Où en est la TPE depuis la mise en place des mécanismes « Relance TPE » et « Damane Relance » ? Cette catégorie d'entreprises a-t-elle réussi à en profiter pour atténuer l'impact de la pandémie ? Abdellah El Fergui, président de la Confédération marocaine des TPE et PME, décortique la situation. Challenge : Au vu de l'évolution de la crise économique engendrée par la pandémie, les défaillances d'entreprises et notamment de TPE et PME vont être deux ou trois fois plus importantes d'ici la fin de l'année que d'habitude. Comment entrevoyez-vous cela ? Abdellah El Fergui : En temps normal, le Maroc enregistre à peu près 10.000 défaillances d'entreprises par an, majoritairement des TPE et PME. Mais compte tenu du contexte actuel, je pense que nous allons enregistrer au minimum le triple voire plus d'ici fin 2020. La situation est vraiment critique pour les Petites et moyennes entreprises et les Très petites entreprises, sans oublier les auto-entrepreneurs aussi. Lire aussi|CCG : plus de 15.000 entreprises bénéficiaires des mécanismes de relance Challenge : La CCG vient d'annoncer que depuis leur mise en place, les mécanismes « Relance TPE » et « Damane Relance » ont profité à pas moins de 15.183 entreprises. N'est-ce pas une bonne nouvelle ? A.E.F : Un peu plus de 15000 bénéficiaires alors qu'on a plus de 4 millions de TPE et PME dont la majorité est dans des difficultés financières à cause du coronavirus. Vous voyez que cette comparaison nous montre que 15000 ne représentent pas grand-chose. Il faut qu'on arrive rapidement à 300.000 entreprises bénéficiaires si on veut essayer de limiter les dégâts. Il y a beaucoup de TPE qui n'arrivent toujours pas à bénéficier de ces mécanismes de soutien parce que les banques, malgré la communication qu'il y a autour, leur compliquent les choses. C'est le parcours du combattant dans bien des cas. Certaines banques leur imposent des conditions qui, parfois, ne figurent même pas dans ce qui a été annoncé dans les médias. On sait que le tissu économique au Maroc est dominé à moitié, au moins, par l'informel. Je pense que c'est une réalité qu'il faut comprendre dans la situation actuelle si on veut sauver la TPE et les emplois. Lire aussi| Coronavirus : soutien logistique « substantiel » pour Casablanca Challenge : Le gouvernement a entamé sa rentrée économique. Quel appel lancez-vous à l'endroit de l'Exécutif vu la situation très délicate que vous décrivez ? A.E.F : Le gouvernement n'écoute pas les TPE et encore moins la confédération. Sinon, nous lui avons lancé plusieurs appels déjà. Force est de constater, malheureusement, que le gouvernement n'a pas de programmes d'appui et d'accompagnement pour soutenir les TPE dans cette crise, alors que cette catégorie d'entreprises est au bord de la faillite. Il est clair que l'Exécutif n'a pas l'ambition de sauver les TPE. Il faut que le ministère de tutelle intervienne en urgence. Je pense que nous aurons bientôt une réunion avec le ministre de l'Industrie et du commerce. Il nous a promis cela. Le gouvernement préfère discuter avec certains secteurs et avoir des solutions sectorielles au moment où toutes les TPE (tous secteurs confondus) souffrent. Et même avec le projet de loi de finances 2021, je ne pense pas que l'Exécutif veuille protéger la TPE à travers quelques mesures que ce soit. Je pense qu'il faut que le gouvernement arrive à comprendre que les TPE ont des besoins spécifiques qui ne sont pas le mêmes que ceux des entreprises représentées par la CGEM (Confédération générale des entreprises du Maroc) qui, elles, ont toute son attention.