Pour sa deuxième édition, le cabinet a dû s'y prendre par deux fois pour prendre en compte les premiers effets de la crise sanitaire. Au constat, un optimisme de fin d'année 2019 tempéré par l'impact de crise mais un certain optimisme sur le long terme. Un business model, très familial se dégage à travers les 6 thématiques évaluées auprès des dirigeants d'entreprise. « Ce contexte particulier (crise sanitaire) nous a d'ailleurs amenés à décaler la publication de ce baromètre et à adopter une approche en deux phases : un premier questionnaire auprès des CEOs réalisé fin 2019 – début 2020 suivi d'un questionnaire complémentaire entre Avril et Juin 2020 afin d'intégrer les premiers enseignements de la crise sanitaire et ses principaux impacts sur le baromètre initial », explique Brice Chasles, Managing Partner de Deloitte Afrique Francophone. Le résultat n'a pas surpris puisque la détérioration de l'environnement économique a impacté les réponses du second round d'enquête chez les patrons d'entreprise. « Sans surprise, nous avons observé entre ces deux phases du baromètre une détérioration du sentiment général exprimé par les dirigeants interrogés sur les perspectives de développement du continent à court terme : d'une relative prudence exprimée initialement, la grande majorité des dirigeants affichent clairement leur pessimisme à court terme. Cependant, ces dirigeants restent résolument confiants dans les perspectives de développement du continent à long terme », détaille-t-il. Lire aussi | La CMR est-elle encore "sauvable" ? L'enquête a reconduit les 6 problématiques couvertes lors de la première édition à savoir : Stratégie, Gouvernance, Finance, Innovation, Impact et Talents, et a touché des patrons issus de zones géographiques différentes du continent. L'objectif étant de restituer une image aussi fidèle que possible de la diversité des réalités et des situations sur le Continent. Des résultats, Deloitte tire un « business model africain » aux accents entrepreneurial, avec une approche proactive. Un modèle diversifié et résilient qui « se nourrit de l'apprentissage successif et pas uniquement de sa seule vision. Sa dimension culturelle et familiale ensuite, dans son acception la plus large – famille fondatrice et membres de l'entreprise, perçue comme une extension naturelle de la première. Son ancrage local fort et son lien avec les communautés – dont le développement ne répond pas à une contrainte réglementaire RSE, mais résulte d'une conviction profonde. Une cohérence d'ensemble, qui ne se laisse pas facilement appréhender, et ne se dévoile à l'observateur extérieur qu'à la lumière de l'ensemble de l'écosystème dans lequel elle s'inscrit », décrit Brice Chasles. Mais ce modèle est encore naissant et les contours restent à dessiner et préciser. « Cela passera nécessairement par une plus grande coopération et une logique de partenariats renforcés entre puissances publiques, bailleurs de fonds internationaux et entreprises, que tous les participants à notre étude semblent appeler de leurs vœux », conclut Chasles. Résultat par thématique Stratégie – 80% des répondants (contre 73% en 2019) sont de plus en plus confiants dans le développement économique du continent à long terme. Cet optimisme est néanmoins nuancé par un recul de la confiance à court terme, d'une part à cause de la crise sanitaire, et d'autre part lié aux nombreuses échéances électorales qui se profilent sur le continent en 2020. – Les répondants à l'étude partagent tous le même enthousiasme pour le projet de marché unique africain (ZLECA), porté par les pouvoirs publics et considéré comme un levier important d'accélération de la croissance. Ils partagent cependant également la conviction que ce processus d'unification ne peut être porté exclusivement par les pouvoirs publics, et semble dans l'ensemble sceptique quant à la faisabilité d'un lancement effectif de la ZLECA à court terme. Lire aussi | Le groupe de cliniques CIM Santé accueille le sud-africain Vantage Capital En matière d'attractivité des investissements en Afrique en 2020, la Côte d'Ivoire conserve la première place, le Kenya, le Ghana, le Sénégal ont gagné des places pour se positionner sur les 3 places suivantes. Gouvernance – 41% des dirigeants déclarent avoir mis en place en interne un cadre d'appétence au risque formalisé, aligné avec la stratégie, décliné opérationnellement dans l'ensemble de l'entreprise. La crise Covid-19 est un rappel que les risques exogènes pouvant affecter les entreprises sont nombreux et peuvent être brutaux, d'où la nécessité de bien se préparer. 60% des dirigeants estiment que Covid-19 aura un impact long-terme, plus structurel, sur la gouvernance des entreprises afin de les transformer et préparer à affronter de futures crises. – 66% des entreprises sondées comptent au moins un membre indépendant à leur conseil (contre 61% il y a un an). Cependant, 34% des entreprises interrogées n'ont encore aucun administrateur indépendant, ce qui témoigne du chemin restant à parcourir. – 74% des entreprises interrogées comptent moins de 25% de femmes au sein de leur conseil d'administration – dont 54% sont même en dessous de la barre des 10%, en recul par rapport à l'année dernière (73% des entreprises comptaient moins de 25% de femmes au sein de leur conseil d'administration – dont 45% en-dessous de la barre des 10%). Financement – Le phénomène de PME sous-financées par le système financier, répandu dans la plupart des économies du monde et particulièrement saillant en Afrique, semble en diminution significative sur l'exercice écoulé, avec une évolution très positive remontée par les dirigeants interrogés : s'ils continuent de se financer d'abord sur leurs fonds propres (40%), cette proportion est en forte diminution par rapport à 2019 (53%). C'est principalement le développement de solutions de financement alternatives mises à disposition par les fonds d'investissement (18% contre 9% en 2019) qui explique cette évolution, la part des financements bancaires restant stable à 24%. Lire aussi | Anouar Berrada : « nous ne pensons même plus à la saison hiver 2020/2021 mais à sauver la saison d'hiver 2021/2022 ! » – 44% des dirigeants estiment ainsi que l'accès au crédit bancaire s'améliore, et seulement 12% d'entre eux font état de difficultés accrues. Les solutions de financement alternatives demeurent par ailleurs encore trop peu développées et/ou structurées. Innovation – De par son caractère stratégique, l'innovation est de plus en plus développée en interne par les entreprises (38% contre 23% en 2019), qui identifient les technologies mobiles et digitales comme priorités de développement pour l'année à venir (56% des répondants contre 50% en 2019). L'intérêt des dirigeants pour l'intégration d'outils d'intelligence artificielle au sein de leurs activités a beau croître fortement, il reste à ce stade assez modéré (19% des répondants contre 9% en 2019). – Pour le secteur privé, la conduite du changement digital doit associer l'ensemble de l'écosystème : pas seulement les collaborateurs, mais aussi et surtout les clients et fournisseurs, afin que les solutions déployées en interne soient le plus efficace possible. Le succès de ces nouveaux outils digitaux dépendra de la capacité de l'entreprise à les faire adopter par l'ensemble des parties prenantes. – 98% des dirigeants estiment que la crise Covid-19 va accélérer la digitalisation et 85% des dirigeants estiment que le Covid-19 a un impact fort (changements et transformations profonds) ou moyen (accélération de certains projets) sur l'innovation pour les années à venir. Impact – Pour 93% des dirigeants africains, la contribution à l'amélioration de la situation sociale des parties prenantes (employés et populations locales) fait partie de la stratégie d'entreprise. Le top management est souvent à l'origine de cette démarche d'inclusion sociale (67% des répondants). En effet, les dirigeants sont convaincus du rôle social de l'entreprise, portée par des valeurs fortes, telles que l'intégrité, la confiance, l'exigence de qualité. – L'amélioration de la qualité de vie ne se limite pas seulement aux salariés de l'entreprise. Ainsi, les sujets de valorisation des populations locales sont considérés comme majeurs par les chefs d'entreprise africains. Plus précisément, l'éducation (41% des répondants), l'emploi (35% des répondants) et la santé (22% des répondants) apparaissent comme des priorités centrales de développement des communautés locales. – Pour 73% des dirigeants sondés, la crise Covid-19 devrait avoir un impact positif sur le développement d'initiatives locales et le renforcement des démarches RSE. Parallèlement, 91% des dirigeants anticipent une modification des chaînes de valeur au niveau mondial, vers une régionalisation, avec un impact important en termes de sourcing et de logistique. Lire aussi | Jorf Lasfar : un modèle en matière d'économie circulaire Talents – Il semble par ailleurs subsister encore un décalage entre les cursus des établissements d'enseignement supérieur africains et les compétences qu'on y enseigne d'une part, et les expertises dont ont besoin les entreprises d'autre part –même si les participants à notre étude reconnaissent les progrès considérables déjà accomplis. Les principales problématiques RH rencontrées par les entreprises demeurent ainsi le manque et/ou l'inadéquation des compétences des candidats pour les postes proposés (selon 44% des répondants). – Le recrutement de profils expérimentés apparaît comme particulièrement critique pour les dirigeants interrogés. Plus spécifiquement, leurs principales problématiques en termes de recrutement de talents se situent aux échelons du middle (35% des répondants) et top management (24% des répondants), ainsi que des fonctions techniques (19% des répondants).