Amhal fait encore une fois l'actualité. Cette fois-ci, il s'associe à Said Alj, qui entre en force dans le capital de PGC, filiale du groupe Amhal, et qui confirme ses objectifs de devenir un géant de l'agroalimentaire au Maroc. Que deviendront PGC, Amhal et son équipe dirigeante ? Détails et enjeux d'une union pour le moins imprévue. 106, boulevard Gandhi à Casablanca. Nous sommes vendredi 7 mars. Sur place, des blouses bleues s'activent pour enlever l'enseigne de PGC accrochée à la façade de cette imposante villa appartenant au groupe Amhal. La situation interpelle. Les Casablancais qui empruntaient cette artère à cette heure précise et qui s'intéressent de près au milieu des affaires se posaient tous la même question : que cache un tel acte ? Amhal aurait-il récidivé en vendant ce qui reste du groupe familial ? En tout cas, le bruit a vite couru que Mustapha Amhal aurait cédé son groupe pour investir son argent ailleurs. Des rumeurs persistantes évoquaient sa future association avec le français Carrefour pour se lancer dans la grande distribution. D'autres parlaient tout bonnement du recentrage intégral du fils Amhal dans l'immobilier, activité au rendement sûr et conséquent par les temps qui courent. Cette deuxième supposition a été étayée par les achats de terrains qu'aurait opérés le groupe récemment. Un acte qui peut sembler anodin quand on sait qu'Amhal dispose d'ores et déjà d'un pôle immobilier en plein développement, mais que certains ont considéré comme un message fort annonçant le futur désengagement de ce Berbère des métiers historiques du groupe. Après avoir vendu le pôle énergie au groupe Akwa, il y a quelques années, Amhal serait-il en train de «sacrifier» le restant du patrimoine familial ? Et au profit de qui ? S'agit-il effectivement de Alj, président du groupe Unimer-VCR et étoile montante dans le domaine de l'agro-industrie entre autres ? Rendez-vous est donc pris avec le premier concerné : Mustapha Amhal. Contrairement à Alj, injoignable par téléphone malgré les multiples tentatives, le président de PGC s'est montré accessible, saisissant cette occasion pour tirer les choses au clair. Fidèle à lui-même : il est accueillant, chaleureux et… peu bavard quand il s'agit de parler des détails afférents à son groupe. Cependant, malgré une apparence sereine, Mustapha Amhal ne parvient pas à masquer ce petit air triste qui tranche avec ce sourire suspendu aux coins de ses lèvres. Amhal prend-il la poudre d'escampette ? Les rumeurs qui continuent à circuler semblent avoir réussi à l'atteindre moralement. Il ne s'en cache pas d'ailleurs : «les gens font des déductions rocambolesques et avancent des propos dont ils ne sont pas sûrs sans se soucier de leur impact. Si nous avons enlevé la signalisation, c'est que la holding familial récupère son siège et que la filiale PGC regagne son ancienne adresse», lance-t-il tout de go. Et d'ajouter, «concernant Carrefour, c'est de la pure imagination. Je ne sais pas d'où cette rumeur tient son origine». Les informations qui circulent seraient-elles donc entièrement fausses ? Non, elles contiennent une part de vérité, notamment l'association avec Alj. Ce sont par contre les détails avancés qui ne traduisent pas fidèlement le contenu de la transaction passée entre les deux hommes. Flash-back. Les faits remontent à quelques mois déjà. Amhal est à la recherche d'un nouveau partenaire pour PGC, filiale du groupe Amhal spécialisée dans l'agroalimentaire et la distribution. Il sonde des groupes financiers, des entreprises d'agroalimentaire et même des opérateurs de la distribution. Et c'est finalement sur l'offre de Alj qu'il se fixe. Que représentait-elle de si alléchant ? Mustapha Amhal n'en dévoilera pas la teneur financière.Sa réponse est plutôt évasive : «c'est pour une question de synergie que j'ai accepté que la holding Aljia entre dans le capital de PGC. Nos métiers se ressemblent, nos approches aussi», se contente-t-il de dire. Amhal ne pouvait donc pas continuer à ramer à deux bras seulement. Il avait besoin de renfort, peut-être comme l'avance ce concurrent, pour des raisons de difficultés financières qui étranglent le groupe. «Pas du tout. D'ailleurs, l'association est le résultat d'une augmentation de capital et non d'une cession de parts dans le capital existant», se défend Amhal. «Alj et Mustapha Amhal ne sont pas de simples concurrents. Ce sont des amis de longue date», explique une source proche du dossier. Et de poursuivre : «ce n'est donc pas étonnant qu'ils s'associent aujourd'hui dans les affaires». Amitié ou pas. L'association change aujourd'hui de fond en comble la structure du capital. Selon une source proche du dossier, «avec la conclusion de l'opération d'association, Alj devient majoritaire dans PGC». Une information que Amhal essaie de nuancer : «nous avons fait en sorte que l'équilibre prime». Cela signifie-t-il que les parts sont détenues égalitairement ? Amhal ne veut toujours pas répondre par des propos clairs : «il est encore tôt pour exposer tous les détails concernant l'association. Nous sommes toujours en train d'étudier les scénarii concernant les synergies à mettre en place. Ce travail, qui est en cours de réalisation, permettra de se fixer sur l'ensemble des détails». S'il y a par ailleurs un détail sur lequel il insiste en particulier, c'est bel et bien le maintien de son poste de président. «Rien ne changera dans l'organigramme de PGC, j'en reste le président. L'équipe dirigeante non plus ne changera pas», tient-il à préciser. Un acquis dont il se targue, tel un bon point qu'il a pu marquer dans ses négociations avec Alj. Ce qui intéresserait Alj, ce n'est pas d'ajouter PGC à la liste des nombreuses entreprises qu'il préside (voir encadré), mais de tirer profit des parts de marchés dont dispose cette entité. Son appétit semble grandir de jour en jour. En témoigne le renforcement du pôle agroalimentaire du groupe qui ne date pas d'aujourd'hui. Des rachats à bras-le-corps A la fin 2007, Alj surprend tout le monde en achetant la Monégasque, l'un des «parents pauvres» de l'ONA. Il s'agit d'une petite société spécialisée dans la semi-conserve d'anchois dont le holding royal voulait se défaire depuis quelques années, notamment depuis la nomination de Saâd Bendidi. Considérée par l'ONA comme un facteur qui grève le résultat net, la Monégasque constituait une belle opportunité aux yeux du groupe Alj. En s'adjugeant les deux unités de production dont une d'anchois et de salaison et un atelier de Marinade à Mehdia et de deux unités de salaison à Agadir et Safi, Alj s'est doté de nouveaux moyens pour diversifier et élargir sa présence dans le secteur de l'agro-industrie en intégrant un segment jusque-là inexploré par son groupe : la conserve d'anchois. Mais qui renforce la présence du groupe dans la conserve de poisson puisque Unimer, l'une de ses filiales opère déjà dans la conserve de sardines. Mais encore une fois, cette opération n'a fait que confirmer les visées expansionnistes que le groupe matérialise depuis trois ans. En 2006, le groupe soumissionne à l'appel d'offres concernant une ferme située à Marrakech et appartenant aux domaines de la Sodea. Il n'en ressort pas bredouille puisqu'il remporte l'appel d'offres et s'adjuge une ferme étalée sur quelque 400 ha. Celui lui permet non seulement de maîtriser son propre approvisionnement mais aussi d'entrer de plain-pied dans la production d'huile d'olive. La même année, il acquiert des titres de participation dans le capital de Retail Holding qui contrôle la société de distribution exploitant l'enseigne Label Vie. Cela lui permet d'avoir une belle entrée pour l'ensemble de ses produits, aussi bien ceux qu'il fabrique lui-même que ceux qu'il distribue. Le groupe Alj était déjà en train de grandir à pas sûrs et sans grand tapage. Dates-clés de Oismine Group 1972 Création de SOMEPI et de la première station de service à BenAhmed dans la province de Settat. 1986 Création d'Omnium Marocain de Fûts, OMAFU, actuel Van Leer OMAFU, société spécialisée dans la production d'emballages industriels en acier de grande contenance et de bido 1991 Création de LIQUIGAZ MAGHREB, société maroco-canadienne, spécialisée dans la distribution de gaz propane en vrac pour les collectivités et les industries. 1998 Création de TISSIR PRIMAGAZ, société de distribution de GPL. 2000 Création d'INTRAL industries. L'année 2000 fut marquée par deux autres partenariats stratégiques dans les domaines des lubrifiants avec TEXACO Inc. et dans le domaine du développement des projets de grande infrastructure avec ENERCOP USA. 2001 Création de Avendis, société de distribution. 2003 Création de Sodalmu, société de production de boissons gazeuses. 2004 PGC contribue à la création de Savola Maroc et prend 49% du capital. 2005 Somirgy,composé de Somepi, Somepi Lubrifiant (50%), Sudoil (50%), Primagaz (50%), est cédé au groupe Akwa de Aziz Akhanouch. 2005 Les 49% de Savola Maroc sont cédés. 2008 Amhal cède 50% de PGC (Avendis Food, Avendis Cosmetics, Fast moving good, Distra, Sodalmu) à Saïd Alj, homme d'affaires. «La Bourse ? Oui, mais pas maintenant…» Poser à Mustapha Amhal une question sur ses attentes vis-à-vis de la nouvelle association, c'est prendre le risque de se heurter à des réponses parfois évasives. «En assurant les synergies recherchées, nous aspirons à augmenter notre chiffre d'affaires et partant de là nos parts de marchés», s'est-il limité à déclarer. Des imprécisions à mettre peut-être sur le dos du non-achèvement du processus de discussions entre les deux partenaires. «Nous communiquerons dans les détails dans les mois à venir. Le temps de faire le parallèle concernant les synergies entre les deux entités. Il s'agit d'un travail scientifique et non de prévisions faites au hasard», précise-t-il. Cependant, il ne manque pas de déclarer que le groupe compte amener de nouvelles cartes à distribuer en exclusivité au Maroc. Pour le moment, il en garde jalousement les noms secrets. «Tant que rien n'est scellé, je ne peux pas en dévoiler le contenu». Et la bourse dans tout cela ? «Pourquoi pas, mais là encore, il faudra attendre un peu. Le jour où le groupe atteindra sa vitesse de croisière et qu'il s'estimera suffisamment fort pour attirer les souscripteurs en masse, il le fera sans hésiter. Mais maintenant, nos priorités sont de doter l'entreprise de tous les atouts ». Repères Le fabuleux destin de Saïd Alj Saïd Alj est un habitué de la Bourse de Casablanca. Le holding qu'il préside compte trois sociétés cotées en Bourse: Unimer, Taslif et Stokvis Nord Afrique, société spécialisée dans le matériel agricole et des travaux publics. Est-ce sa formation de gestionnaire ou son expérience en Europe qui en est à l'origine ? Peut-être les deux à la fois. Diplômé de l'Ecole Supérieure des Cadres en Gestion des Entreprises de Paris, il compte à son actif différentes expériences aussi bien en tant que dirigeant d'entreprises en Europe, là où il a démarré sa vie professionnelle, qu'au Maroc. En 1993, il prend les rênes du groupe Unimer, une société reprise par la famille Alj en 1986. «L'activité traditionnelle de la société se limitait à la production et à l'exportation de conserves de cornichons pour le compte d'un nombre réduit de clients, et dans une moindre mesure du vinaigre à destination du marché marocain. La nouvelle équipe dirigeante, afin d'atténuer la dépendance vis-à-vis de cet héritage historique, se lance à la conquête des marchés africains, européens et américains», selon le management d'Unimer. En 2001, les premiers résultats encaissés, Alj introduit l'entreprise en Bourse. Dans la foulée, il crée Taslif, société de crédit à la consommation, qu'il a ensuite introduite en Bourse en 1997, soit quelques années avant Unimer qui pourtant existait bien avant elle. Homme d'art aussi, il est l'un des initiateurs du projet Cla Studios à Ouarzazate. Cela lui vaut d'être décoré en 2005 du Ouissam Al Arch de l'ordre de chevalier.