compensation des produits pétroliers. Au rythme de l'évolution des prix du baril, cette manne va vite disparaître. Comment le gouvernement compte-t-il financer les surcoûts? Nizar Baraka se veut rassurant. «Les textes relatifs à la Caisse de Compensation sont clairs. La loi lui permet d'utiliser des mécanismes si le besoin s'en fait ressentir. Elle permet de prendre les mesures nécessaires pour éviter une quelconque cessation de paiement », explique le ministre. Il pourrait être question de lancer des emprunts obligataires, de demander des avances au Trésor ou à des organismes publics et privés… Le gouvernement agit au jour le jour Mais nous n'en sommes pas là. Le gouvernement continue à agir au jour le jour. Et si demain le prix du baril baissait, cela ne devrait rien changer aux prix à la pompe. Ils ne baisseront pas. Le système d'indexation ne sera pas activé. Le gouvernement estime qu'il a déjà beaucoup fait pour supporter le différentiel entre les coûts de revient réels et les prix de vente fixés par l'administration. Quant aux autres produits subventionnés, l'équipe de Abbas El Fassi a décidé d'adopter une politique similaire, celle de laisser passer l'orage quitte à supporter un fardeau financier. L'équipe d'Abbas El Fassi est on ne peut plus optimiste. Elle s'attend à ce que la campagne céréalière soit correcte. «Dans ce cas, nous ne devrons plus continuer à subventionner le blé tendre », confie le ministre. De fait, l'accent sera mis sur la production nationale. A priori, le Maroc aurait la possibilité d'atteindre une situation qui lui permet de ne plus être aussi dépendant des conditions climatiques. «Nous menons une étude dont les résultats devraient aboutir au mois de mai prochain. Notre objectif est d'arriver à une production moyenne de 40 millions de quintaux, quelque soit le climat », soutient le ministre des Affaires Générales. A travers les différentes mesures prises ou à prendre, le gouvernement tente d'apaiser les esprits. Il essaie d'enrayer la crise en continuant à maîtriser les prix des produits de première nécessité, quitte à creuser le déficit budgétaire, quitte à augmenter les taxes. L'essentiel, c'est de faire taire une population qui bouillonne.